Mondiaux de cyclo-cross à Tabor : quatre médailles mais zéro titre, un bilan belge décevant

Comme attendu, les Néerlandais ont fait la razzia chez les élites : Fem van Empel et Mathieu van der Poel ont prolongé leur titre mondial d’un an. Derrière, les Belges ont amassé ce qu’ils pouvaient, loin de leurs habitudes.
Montage Fem van Empel Mathieu van der Poel - Champions du monde - Alain Vandepontseele
Photo : Alain Vandepontseele/Alain VDP Photography

La terre était lourde, ce week-end, dans le temple tchèque du cyclo-cross. Tabor accueillait pour la quatrième fois de son histoire les championnats du monde de la discipline, sur un circuit remanié pour l’occasion. Plus long, mais aussi plus rude, avec des descentes et remontées rendues plus techniques encore par la pluie des derniers jours. Point de circuit rapide comme ce fut souvent le cas en Coupe du monde ces derniers hivers, il était cette fois question d’une bagarre entre costauds, capables de se dépatouiller les pédales dans une gadoue épaisse. “Bien plus dur que ce que je pensais”, confiait Eli Iserbyt après la reconnaissance du circuit avant le départ de la course des élites hommes. “C’est plus sec que ces derniers jours, mais avec tous les précédents passages, ça a rendu le circuit plus compliqué”, avouait encore Mathieu van der Poel.

Cela a finalement annihilé les courses palpitantes qu’on pouvait attendre en cas de terrain moins usé par les précipitations. Le suspense n’a finalement joué que sur le relais mixte et les courses consacrées aux juniors. Sur la course par équipes, le Français Aubin Sparfel, l’un des favoris chez les moins de 19 ans, parvenait à tenir tête au Britannique Cameron Mason, professionnel de son état. Malgré les sept secondes d’écart en début de tour, Sparfel parvenait à garder Mason dans sa roue à la sortie de la dernière ligne droite pour glaner le titre mondial d’un jet de vélo bien maîtrisé. Un premier titre conquis par le France devant la Grande-Bretagne et, en bronze, la Belgique.

Des favoris prêts le jour J

Chez les juniors, donc, la Française Célia Géry et l’Italien Stefano Viezzi ont dû puiser loin pour briller dans le dernier tour et s’offrir leur premier titre mondial. Les deux avaient toutefois la même pancarte que les autres champions du monde de ce week-end : celle de grand·e favori·te. Ces courses n’ont finalement été que des exceptions, mais les vainqueurs ont confirmé la réalité du week-end : sur un tel parcours, les plus costauds avaient l’avantage. Encore fallait-il confirmer à la pédale et éviter le moindre pépin mécanique. Mais la logique sportive s’est imposée inexorablement au fil des six courses individuelles du week-end.

La Britannique Zoe Backstedt a délogé toutes ses rivales dès la troisième minute de course, le Néerlandais Tibor del Grosso a attendu le premier tour, et tant Fem van Empel que Mathieu van der Poel ont suivi le modèle de leur compatriote, sans jamais se retourner jusqu’au maillot arc-en-ciel. Les espoirs glanent ainsi leur premier sacre mondial dans cette catégorie, alors que les pros prolongent d’une saison. Van Empel s’offre la tunique irisée pour la deuxième fois de sa carrière, tandis que Van der Poel, avec sa sixième victoire chez les pros, se rapproche du record d’Eric De Vlaeminck et ses sept sacres.

Un vivier limité chez les juniors

Quand on parle cyclo-cross, la Belgique revient évidemment souvent au centre des discussions. La discipline reste l’une des plus suivies en Flandre, et la récolte de médailles dans ce sport est nécessaire pour la valorisation du cyclisme dans le pays. Les résultats noir-jaune-rouge lors des Mondiaux sont donc largement scrutés. Même si chez les élites hommes et femmes, les dominations respectives de Fem van Empel et Mathieu van der Poel rendaient difficile tout espoir de titre mondial, il y avait des podiums à aller conquérir et d’autres catégories en compétition. Et malgré la bonne volonté des sélectionnés, le bât blesse…

Sanne Laurijssen, 15e chez les juniors femmes, s’est montrée “contente” de sa place, elle qui “espérai(t) un Top 20”, comme elle l’a confié à l’agence Belga, **alors que Shanyl De Schoessiter a bloqué à la 23e place. Le jeune Arthur Van den Boer, qui a impressionné pour sa première année chez les juniors, a connu une course compliquée, terminant en 13e position. “Ce n’est pas le jour que j’espérais avoir. Je ne me sentais pas super bien pour ces Mondiaux. Mais c’était déjà une surprise de pouvoir disputer ces championnats”, a-t-il confié à Sporza. Ces jeunes ont évidemment encore l’occasion de grandir, et pourront retenter leur chance dans cette catégorie des moins de 19 ans l’an prochain.

Mais le vivier de jeunes Belges reste limité face notamment aux Français, pourvoyeur de champions parmi les juniors, aux Néerlandais ou aux Italiens. Cela s’explique par une professionnalisation de plus en plus avancée parmi les plus jeunes : se lancer dans le cyclo-cross en suffit plus, il faut également améliorer son coffre, son explosivité, dès le plus jeune âge, avec des stages, des entraînements. Il n’est plus question de laisser la discipline aux Belges, simplement parce qu’ils ont le plus d’affiliés dans cette discipline. La Belgique doit s’emparer de ce changement de paradigme pour espérer retrouver les podiums dans ces catégories au niveau international. Cela passera aussi certainement par une approche pluridisciplinaire, alors que beaucoup de jeunes cités aux avant-postes à Tabor complètent leur hiver avec du VTT ou de la route.

Plus d’espoir chez les espoirs

Chez les espoirs, le bilan se veut plus rassurant, même si la sélection belge est cette fois rentré sans titre parmi les moins de 23 ans. Cinquième chez les juniors l’an dernier, Xaydee Van Sinaey, à peine 19 ans, a réalisé une excellente fin de course pour conclure en sixième position, pendant que ses équipières Julie Brouwers et Fleur Moors, ralentie par une chute, terminaient neuvième et dixième. “Je ne m’attendais pas du tout à cela”, a raconté Van Sinaey au micro de Sporza. “Ce n’est pas toujours motivant de devoir rouler avec les élites. Quand vous pouvez réaliser une bonne prestation dans votre catégorie et terminer sixième, c’est un très beau résultat”, a-t-elle ajouté, confirmant la difficulté pour les espoirs de se faire la main face à un peloton de professionnelles tout au long de l’hiver. Les courses pour les espoirs femmes ne sont en effet prévues que sur les championnats nationaux, continentaux ou mondiaux.

Deux des quatre médailles belges ont été conquises parmi les espoirs masculins. Derrière l’intouchable Tibor del Grosso, Emiel Verstrynge et Jente Michels ont bataillé ensemble pour l’argent. Le premier l’a finalement obtenue, comme en 2022. Une déception pour le champion de Belgique : “Je venais pour l’or. C’était gagner ou rien d’autre”, a clamé Verstrynge à Sporza. “C’est toujours beau de ramener une médaille, mais c’est un peu dommage, cela ressemble finalement à ma saison. J’étais en ordre pour la course, mais Tibor était un poil supérieur”. À 22 ans, il rejoindra les élites dès la saison prochaine, tout comme Michels. Il s’agira certainement d’une saison de transition pour ces jeunes qui ont déjà titillé les pros sur certaines épreuves, et doivent encore prendre du coffre pour s’assurer une présence aux avant-postes tout au long de l’hiver.

Verdonschot surprend, Vanthourenhout sauve la mise

L’autre bonne surprise féminine vient de Laura Verdonschot, cinquième chez les élites et seule membre belge du Top 10. La cycliste de 28 ans a bataillé avec l’Italienne Sara Casasola jusqu’au dernier tour pour obtenir le meilleur résultat de sa carrière lors d’une course élite sur les Mondiaux. “Cette cinquième place est très importante. Je voulais viser le plus haut possible et cela compense largement ma deuxième place au championnat de Belgique”, a confié Verdonschot à Sporza. La championne de Belgique Sanne Cant a rapidement dû lâcher du lest pour terminer en 14e position, devant Marion Norbert-Riberolle, 16e après un départ difficile. “Je suis un peu déçue. Quand vous prenez un bon départ et que vous subissez une crevaison dès le premier virage, c’est dommage”, a expliqué la Mouscronnoise sur les réseaux sociaux.

https://www.youtube.com/watch?v=KUFAzTjPpAs

La dernière médaille belge est finalement arrivée sur l’ultime course. Alors que le spectre d’un premier podium sans Belge chez les élites messieurs depuis 1997 s’élevait sur Tabor, Michael Vanthourenhout, malgré un très mauvais départ, réussissait un parfait retour dans les trois derniers tours pour glaner au moins le bronze derrière l’intenable Van der Poel et le résistant Joris Nieuwenhuis. “C’était le meilleur résultats possible. Je suis bien content”, a admis le champion d’Europe sur l’antenne de Sporza. “Je me disais que je devais me placer derrière des coureurs rapides au départ et j’avais choisi la roue de Lars (van der Haar). Mais il a manqué sa pédale. J’ai donc dû me démener”, a-t-il résumé pour expliquer son premier tour difficile, hors du Top 10. Sans ce départ manqué, nul doute que Vanthourenhout aurait pu batailler pour l’argent.

https://www.youtube.com/watch?v=-8S2oyfJjgQ

Derrière, la sélection belge mélangeait satisfactions et déceptions. Eli Iserbyt se disait “déçu” de sa cinquième place, jamais dans le coup, alors que juste derrière, Jens Adams pouvait célébrer une sixième place, synonyme de meilleur résultat aux championnats du monde destinés aux élites. Witse Meeussen, dernier qualifié grâce au succès en Coupe du monde d’Iserbyt, pouvait également se satisfaire de sa huitième place, alors que Thibau Nys, pour son premier Mondial avec les pros, terminait exténué en neuvième position. Jamais la sélection belge n’a pu mener de course collective comme espéré, mais elle place quand même cinq représentants dans le Top 10, certainement le maximum possible sur un tel parcours et face à une telle opposition, néerlandaise principalement. Le scénario de la saison se suit finalement sur ces championnats du monde.

Déjà sans titre en 2021 mais…

Sven Vanthourenhout, sélectionneur fédéral, avait annoncé un objectif de cinq médailles à Tabor. Il repart finalement de République tchèque avec quatre breloques, sans une seule dorée (l’an dernier, Thibau Nys avait obtenu le titre chez les espoirs). C’est une première depuis 2021, mais les courses des juniors avaient cette année-là été annulées en raison du Covid-19. Sinon, il faut remonter à 2011, mais à l’époque, les catégories des juniors et espoirs femmes n’étaient pas encore créées. Bref, vu la multiplication des catégories, cette absence de titre a un goût encore plus amer pour la sélection belge. Il reste désormais à travailler pour 2025. Ou espérer un retour de Wout van Aert dans les labourés, lui qui a été le seul à bousculer l’hégémonie de Van der Poel chez les élites hommes ? Il semble difficile d’imaginer revoir le sociétaire de Visma | Lease a Bike sur ces Mondiaux s’il vise avant tout les classiques flandriennes. Sven Vanthourenhout et ses équipes vont donc devoir songer à un autre plan pour l’hiver prochain.

Les podiums des championnats du monde 2024 de cyclo-cross à Tabor

Relais mixte par équipes

  1. France 🇫🇷 (Rémi Lelanddais, Martin Groslambert, Célia Gery, Lauriane Duraffourg, Hélène Clauzel et Aubin Sparfel), les six tours en 1h01:23
  2. Grande-Bretagne 🇬🇧 (Zoe Backstedt, Corran Carrick-Anderson, Cat Ferguson, Oscar Amey, Anna Kay et Cameron Mason) à 0:00
  3. BELGIQUE 🇧🇪 (Arthur Van den Boer, Ward Huybs, Shanyl De Schoesitter, Julie Brouwers, Sanne Cant et Michael Vanthourenhout) à 0:32

Juniors femmes

  1. Célia Gery 🇫🇷 (France), les 3 tours en 37:01
  2. Cat Ferguson 🇬🇧 (Grande-Bretagne) à 0:05
  3. Viktória Chladonová 🇸🇰 (Slovaquie) à 0:14
  4. Sanne Laurijssen 🇧🇪 (BELGIQUE) à 3:04
  5. Shanyl De Schoesitter 🇧🇪 (BELGIQUE) à 3:46

Juniors hommes

  1. Stefano Viezzi 🇮🇹 (Italie), les 4 tours en 42:01
  2. Keije Solen 🇳🇱 (Pays-Bas) à 0:09
  3. Krystof Bazant 🇨🇿 (République tchèque) à 0:31
  4. Arthur Van den Boer 🇧🇪 (BELGIQUE) à 2:30
  5. Mats Vanden Eynde 🇧🇪 (BELGIQUE) à 2:33

Espoirs femmes

  1. Zoe Backstedt 🇬🇧 (Grande-Bretagne), les 4 tours en 48:24
  2. Kristyna Zemanová 🇨🇿 (République tchèque) à 0:44
  3. Leonie Bentveld 🇳🇱 (Pays-Bas) à 0:55
  4. Xaydee Van Sinaey 🇧🇪 (BELGIQUE) à 2:14
  5. Julie Brouwers 🇧🇪 (BELGIQUE) à 3:03
  6. Fleur Moors 🇧🇪 (BELGIQUE) à 3:05

Espoirs hommes

  1. Tibor del Grosso 🇳🇱 (Pays-Bas), les 5 tours en 52:02
  2. Emiel Verstrynge 🇧🇪 (BELGIQUE) à 0:27
  3. Jente Michels 🇧🇪 (BELGIQUE)
  4. Victor Van de Putte 🇧🇪 (BELGIQUE) à 1:40
  5. Yordi Corsus 🇧🇪 (BELGIQUE) à 1;43
  6. Arne Baers 🇧🇪 (BELGIQUE) à 2:18
  7. Ward Huybs 🇧🇪 (BELGIQUE) à 3:43
  8. Aaron Dockx 🇧🇪 (BELGIQUE) à 4:24

Élites femmes

  1. Fem van Empel 🇳🇱 (Pays-Bas), les 4 tours en 46:19
  2. Lucinda Brand 🇳🇱 (Pays-Bas) à 1:20
  3. Puck Pieterse 🇳🇱 (Pays-Bas) à 1:54
  4. Laura Verdonschot 🇧🇪 (BELGIQUE) à 2:52
  5. Sanne Cant 🇧🇪 (BELGIQUE) à 4:19
  6. Marion Norbert-Riberolle 🇧🇪 (BELGIQUE) à 4:56

Élites hommes

  1. Mathieu van der Poel 🇳🇱 (Pays-Bas), les 6 tours en 58:14
  2. Joris Nieuwenhuis 🇳🇱 (Pays-Bas) à 0:37
  3. Michael Vanthourenhout 🇧🇪 (BELGIQUE) à 1:06
  4. Eli Iserbyt 🇧🇪 (BELGIQUE) à 2:08
  5. Jens Adams 🇧🇪 (BELGIQUE) à 2:21
  6. Witse Meeussen 🇧🇪 (BELGIQUE) à 2:35
  7. Thibau Nys 🇧🇪 (BELGIQUE) à 2:44
  8. Joran Wyseure 🇧🇪 (BELGIQUE) à 3:03
  9. Toon Vandebosch 🇧🇪 (BELGIQUE) à 3:13
  10. Niels Vandeputte 🇧🇪 (BELGIQUE) à 3:28
  11. Laurens Sweeck 🇧🇪 (BELGIQUE) à 3:31
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