L’information est tombée via une indiscrétion du journal Le Monde : Amaury Sport Organisation (ASO), en charge du Tour de France, a décidé d’écarter le dernier maillot jaune de son histoire, Chris Froome (Sky), de la prochaine édition de la Grande Boucle pour “atteinte à l’image de l’épreuve”. Le Team Sky a décidé d’aller en appel devant la chambre arbitrale du sport du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), qui statuera sur cette décision d’ASO ce mercredi, moins de trois jours avant le Grand Départ en Vendée.
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Il était quasiment certain qu’ASO allait contre-attaquer sur le dossier Froome. Il restait à savoir quand. Cela fait en effet plusieurs mois que Christian Prudhomme exhorte les autorités compétentes à prendre une décision autour du cycliste britannique, accusé d’un contrôle anormal au salbutamol, utilisé dans le traitement contre l’asthme et interdit à une dose trop élevée, après la 18e étape du Tour d’Espagne 2017. Cela fait en effet de trop nombreux mois que le monde de la Petite reine attend une décision autour de ce dossier sulfureux, dans lequel les autorités antidopage indépendantes de l’Union Cycliste Internationale doivent analyser les deux échantillons de Froome qui ont montré des traces trop importantes de salbutamol (2000 ng/ml de sang contre 1600 ng/ml autorisés) ainsi que les explications du Team Sky et du coureur britannique.
ASO prend ses responsabilités
L’UCI n’a aucune emprise sur cette enquête et une décision peut tomber près d’un an après le contrôle antidopage, confirmant la difficulté du jury à se prononcer sur une telle substance, autorisée dans seulement certains cas. Du coup, la fédération tout comme les organisateurs de courses sont contraints d’attendre. Et autoriser Froome à prendre le départ des courses qu’il souhaite, comme le Tour d’Italie, qu’il a remporté de manière autoritaire en mai dernier. À moins que les organisateurs utilisent un article de règlement qu’ASO a décidé de dégainer à moins d’une semaine du début de son épreuve la plus importante, le Tour de France : en cas d’atteinte à l’image de la course, ASO peut interdire un coureur de prendre le départ de sa course. Et si un professionnel n’accepte pas cette décision, il doit se tourner vers la chambre arbitrale du sport du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et non devant le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) de Lausanne. La Sky se retrouve donc coincée, comme l’explique Le Monde ce dimanche : elle a finalement décidé de faire appel de cette décision devant la chambre arbitrale, qui rendra sa décision mercredi, moins de 72 heures avant le Grand Départ du Tour en Vendée.
Le bon timing
Le moment a été finement choisi par ASO : juste avant le Tour de France, le Team Sky n’aura droit qu’à un appel devant le CNOSF. L’équipe peut certes faire appel de cette deuxième décision devant le TAS, mais celui-ci mettrait trop de temps à se prononcer à moins de trois jours du Tour de France. L’organisation s’est donc mis à couvert pour éviter toute mauvaise surprise. Elle s’estime dans son droit et profite de l’attirail juridique à sa disposition pour le rappeler. Le Team Sky, pour sa part, répète qu’elle est certaine que “Chris Froome n’a rien fait de mal”. Mais la question n’est pas celle-ci : ASO estime que Chris Froome peut atteindre l’image et la réputation de sa course par ce contrôle anormal et par les informations autour du coureur. L’organisation n’estime pas qu’il doit être condamné, elle estime qu’il n’a pas sa place sur sa course tant que la lumière ne sera pas faite sur ce dossier sensible.
Le cas Boonen
Ce n’est évidemment pas la première fois que le Tour de France prend ce type de décisions, mais avec des réponses différentes de la part de la justice sportive. En 2008, l’équipe Astana était ainsi interdite de départ en raison des “dommages causés par cette formation au Tour de France et au cyclisme” durant les deux années précédentes, marquées par les cas de dopage d’Alexandre Vinokourov et d’Andrey Kashechkin. Cette fois, aucun appel n’a rendu d’invitation à la formation kazakh. L’année suivante, Tom Boonen était privé de Tour en raison d’un deuxième contrôle positif à la cocaïne en deux ans. Le champion de Belgique de l’époque décidait également de faire appel et cette fois, la chambre arbitrale du CNOSF autorisait “Tommeke” de prendre le départ de la Grande Boucle. La situation était toutefois différente à celle de Froome.
Un dossier différent
Si le contrôle positif de Boonen était bien confirmé, celui-ci s’est déroulé hors-compétition et aucune suspension n’a pu être déclarée. En outre, ASO avait d’abord autorisé le coureur belge à prendre le départ du Tour de France 2009 avant de se rétracter en raison de problèmes politiques entre la Quick Step et ASO. Concernant Froome, le dossier se veut plus délicat : le Britannique attend toujours une décision concernant son contrôle anormal et cette incertitude qui plane n’est pas bonne pour les organisateurs, qui pourraient devoir décocher le nom du Britannique des palmarès. En outre, contrairement à Boonen, Froome est un vainqueur potentiel pour le classement général et son impact sera bien plus important que celle du coureur belge à l’époque. Enfin, ASO n’a jamais changé d’avis sur le cas Froome : Christian Prudhomme a toujours un message clair concernant le quadruple vainqueur, estimant que le dossier devait être rapidement clôturé pour éviter des incertitudes qui pourraient ternir l’image du cyclisme. Surtout en cette période plus heureuse pour le cyclisme que dans les années 2000.
L’imbroglio judiciaire autour du dossier Chris Froome risque d’être un peu plus complexe avec cette nouvelle décision d’ASO, mais elle est finalement logique au vu des déclarations des dirigeants de l’organisation ces derniers mois. Il reste désormais à patienter, d’ici mercredi pour la décision de la chambre arbitrale du CNOSF, et d’ici samedi pour savoir si le favori annoncé de cette Grande Boucle partira finalement bien de Noirmoutier pour ces trois semaines de courses les plus médiatisées de la saison.
Photo : Gian Mattia D’Alberto/La Presse/RCS Sport