J’ai participé au championnat d’Europe de gravel et ça s’est mal terminé

Le premier championnat d’Europe (et de Belgique) de gravel était organisé ce 1er octobre autour d’Oud-Heverlee. Une course ouverte aux professionnels et amateurs.
Au départ du premier championnat de Belgique et d’Europe de gravel

Le gravel prend une place de plus en plus importante au fil des saisons dans l’univers cycliste. Cette discipline privilégiant les chemins de terre promeut une forme de liberté, la découverte de routes naturelles méconnues, une ambiance plus apaisée que les autres disciplines. Le gravel, c’est le vélo plaisir avec un soda ou une bière autour d’un barbecue pour conclure la journée. Du moins, c’est l’image que ce sport dégage depuis sa création aux États-Unis jusqu’à son adoption en Europe.

Déjà passionné de cyclo-cross, se lancer sur les routes de gravier me semblait une évidence. Le fait de vivre près d’une forêt régionale de plusieurs centaines d’hectares où les chemins sont larges et adaptés aux deux-roues aide évidemment à apprécier cette discipline. J’avais eu l’occasion de m’essayer au gravel dans le cadre d’un événement organisé (par Flanders Classics) en 2019, et les trouvailles de parcours m’avaient conforté dans l’idée d’une discipline innovante, qui n’hésite pas à proposer des tracés que personne n’oserait habituellement emprunter. Il y a évidemment les lignes droites dans le gravier qui forgent l’image du gravel, mais il existe aussi des passages plus techniques, des descentes abruptes, des montées plus rudes… Cette diversité permet d’apprécier l’effort, de contempler des paysages uniques.

Alors, quand Golazo annonce l’organisation du premier championnat d’Europe et de Belgique de gravel à Oud-Heverlee, à quelques kilomètres de Louvain, et que cette compétition s’ouvre tant aux professionnels qu’aux amateurs, l’occasion de se préparer pour cet exercice particulier était trop belle. Participer à une telle épreuve à une trentaine de kilomètres de la maison, c’est unique. Et même si la condition physique n’est pas idéale, profiter des dernières semaines de l’été pour enchaîner les kilomètres ne semble pas impossible. Alors, autant se lancer, pour l’expérience, pour le défi ! Après avoir passé 160 kilomètres sous la pluie lors du Tour des Flandres cyclo et avoir enchaîné le Stelvio et le Gavia dans la fournaise durant l’été, autant ajouter 135 kilomètres dans les forêts brabançonnes au tableau de chasse.

Les calculs commencent

La préparation pour cet événement particulier se termine par une reconnaissance du parcours, le mercredi. Une nonantaine de kilomètres autour de la grande boucle entre Oud-Heverlee et Jesus-Eik, et autour de la petite boucle entre Oud-Heverlee et Blanden. Les côtes s’enchaînent difficilement, les routes sont finalement plus techniques qu’attendu : il va falloir être costaud pour enchaîner les kilomètres sans cramer les cuisses. Surtout, la pression monte car il s’agit d’un championnat : en cas de lenteur manifeste, le dossard est retiré. Même si la course peut être terminée, sans autre assistance, le fait d’être retiré de l’épreuve risque de me miner le moral. Alors, les calculs commencent : à une moyenne de 25 km/h, je peux terminer sans problème. Même si cela signifie près de six heures sur la selle, quasiment sans pause.

Cette course m’a rapidement plus stressé que les précédentes cyclosportives auxquelles j’ai pu participer. Car il s’agit d’une compétition et que l’enjeu est donc bien réel pour beaucoup dans le peloton qui s’élance ce dimanche. Personnellement, l’objectif est simplement de terminer. Pour d’autres, le risque et la vitesse sont les deux composantes à gérer pour réussir la journée. Le stress monte au fil de la dernière semaine. Cette pression se fera plus forte encore à la veille de la course : le dérailleur SRAM de mon vélo fait des siennes. Impossible de passer les plus grandes vitesses… Malgré des réglages avec tutoriel sur YouTube, les tentatives de réparation échouent l’une après l’autre. Au grand dam de mon moral. J’envisage le forfait. Je tente un dernier appel à mon vélociste habituel qui doit fermer son atelier quelques minutes plus tard, mais il ne peut me secourir. Le dernier espoir est qu’un mécanicien au départ puisse réparer ce problème de dernière minute. Et dire que mon vélociste m’avait dit deux semaines plus tôt que le dérailleur serait le prochain chantier auquel s’attaquer…

L’espoir grâce à un mécano

Malgré ce problème mécanique, j’atteins la ligne de départ et trouve rapidement un poste Shimano qui propose des réparations rapides. Le mécanicien sur place ne connaît pas forcément SRAM, mais il visse, dévisse, teste. Et voilà que le dérailleur propose un peu plus de vitesses que la veille. Me voici sauvé ! Pensais-je… Deux barres protéinées pour lancer la journée (j’ai pris quatorze barres pour la journée dans mon Camel Bag, avec deux litres d’eau et deux bidons de 75 cl, pour être sûr…) et il est déjà temps de s’installer dans la zone de départ pour la dernière demi-heure avant le coup de feu. La pression continue de grimper. Le premier virage est seulement 400 mètres plus loin, avant une montée abrupte dans la forêt. Partir fort ou tranquille ? On va plutôt choisir la deuxième option pour éviter les problèmes d’emblée. Et trois minutes après les élites femmes, voici déjà le départ de la catégorie des 19-34 ans : c’est pour ma pomme. Je me mets sur l’avant-dernière vitesse, je lance le sprint sans déborder grand-monde, mais je suis au moins tranquille pour aborder le premier virage à angle droit sans difficulté.

Les premières relances ne sont pas simples, mais je suis un petit peloton, alors que les grappes de candidats aux titres amateurs dévalent à toute vitesse, crient « links » ou « rechts » pour annoncer par où ils souhaitent dépasser, prennent tous les risques dans les virages glissants sur les chemins empierrés. Je vois déjà trois ou quatre concurrents à terre, parfois en sang. Quel plaisir dans la bataille ? Je laisse celles et ceux qui rêvent de podium me dépasser. Autant rester sur la droite et éviter une embardée. Les crevaisons sont également légion, sur des routes qui laissent apparaître tardivement des pierres ou des racines.

Le dérailleur m’abandonne

Malheureusement, juste après le premier poste de ravitaillement, mon dérailleur refait des siennes. Impossible de passer les trois plus petites et les trois plus grandes vitesses. Je sens que le dérailleur touche les plateaux. J’hésite à rebrousser chemin pour revenir à la zone de ravitaillement où se trouve un poste matériel, mais c’est déjà loin… Alors, autant continuer et s’arrêter à ce même poste lors du deuxième tour. Car il faut d’abord enchaîner deux tours du petit circuit avant un tour du grand circuit et un dernier du petit circuit. J’essaie tant bien que mal de passer les vitesses, mais le dérailleur est très récalcitrant. Impossible de bien relancer dans ces conditions. Je me retrouve à mouliner comme jamais dans les portions descendantes et à la sortie des virages. Et dans les raides ascensions, le braquet fait monter les lactates. Bref, la moyenne diminue, la motivation également.

Au deuxième tour, je parviens au poste de ravitaillement. Un mécanicien, bienveillant, m’annonce qu’une vis a sauté et qu’il n’a malheureusement pas la pièce manquante. « Il vaut mieux éviter de trop rouler sinon votre dérailleur va casser », prévient-il par ailleurs. Rouler encore quatre heures dans de telles conditions semble bien compliqué. Je décide alors de terminer au moins ce tour pour pouvoir rendre la puce et retrouver ma compagne. Le moral est au plus bas, les derniers kilomètres sont un calvaire. Mais je termine finalement. Malgré les problèmes mécaniques, la moyenne est bien au-delà des 25 km/h, la confirmation que la journée était bonne. Ce qui rend l’abandon encore plus difficile à avaler.

Vivement 2024

L’expérience était quand même intéressante, et il faut noter la très bonne organisation proposée par Golazo, que ce soit au niveau des postes intermédiaires ou sur le site de départ et d’arrivée. Et cet abandon m’a au moins permis de profiter des arrivées victorieuses de Tiffany Cromwell (chez les élites femmes) et de Jasper Stuyven (chez les élites hommes), une heure à une heure et demie plus tard. Dans une ambiance bien éloignée des courses sur route, avec une ferveur bien locale et des festivités plus proches du public. Certes, c’était un double championnat. Mais c’était du gravel. Une discipline qui se professionnalise, mais qui propose toujours une recette originale et naturelle. Vivement 2024 pour les championnats du monde sur d’autres routes brabançonnes, du côté de Hal. Même si ce sera hors compétition pour ma part…

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