Ce premier Strade Bianche organisé en août, première classique post-confinement, a tenu toutes ses promesses, et au final, les grands noms ont fait la différence à Sienne. La championne du monde Annemiek van Vleuten (Mitchelton-Scott) et l’ex-champion du monde de cyclo-cross Wout van Aert (Jumbo-Visma) ont brillé en solitaire, non sans avoir réussi de sacrés exploits, l’une grâce à une poursuite de tous les diables, l’autre avec une attaque bien sentie dans le dernier chemin « blanc » de l’épreuve.
Des favoris à la dérive
Du soleil, plus de 35 degrés, de la poussière, et une première course depuis plus de quatre mois pour la majorité du peloton présent ce samedi en Toscane : cette 14e édition du Strade Bianche s’annonçait particulière à bien des égards. Et elle a visiblement surpris bien plus de monde qu’attendu. L’épreuve est déjà usante par son tracé, avec des chemins de terre et de pierre qui demandent déjà plus de puissance qu’à l’accoutumée, et des côtes abruptes pour corser la chose. Elle l’était encore plus ce samedi avec ces chaudes températures et cette poussière qui a asphyxié bon nombre de favoris. Julian Alaphilippe (Deceuninck-Quick Step), qui avait tenté de surprendre le peloton à plus de 100 bornes de l’arrivée, Philippe Gilbert (Lotto-Soudal), Mathieu Van der Poel (Alpecin-Fenix) et Peter Sagan (Bora-Hansgrohe) ont dû déposer les armes à près de 60 kilomètres de l’arrivée, dans le secteur très long (plus de 11 kilomètres) et stratégique de Sante Marie.
Ne pas trop donner trop vite
Dans une course où rester à l’avant est encore plus important, où les leaders se retrouvent plus souvent isolés qu’à l’accoutumée, le moindre coup de mou empêche d’imaginer la victoire à Sienne. Le groupe de tête se réduisait au fil des secteurs, et tous ceux qui tentaient leur chance si loin de l’arrivée payaient ensuite leurs efforts. Jakob Fuglsang (Astana) partait à plus de 50 kilomètres du but avant de lâcher prise dans le final, de même qu’Alberto Bettiol (EF Education First). Pendant que le champion d’Italie Davide Formolo (UAE Team Emirates) et le champion d’Allemagne Maximilian Schachmann (Bora-Hansgrohe) croyaient encore en leurs chances de victoire dans les 15 derniers kilomètres, tout comme le Belge Wout van Aert (Jumbo-Visma).
« L’attaque est la meilleure défense »
Ce dernier réalisait toutefois le meilleur coup de la journée. Après avoir tenu la roue des leaders toute la journée, l’ancien champion du monde de cyclo-cross sortait en puissance dans la descente du dernier secteur Le Tolfe, avant le dernier mur de 300 mètres à 12 % de moyenne. « J’étais lancé et j’avais une petite avance dans le mur. Cela a fonctionné et m’a donné assez d’avance pour la suite », confiait-il après l’arrivée à Sienne. Deux fois sur le podium du Strade Bianche ces deux dernières années après être parti de plus loin, Van Aert connaît l’épreuve comme sa poche, et sait donc comment faire la différence sur une épreuve aussi usante. « J’avais remarqué sur les dernières éditions que les attaquants n’étaient jamais défavorisés, qu’ils étaient souvent récompensés », lâche-t-il. « J’avais des coureurs qui pouvaient me faire peur dans la dernière ascension, mais l’attaque est la meilleure défense ».
« J’étais déjà tombé amoureux de cette course »
Cela se confirmait à l’approche de Sienne : Formolo et Schachmann hésitaient clairement à lâcher leurs dernières forces dans la poursuite de Van Aert, et perdaient seconde après seconde dans la descente vers Sienne. Et la montée du Piazza del Campo n’était cette fois pas un problème pour le coureur belge, qui ne connaissait pas les mêmes crampes que deux ans plus tôt. Il pouvait ainsi crier sa joie à son arrivée sur une place toscane quasiment vide, mais où il pouvait retrouver sa compagne, pour célébrer l’une des plus grandes victoires de Van Aert, surtout un an après sa lourde chute sur le Tour de France. « Gagner sur le Tour de France était déjà énorme, mais le Strade Bianche est une des plus belles courses du calendrier. J’étais déjà tombé amoureux de cette course il y a deux ans, je rêvais de la gagner. Je suis heureux que ce soit déjà fait », sourit encore le leader de Jumbo-Visma. Et avec la manière, qui plus est.
Vliegen : « Je roulais pour le Top 10 »
Preuve que ce Strade Bianche était encore plus dur que ces derniers printemps : le dixième pointe à près de huit minutes du vainqueur, alors que seuls une quarantaine de coureurs ont été classés et non hors-délais. Alaphilippe et Gilbert ont fini à plus d’un quart d’heure, alors que l’autre favori venu du cyclo-cross Van der Poel pointait tout de même à la quinzième place… à plus de dix minutes. Au côté d’un certain Loïc Vliegen (Circus-Wanty Gobert), dix-huitième pour sa deuxième expérience en Toscane : « Cela a été dur à gérer, il fallait bien veiller à l’hydratation. J’ai roulé tout un moment pour le Top 10, mais sept-huit coureurs sont revenus dans les dix derniers kilomètres et cela a été difficile de batailler avec les grimpeurs dans la dernière côte », confiait-il à l’arrivée, fier tout de même de cette place parmi les 20 meilleurs de cette classique d’un autre temps.
Résultats de la 14e édition du Strade Bianche masculin (Sienne > Sienne, 184 km) :
Une ex-duathlète en tête
Sur les chemins poussiéreux de Toscane, sous plus de 35 degrés, gérer son effort s’annonçait comme indispensable. Cela s’est confirmé dès les premiers kilomètres d’une course féminine intense, durant laquelle les offensives au long cours marquaient le scénario de cette édition. À une cinquantaine de kilomètres de l’arrivée, onze cyclistes parvenaient ainsi à surprendre les favorites, avant que l’Espagnole Mavi Garcia (Alé BTC Ljubljana) tente sa chance en solitaire pour les 45 derniers kilomètres de cette difficile classique. Elle prenait jusqu’à trois minutes d’avance sur ses anciennes alliées d’échappée, et près de cinq minutes sur le peloton où étaient annoncées toutes les favorites. Et au fil des derniers secteurs empierrés, l’ancienne duathlète pouvait clairement ambitionner la victoire à Sienne.
Un retour inattendu
C’était sans compter sur la forme olympique de la championne du monde Annemiek van Vleuten (Mitchelton-Scott), récente vainqueur des trois classiques espagnoles qui ont relancé la saison cycliste féminine la semaine dernière. Dans le Colle Pinzato, la Néerlandaise sortait du peloton pointé à près de quatre minutes de la leader et revenait rapidement sur le groupe de poursuite, avant de lâcher ce même groupe dans le secteur du Tolfe. Et en une quinzaine de kilomètres, Van Vleuten se retrouvait en tête avec Garcia, à moins de sept kilomètres de l’arrivée. L’issue s’annonçait alors : dans la montée finale vers la Piazza del Campo, la championne du monde lâchait Garcia pour conquérir, pour la deuxième année consécutive, le Strade Bianche féminin. Cette fois avec des écarts encore plus conséquents : l’Américaine Leah Thomas (Paule Ka), troisième, termine à près de deux minutes de la lauréate du jour.
« Je pensais que la course était finie »
« Je pensais vraiment que la course était finie et que mon équipière Amanda Spratt (NDLR : présente dans le groupe qui a attaqué à 50 kilomètres du but) allait pouvoir s’imposer dans le groupe », rapporte Van Vleuten après la course. « Puis, soudainement, Mavi Garcia était partie, elle était très forte, et je suis allée à fond dans le final. Cela m’a offert une belle victoire, sur l’une des plus belles arrivées de la saison ». Surtout, Van Vleuten confirme que la chaleur l’a aidée : « J’adore des températures comme ça. Dès que c’est difficile, c’est bon pour moi ». On pourrait ajouter : dès qu’une course cycliste démarre… Car depuis le début de la saison, la championne du monde s’est toujours imposée, s’offrant ainsi cinq succès consécutifs en 2020. La concurrence va donc devoir trouver ce qui pourrait être la faille de cette Néerlandaise qui va bientôt fêter ses 38 ans et semble inarrêtable au fil des saisons.
Résultats de la 6e édition du Strade Bianche féminin (Sienne > Sienne, 136 km) :
Photo : captures RCS Sport/RAI
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