L’idée est déjà dans l’air depuis bon nombre d’hivers, comme le rappelle Nico Dick de Wielerflits, elle risque désormais de se confirmer face à la crise du Covid-19 : le système des primes de départ sur les cyclo-cross risque bien de disparaître pour faire place à des primes d’arrivée plus importantes. Une mesure « nécessaire pour la professionnalisation du sport », comme le rabâchent les principaux organisateurs de cyclo-cross belges.
Le cyclo-cross est encore un monde à part entière, mû d’une certaine nostalgie que certains aiment entretenir par le côté héroïque de ce sport boueux et explosif. Des paris sur le bord des routes, un droit d’entrée pour se rendre dans les labourés et surtout, des primes de départ toujours en vigueur afin d’attirer les meilleurs coureurs internationaux sur son épreuve. Ces dernières années, les organisateurs s’arrachaient ainsi Mathieu Van der Poel et Wout van Aert, avec l’espoir de pouvoir récupérer les deux sans trop casser la tirelire. Mais sur un budget de 200 000 euros pour un cyclo-cross belge d’envergure internationale, il faut compter entre 55 000 et 60 000 euros pour composer sa liste de partants. Avec près de 10 % du budget consacré aux grandes stars de la discipline alors que les coureurs de seconde ligne doivent se contenter de quelques centaines d’euros, voire une centaine d’euros pour les concurrents en troisième ligne.
Si cette pratique est interdite pour les courses sur route, les cyclo-cross sont encore dans une bulle particulière, où une certaine libéralisation permet finalement à certains organisateurs de se faire une plus grande place dans l’hiver en alignant les primes de départ les plus intéressantes pour les coureurs, dont la plupart n’ont pour rappel que le cyclo-cross pour remplir le compte en banque. Tous ne sont pas des Van der Poel ou des Van Aert, et tous ne bénéficient pas d’un contrat professionnel à l’année qui peut leur permettre de s’assurer un pécule de carrière intéressant. Ces primes sont donc une bonne façon de se faire une place sur les listes de partants en jouant sur sa valeur potentielle.
« Le cyclo-cross n’est plus à son apogée »
Cela fait cependant plusieurs années que les grands organisateurs belges, parmi lesquels Flanders Classics (qui gère la Coupe du monde et le Superprestige) et Golazo (qui gère le Trophée AP Assurances/DVV Verzekeringen et l’Ethias Cross), souhaitent que ces primes de départ disparaissent. Comme ils l’expliquent à Nico Dick sur Wielerflits : « Le cyclo-cross n’est plus à son apogée. La preuve en est avec la diminution du nombre de spectateurs ». En effet, le public est bien moins nombreux au fil des hivers, malgré des audiences télévisuelles toujours intéressantes pour le service public flamand. Et lors de la prochaine saison, qui doit débuter fin septembre, il risque d’y avoir encore moins de monde sur le bord des chemins suite à la crise sanitaire du coronavirus. Dès le 1er août, en Belgique, les événements de masse ne peuvent accueillir qu’un maximum de 800 spectateurs. Et même si le Conseil National de Sécurité propose de rehausser cette limite à l’avenir, il semble difficile d’imaginer à ce stade des milliers de spectateurs sur des circuits de quelques hectares à peine.
Ce public réduit entraînera donc logiquement une perte sèche de revenus pour les organisateurs. Ceux-ci se rassemblent donc autour de Flanders Classics et Golazo pour mener à une réduction structurelle des coûts d’organisation d’un cyclo-cross, tout en récompensant les coureurs d’une autre façon. Et selon Wielerflits, Belgian Cycling, la fédération belge de cyclisme, est également sur le coup pour élaborer ces nouveaux plans. Cela passerait donc par la suppression des primes de départ et l’augmentation des primes pour les premiers à l’arrivée, ainsi qu’un remboursement minimum fixe des frais pour les quinze meilleurs hommes et les quinze meilleures femmes. Aucun montant n’a toutefois encore été dévoilé, les organisateurs souhaitant finaliser ce plan après consultation avec les représentants des coureurs (comme Sporta, le syndicat des sportifs professionnels belges).
« Il était déjà clair que tôt ou tard, les primes de départ vont disparaître », confirme Erwin Vervecken, ancien champion du monde de cyclo-cross et aujourd’hui responsable sportif chez Golazo. « Il est nécessaire de modifier fondamentalement le système. De toute façon, il est plus professionnel de payer un coureur en fonction de ses performances sportives et du classement UCI plutôt que de se fier à la valeur potentielle d’un coureur », ajoute Tomas Van den Spiegel, patron de Flanders Classics.
« Peur que cela devienne la norme »
Les coureurs, principaux concernés, ne sont toutefois pas rassurés par cette annonce, qui doit évidemment être encore officialisée. « Nous comprenons bien la situation actuelle. […] Mais notre grande crainte est que cela ne dure pas pour un an. Nous avons peur que cela devienne la norme », rapporte le coureur belge Eli Iserbyt (Pauwels Sauzen-Vastgoedservice) dans Het Laatste Nieuws. Ce dernier demande, comme son compatriote Toon Aerts (Telenet Fidea Lions), une « discussion de fond » avec l’ensemble des parties. Jurgen Mettepenningen, manager de Pauwels Sauzen-Vastgoedservice mais également organisateur de l’Ambiancross à Wachtebeke, réclame pour sa part de « ne pas oublier les petits coureurs », qui seraient selon lui « les plus pénalisés » par cette réforme et cette suppression des primes de départ.
Les discussions risquent donc bien de se poursuivre d’ici l’hiver prochain pour trouver une pierre d’achoppement entre la nécessité des organisateurs de cyclo-cross de réduire leurs coûts face à la crise sanitaire du Covid-19, et les coureurs désireux d’assurer des revenus suffisants pour tenir l’hiver, et même leur carrière.
Photo : Grégory Ienco
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