Jan-Willem van Schip et le cintre de la discorde

Le Néerlandais Jan Willem van Schip (BEAT Cycling) a été exclu du Tour de Belgique pour l’utilisation d’un cintre innovant mais interdit par le règlement.
Cintre BEAT Cycling - ABB Aerodynamic Bar

Retour sur la polémique technologique qui a bousculé le Tour de Belgique et l’Union Cycliste Internationale, ces vendredi et samedi, autour d’un cintre imaginé par un pistier-ingénieur en avance sur son temps.

L’équipe continentale néerlandaise BEAT Cycling a surpris le peloton au départ de la 3e étape du Tour de Belgique, en dévoilant un nouveau cintre sur le vélo du pistier néerlandais Jan-Willem van Schip. Un cintre nommé « Aero Breakaway Bar », plus long et plus large pour permettre au grand coureur batave de poser ses coudes et avant-bras en bas du guidon, et ses mains sur les cocottes. L’idée, novatrice, avait déjà été développée durant l’hiver mais était jusqu’ici évincée des pelotons en raison des nouvelles règles de l’Union Cycliste Internationale (UCI) autour de positions jugées dangereuses et désormais interdites sur toutes les courses professionnelles. Toute position prônant au moins trois points d’appui sur le vélo (avants-bras sur le guidon, coccyx sur le cadre…) est bannie des pelotons depuis le 1er avril dernier, et les commissaires de l’UCI n’hésitent pas à disqualifier tout coureur qui oserait s’aventurer sur ce terrain.

BEAT Cycling et Jan-Willems van Schip ne pouvaient donc utiliser leur nouveau cintre depuis lors. Mais selon l’équipe néerlandaise, des discussions ont eu lieu avec l’UCI pour trouver un compromis autour de cette innovation technologique et la sécurité prônée par la fédération internationale. Et vendredi, au matin de la 3e étape du Tour de Belgique, l’équipe annonçait clairement qu’elle avait reçu le feu vert de l’UCI pour utiliser ce cintre dès cette course. Et Van Schip ne s’en privait pas, prenant l’échappée du jour et enchaînant les premières places sur les sprints intermédiaires pour prendre la tête de ce classement annexe. Mais dans la soirée de cette 3e étape, BEAT Cycling communiquait sur la décision de l’UCI de disqualifier Jan-Willem van Schip pour l’utilisation de ce cintre.

Une réponse très tardive

Le président du jury des commissaires, Joël Alies, a justifié cette décision de manière surprenante. Il a ainsi expliqué au départ de la 4e étape à Hamoir qu’il avait bien été avisé par l’équipe BEAT Cycling de son intention d’utiliser de ce nouveau cintre, et que la formation néerlandaise affirmait avoir obtenu le feu vert de l’UCI. « De mon côté, je n’ai pas reçu de telle information. J’ai donc pris une photo de ce cintre et je l’ai envoyée à Michael Rogers, responsable de l’innovation technologique à l’UCI », rapporte-t-il. Sauf que la réponse a tardé et qu’en attendant, les commissaires ont laissé partir Van Schip et l’ont laissé disputer les sprints intermédiaires de ce Tour de Belgique. Et l’UCI a confirmé seulement en soirée aux commissaires du Tour de Belgique que le cintre de Van Schip n’était pas autorisé. Entraînant donc la disqualification du coureur néerlandais : « Il ne pouvait en être autrement car Van Schip a profité de cet apport technologique non-autorisé, et a faussé la course. Le règlement stipule une disqualification dans ce cas », rapporte encore Joël Alies.

https://twitter.com/beatcyclingclub/status/1403448460603445249

Au grand dam de Jan-Willem van Schip, désemparé comme son équipe par cette décision. « Nous ne comprenons pas cette décision. Depuis le lancement de ce cintre ABB, nous avons discuté avec l’UCI. Jamais l’UCI ne nous a informé que ce cintre n’allait pas être approuvé. L’UCI n’a aussi pas estimé nécessaire d’accepter l’offre de l’ingénieur de ce cintre pour enquêter autour de son autorisation. Et au matin de la 3e étape, nous avons encore discuté avec un commissaire de l’UCI de notre intention de rouler avec ce cintre. Et nous avons alors reçu le feu vert pour prendre le départ avec l’ABB », a réagi l’équipe. Même l’organisateur de l’épreuve, Christophe Impens, s’est dit désolé de cette situation sur l’antenne de la VRT. « Le cintre de Van Schip avait été approuvé par un commissaire UCI », indique l’organisateur. « Mais depuis Aigle, l’UCI a décidé de le rejeter sur base d’images télévisées ».

« Essayez et testez »

Jan-Willem van Schip préfère prendre cette décision avec philosophie, malgré un retrait forcé et une polémique qui ne changera finalement rien, vu que l’UCI est juge et exécutant dans l’affaire. « Essayez et testez. Soyez faillible. Avec chaque erreur vient le progrès », réagit-il sur Instagram, affirmant que « l’UCI n’a pas été si faillible ».

Et dans le peloton, les réactions autour de ce cintre ont également fusé. L’Irlandais Ryan Mullen (Trek-Segafredo) s’est fendu d’un tweet s’étonnant de la première approbation de l’UCI à propos de cette innovation : « UCI : tes chaussettes sont 1 cm trop hauts. Si tu jettes ce bidon à un supporter, tu seras condamné à mort. Aussi l’UCI : Oui, vas-y et utilise ça dans un peloton de 150 coureurs… », a-t-il publié avec une photo de l’ABB. Jonas Rickaert (Alpecin-Fenix) a également commenté : « Les bras sur le cintre, non, mais ça c’est ok ? SVP l’UCI, faites quelque chose par rapport à ça ». Interrogé à ce sujet à l’arrivée de la 4e étape à Hamoir, le leader de l’épreuve Remco Evenepoel (Deceuninck-Quick Step) a aussi eu un mot : « Je trouve que ce n’est pas adapté pour rouler dans un peloton ou dans un grand groupe. L’UCI a des règles, c’est vrai qu’il y en a eu beaucoup ces derniers mois, mais il faut que ce soit clair pour tout le monde ».

Jan-Willem van Schip et son équipe ont voulu jouer avec le règlement, ils n’ont finalement pas eu gain de cause. Le règlement était pourtant clair, et la position proposée par Van Schip est bien une de ces positions interdites illustrées dans les exemples de l’UCI, en avril dernier.

Règlement UCI - Positions interdîtes - BEAT Cycling

Mais l’amateurisme dont a fait preuve la fédération internationale au départ de ce Tour de Belgique fait qu’un doute a subsisté. BEAT Cycling avait raison de tenter. Cela forcera au moins l’UCI à revoir ses règles, ou du moins à mieux les cadenasser. Au lieu d’attendre une réponse quelques heures après le départ d’une course.

Photos : BEAT Cycling et UCI

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