Ce dimanche, à Ixelles, la dernière manche du Trophée DVV/AP Assurances destiné aux juniores se jouait sur trois tours d’un circuit technique à souhait. Sous les nuages gris et face à une audience parsemée s’expliquant par l’heure de course (départ à 10h), l’ex-championne britannique Helen Wyman a pu y voir les jeunes qu’elle a suivi depuis plus d’un mois se disputer cette officieuse Coupe du monde, montée avec l’appui de Golazo, en attendant que ces filles de moins de 18 ans obtiennent enfin un calendrier complet. Et comme à l’accoutumée, les Néerlandaises dominent.
Partie à deux tours de la fin après un très bon départ, la Néerlandaise Fem van Empel a confirmé son statut de favorite du jour. Déjà leader du Trophée DVV/AP Assurances destiné aux juniores avant cette quatrième et dernière manche à Bruxelles, la jeune cycliste de 17 ans a dominé le final pour s’imposer en solitaire avec plus d’une demi-minute d’avance sur ses compatriotes Leonie Betnveld (15 ans !) et Isa Nomden (16 ans). « Je n’osais pas imaginer remporter ce classement général », affirmait tout de même Van Empen après avoir reçu sur le podium les applaudissements du public ainsi que les quelques cadeaux offerts aux trois premières. « Je suis très contente de la course réalisée aujourd’hui, sur un parcours assez dur, et de ma victoire au général. En tout cas, c’est très chouette de pouvoir rouler face à une concurrence internationale. D’habitude, sur les cyclo-cross néerlandais, on ne peut faire face qu’à des concurrentes néerlandaises. Ici, sur le Trophée DVV, on pouvait faire face à des Américaines et d’autres nationalités aussi. »
Fem Van Empel a ainsi dû faire face à 24 concurrentes ce dimanche à Bruxelles et les listes des partantes sont montées jusqu’à 61 cyclo-crosswomen inscrites et pas seulement venues des Pays-Bas ou de Belgique. Et elle se dit heureuse de ces épreuves qui se créent au fil des saisons : « C’est une très belle opportunité pour nous. Je fais aussi du VTT chez les juniores et désormais du cyclo-cross chez les juniores. Il y a deux mois seulement, je faisais encore du football mais j’ai décidé d’arrêter pour me concentrer sur le vélo. Je suis heureuse d’avoir fait ce choix. Maintenant, j’espère pouvoir courir les championnats du monde en février, en Suisse, et évidemment, mon rêve est que cela devienne mon métier ».
« Ce n’était pas juste »
C’est également ce que lui souhaite Helen Wyman (à gauche sur la photo), l’ancienne championne britannique de cyclo-cross qui a lancé en 2018, à Loenhout, cette initiative : accorder le droit aux filles de moins de 18 ans de participer à des épreuves qui leur sont adaptées, comme les garçons. « Je me souviens que sur les cyclo-cross du Koppenberg, je roulais contre des filles de 16 ans et je me disais : ce n’est pas juste », explique Wyman, après avoir félicité la vainqueur du jour et offert quelques conseils de pro. « Je me suis dit qu’il fallait investir dans cette catégorie et permettre aux jeunes filles d’avoir leurs propres courses. Certes, il y a une course prévue pour les juniores aux championnats du monde, mais si une fille n’est pas sélectionnée pour les championnats d’Europe ou du monde, comment s’améliorer, comment savoir si on est fait pour cela. Je voulais également que les filles puissent disposer de prize-money égaux avec les juniors. Et cette année, on peut être fier de notre projet. »
Après un contact avec Golazo, organisateur entre autres du cyclo-cross de Loenhout et porteur du Trophée DVV/AP Assurances, Helen Wyman a donc mis en place une première épreuve pour les juniores en 2018, avant d’étendre cette catégorie sur quatre des huit cyclo-cross du Trophée DVV/AP Assurances (Renaix, Loenhout, Baal et Bruxelles) durant cette saison 2019-2020. « L’an dernier, à Loenhout, c’était un peu une organisation à la dernière minute, mais cette saison, on savait à l’avance qu’on pouvait réaliser ce challenge pour les filles. Je suis heureuse car quand j’ai commencé à faire du cyclo-cross, il n’y avait rien. Désormais, le cyclo-cross féminin est devenu très professionnel. Le top de la discipline est devenu très professionnel. Mais comment faire encore mieux ? Il faut former des jeunes filles, les faire rester dans ce sport très difficile et elles deviendront ces pros à l’avenir. Ceylin (Del Carmen Alvarado) a seulement 21 ans : elle n’a pourtant jamais eu droit à un championnat du monde chez les juniores, et pour la catégorie espoirs, elle a dû attendre 2016 après que je me sois battue pour obtenir cette catégorie aux Mondiaux. C’est donc très important pour les filles de moins de 18 ans d’obtenir cette opportunité, d’avoir cet espace sécurisé pour elles dans lequel elles peuvent grandir. »
« Cela prendra encore quelques années »
Ces quatre courses sont en tout cas la confirmation que de nombreuses filles sont prêtes à se lancer dans le cyclo-cross. Au total, 74 filles ont été classées au général du Trophée DVV/AP Assurances, sur près d’un mois et demi de compétition. Comme dans les autres catégories féminines, les Néerlandaises ont affiché leur domination collective, mais les Américaines, Britanniques et Belges ont également confirmé leurs ambitions pour ces prochaines saisons. Et ces résultats peuvent faire bouger les lignes, selon Helen Wyman. « Je sais qu’il y a de plus en plus de jeunes filles qui veulent faire du cyclo-cross en Angleterre », explique celle qui est aussi directrice sportive de l’équipe Experza Pro CX. « L’an prochain, il y aura enfin des cyclo-cross pour les juniores en Angleterre, lors des National Series. Pour les autres fédérations, je pense que cela devrait prendre encore quelques années. Actuellement, cela reste difficile d’amener des filles d’un tel âge vers le cyclo-cross. Je pense qu’il faudra encore d’autres projets avant que cela avance encore plus ».
Helen Wyman annonce d’ailleurs que plusieurs initiatives sont déjà sur la table. Elle mènera durant l’été, à travers le monde, des sessions d’apprentissage au cyclo-cross pour les plus jeunes, et un programme est actuellement en préparation pour permettre à des jeunes Américaines et Canadiennes de découvrir les épreuves européennes. « On essaye de créer une communauté dans laquelle les filles se sentent heureuses et veulent faire du cyclo-cross, avec une opportunité pour elles de se développer. Et à la fin, les équipes pourront les prendre en tant que professionnelles », lâche-t-elle avec ce large sourire qu’elle n’a pas quitté tout au long de l’entretien. Bref, la Britannique ne compte pas lâcher les juniores et annonce encore de futures discussions avec l’Union Cycliste Internationale d’ici l’été.
Grégory Ienco, à Ixelles – Photo : Grégory Ienco
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