Championne du monde sur piste, championne d’Europe sur piste, championne de Belgique sur route et sur piste : le palmarès de Lotte Kopecky est déjà conséquent. Mais l’Anversoise de 26 ans chassait depuis trois saisons une grande classique pour confirmer son statut de championne complète. Elle a comblé ce vide ce samedi au bout d’une course parfaite sur les Strade Bianche, une victoire de prestige obtenue devant un peloton de prestige.
Cela fait bien longtemps que le cyclisme belge se cherche une championne capable d’engranger les classiques, dans la plus pure tradition noire-jaune-rouge. Si les hommes parviennent à briller depuis plus d’un siècle sur ces courses d’un jour, pourquoi pas les femmes ? Encore fallait-il une structure pour former ces jeunes femmes et un talent pour détecter leur potentiel. Lotte Kopecky fait partie de ces cyclistes qui ont bénéficié d’une formation plus importante que ses aînées pour arriver rapidement au top et imaginer un avenir brillant pour le cyclisme féminin belge. Du cyclo-cross vers la piste et la route, cela fait déjà six saisons que Lotte Kopecky confirme ses qualités, à tel point que depuis la retraite de Jolien d’Hoore, actée en 2021, la double championne de Belgique sur route devient la représentante la plus célèbre du plat pays.
Cette pression s’était déjà ressentie l’an dernier. Propulsée leader sur les classiques de la nouvelle équipe Liv Racing, Lotte Kopecky a frappé fort dès le début du printemps avec un succès sur Le Samyn des Dames. Avant d’enchaîner les problèmes mécaniques sur les Strade Bianche, sur le Tour des Flandres… Sa deuxième place sur Gand-Wevelgem était le seul lot de consolation de ce printemps compliqué, durant lequel elle s’est en prime retrouvée très souvent esseulée. Le moteur, elle l’a. Il lui reste à obtenir la chance et le collectif.
Une nouvelle équipe pour une plus large ambition
Passée cette saison chez SD Worx, une équipe de stars qui emmène sur chaque classique une armada, Lotte Kopecky pouvait espérer un plus large soutien et de meilleures conditions pour ces classiques printanières, avec le Tour des Flandres comme point d’orgue. « J’espère que cette équipe pourra m’aider à atteindre mes objectifs cette saison », lâchait-elle en début d’année lors de la présentation du nouvel effectif de SD Worx. L’ambition était là, malgré une équipe très imposante qui peut également compter des vainqueures potentielles de classiques comme Demi Vollering (Liège-Bastogne-Liège 2021), Chantal van den Broek-Blaak (Gand-Wevelgem 2016, Amstel Gold Race 2018, Tour des Flandres 2020, Strade Bianche 2021) ou encore Ashleigh Moolman-Pasio (GP de Plumelec 2017 et 2018).
C’est bien ce collectif qui a permis à Lotte Kopecky d’obtenir, ce samedi « la plus belle victoire (sa) carrière ». Car tout au long du final de ces Strade Bianche, les femmes en mauve et jaune de SD Worx ont été en surnombre pour bousculer les autres favorites du jour. Lotte Kopecky s’est même permis de mettre la pression elle-même sur ses rivales en attaquant à plus de 25 kilomètres de l’arrivée, à l’aube des trois derniers secteurs empierrés du jour. L’occasion de pousser Annemiek van Vleuten (Movistar), Marianne Vos (Jumbo-Visma) ou encore Elisa Longo Borghini (Trek-Segafredo) à faire le travail à l’arrière pendant que Demi Vollering et Ashleigh Moolman-Pasio (SD Worx) restaient dans les roues. Rebelotte dans le dernier secteur : Van Vleuten attaque, Kopecky suit et derrière, les rivales de SD Worx s’époumonent.
“La roue à suivre, celle d’Annemiek”
À moins de 7 kilomètres de l’arrivée, toutes les favorites se retrouvaient en un seul groupe pour le sprint final vers le mur de la Via Santa Caterina, avec ses 13% de moyenne sur moins de 500 mètres. Les SD Worx restaient à trois et pouvaient ainsi jouer la carte collective face aux Van Vleuten, Vos, Longo Borghini, Shirin van Anrooij (Trek-Segafredo), Cecilie Uttrup Ludwig (FDJ Nouvelle Aquitaine Futuroscope), Élise Chabbey ou Katarzyna Niewiadoma (Canyon//SRAM Racing). Mais qu’importe le nombre : dans le dernier kilomètre, la lutte se limitait à un duel. Van Vleuten faisait parler son explosivité. Et cette fois, Kopecky répliquait par sa puissance, sans se mettre en danseuse. « Je savais que la roue à suivre, c’était celle d’Annemiek (van Vleuten). Au début, j’ai dû un peu la laisser creuser un écart dans la dernière montée, puis… Je ne sais pas ce qu’il s’est passé dans ma tête, mais j’ai juste continué mon effort », explique la championne de Belgique, qui sortait finalement de cette ultime côte dans la roue de Van Vleuten.
Mais il restait encore 300 mètres jusqu’à la Piazza del Campo. « J’ai réussi à la dépasser dans le premier virage, puis elle m’est repassée devant au virage suivant, et à la fin, c’était juste un sprint jusqu’au dernier virage », raconte l’incrédule Belge. « On ne peut jamais être confiante avec Annemiek (van Vleuten). Mais j’avais un bon sentiment aujourd’hui ». Et ce sentiment était le bon : sortie à l’intérieur de l’ultime virage à droite vers la ligne d’arrivée, Lotte Kopecky pouvait laisser exploser sa joie. Elle s’offre sa première grande classique à 26 ans. « J’ai revu les images de la course de l’an dernier, aussi celles de la course masculine. J’étais donc bien préparé. Je savais que je devais passer en tête au dernier virage. C’est la plus grande victoire de ma carrière », raconte-t-elle encore, soufflée par sa propre performance.
“Parfaitement joué avec l’équipe”
Lotte Kopecky remerciait évidemment ses équipières du jour, dont Ashleigh Moolman-Pasio, qui parvient encore à accrocher la troisième place, et Demi Vollering, douzième. « C’était parfaitement joué de la part de l’équipe. Disputer ce type de course avec SD Worx, c’est vraiment bien. Je peux attaquer moi-même, mes équipières sont présentes derrière au cas où. Je pense qu’aujourd’hui, c’était juste parfait », analyse la championne de Belgique, qui va poursuivre sa campagne de classique dès le week-end prochain avec le Tour de Drenthe avant d’envisager les Flandriennes, et un nouveau pic de forme pour début avril et le Tour des Flandres. Avec un nouveau statut et une pression supplémentaire sur les épaules.
Résultats de la 8e édition des Strade Bianche femmes (Sienne > Sienne, 136 km) :
- Lotte Kopecky (BEL, SD Worx) en 3h59:14
- Annemiek van Vleuten (P-B, Movistar Team)
- Ashleigh Moolman-Pasio (Afs, SD Worx) à 0:10
- Katarzyna Niewiadoma (Pol, Canyon//SRAM Racing) à 0:19
- Cecilie Uttrup Ludwig (Dan, FDJ Nouvelle Aquitaine-Futuroscope) à 0:24
- Élise Chabbey (Sui, Canyon//SRAM Racing) à 0:28
- Marianne Vos (P-B, Jumbo-Visma) à 0:29
- Elisa Longo Borghini (Ita, Trek-Segafredo)
- Shirin van Anrooij (P-B, Trek-Segafredo) à 0:34
- Silvia Persico (Ita, Valcar-Travel & Service) à 0:39
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