Comment les Jumbo-Visma ont maîtrisé l’E3 Saxo Classic et Gand-Wevelgem… avant le Tour des Flandres ?

Wout van Aert a remporté l’E3 Saxo Classic même après avoir été mis en difficulté par Mathieu Van der Poel et Tadej Pogacar. Avant de laisser la victoire sur Gand-Wevelgem à son équipier Christophe Laporte avec qui il a réalisé un contre-la-montre à deux pour une cinquantaine de kilomètres. De bon augure avant le Ronde.
Wout van Aert Christophe Laporte - Gand-Wevelgem 2023
Wout van Aert laisse Christophe Laporte s’imposer sur Gand-Wevelgem, ce dimanche 26 mars 2023 – Photo : capture Eurosport

Il n’y en a que pour les Jumbo-Visma sur cette campagne flandrienne des classiques. Tant sur l’E3 Saxo Classic que sur Gand-Wevelgem, c’est un homme en jaune et noir qui est monté sur la plus haute marche du podium. La méthode a toutefois varié entre les deux épreuves, elles-mêmes très différentes sur le papier. Un mini-Tour des Flandres d’une part, une classique vallonnée qui peut sourire aux sprinters d’autre part. Le vent annoncé sur l’E3 et les averses dantesques prévues sur Gand-Wevelgem ont en prime durci les conditions de ces courses déjà rudes au naturel. Et pourtant, dans toutes les conditions, ce sont les Jumbo-Visma qui ont ramené la timbale.

Commençons sur l’E3 Saxo Classic. Son parcours qui accueille les principales difficultés du Tour des Flandres en fait la classique indispensable pour se préparer au grand rendez-vous dominical d’Audenarde. Passer en bonne position le Vieux Quaremont et le Paterberg sur l’E3 Saxo Classic donne une bonne indication sur la condition à l’aube du Ronde, durant lequel ces deux côtes seront les juges de paix. Ce vendredi, l’équipe Jumbo-Visma a pourtant semblé en retrait durant une grande partie de la course. Pendant que Mathieu Van der Poel dégainait à plus de 80 kilomètres de l’arrivée sur le court, mais intense Taaienberg, seul Wout van Aert répliquait. Tadej Pogacar faisait également le bond, avec un certain délai, mais confirmait sa forme du moment. Et alors qu’on attendait des Christophe Laporte, Tiesj Benoot ou Dylan van Baarle pour accompagner les éventuels contres d’outsiders à suivre, seul Nathan Van Hooydonck parvenait à prendre une cassure créée par Søren Kragh Andersen et Matej Mohoric. « On a perdu Edoardo Affini, Tiesj (Benoot) a eu des soucis mécaniques et Dylan (van Baarle) était mal positionné quand c’est parti, puis il a chuté. C’est dommage, mais c’est la course », explique Van Aert dans la DH. Un enchaînement de mauvaise chance qui ne perturbait pas pour autant le coureur belge.

Van Aert : “Les dernières semaines n’ont pas été simples”

Quand Van der Poel relançait une banderille dans le Stationsberg, Van Aert était encore le premier à réagir. Il profitait même de la présence de Van Hooydonck à l’avant pour récupérer quelque peu à l’aube des 50 derniers kilomètres. Mais à près de 40 bornes du but, dans le Paterberg puis le Vieux Quaremont, sous l’impulsion d’un Tadej Pogacar remonté comme un coucou, Van Aert se retrouvait seul. Et il subissait clairement les offensives de « Pogi » et d’un Mathieu Van der Poel moins confiant au fil des côtes en découvrant la puissance de son rival slovène. « C’était seulement une question de jambes », confirme Van Aert en conférence de presse. « J’avais été surpris par l’accélération de Pogacar, je bouche le trou, j’étais limite dans la partie la plus pentue, c’était le moment le plus dur de la course, mais Tadej et Mathieu se sont un peu regardés. Après, je savais qu’il y avait de grandes chances qu’on aille au bout à trois car les côtes n’étaient plus aussi pentues. »

Et c’est pour cela que Van Aert jouait ensuite sa carte « sprint ». Une accélération au sommet du Tiegemberg pour éviter une nouvelle tentative de Pogacar (même si Van der Poel et Pogacar pensent que c’était surtout pour gagner une prime, à savoir une nouvelle salle de bains d’un partenaire de la course). Wout se plaçait ensuite dans la roue de Van der Poel quand Pogacar s’essayait à l’offensive dans les tout derniers kilomètres. Une tactique défensive rondement menée, car dans le sprint final, l’ex-champion de Belgique avait finalement l’explosivité nécessaire pour mettre dans le rouge Pogacar et Van der Poel, peu avares de leurs efforts dans les 80 derniers kilomètres. « J’aime mieux ne pas être le plus fort et ne pas gagner que l’inverse… C’est une victoire importante, déjà parce que j’aime gagner, mais aussi parce que ma préparation hivernale n’a pas été exactement comme je le souhaitais. Je suis quelqu’un qui aime s’en tenir au plan prévu et les dernières semaines n’ont pas été simples », se réjouissait alors Van Aert au sortir de l’E3.

Laporte : “C’était le plan d’attaquer dans le deuxième Mont Kemmel”

Pendant que Pogacar et Van der Poel décidaient de ne pas prolonger l’effort en évitant Gand-Wevelgem et sa journée sous la pluie et le froid (entre 6 et 8 degrés ce dimanche), Van Aert poursuivait son plan prévu en enchaînant avec la classique dominicale. Si les plus explosifs du peloton n’étaient pas de la partie, cela n’empêchait pas une course usante. Surtout vu les conditions climatiques. Et malgré tous les pièges météorologiques du jour, le champion belge évitait tous les écueils. Une cassure forcée par les Soudal Quick Step à plus de 150 kilomètres du but ? Pas de souci, voici Tim van Dijke et Jos van Emden pour revenir dans le premier peloton. Une offensive de Mads Pedersen (Trek-Segafredo), Matej Mohoric (Bahrain Victorious), Florian Vermeersch (Lotto-Dstny), Søren Kragh Andersen (Alpecin-Deceuninck) et bien d’autres outsiders dans les 80 derniers kilomètres ? Pas de stress, les équipes Soudal Quick Step et Groupama-FDJ, piégées, font le travail. Et la Jumbo-Visma peut rester au chaud grâce à la présence de… Nathan Van Hooydonck, encore lui, à l’avant.

Alors que la course semblait pliée par cette offensive groupée, l’équipe Jumbo-Visma se rappelait au bon souvenir des autres formations dans la deuxième montée du Mont Kemmel. Wout van Aert et Christophe Laporte s’élançaient en tête, à plus de 50 kilomètres de l’arrivée, et décidaient de partir à deux pendant que le peloton se disloquait au fil des pavés. « Le plan était d’accélérer dans cette deuxième montée du Mont Kemmel. Nous nous sommes finalement retrouvés à deux et nous avons décidé d’y aller à fond, ensemble. Mais après, avec Wout, j’ai vraiment dû aller très loin. Il a été vraiment incroyable aujourd’hui », explique Christophe Laporte, en bien meilleure condition que sur l’E3 malgré quelques difficultés à suivre son leader sur les dernières côtes du Heuvelland.

“Wout m’a demandé si je voulais gagner”

Derrière, il faut dire que la tactique proposée aidait parfaitement le destin des deux « abeilles ». Beaucoup d’outsiders avaient déjà dépensé une énergie folle sur l’offensive après le premier passage du Mont Kemmel, les équipiers s’étaient époumonés dans les diverses poursuites de la journée… Il fallait donc s’entendre pour espérer rentrer sur les deux équipiers. Cette collaboration était toutefois limitée, et personne ne prenait ses responsabilités pour tenter un retour concret. Et quand des équipiers reprenaient enfin la main, Van Hooydonck était là pour bloquer les relais et le duo de tête avait déjà près d’une minute d’avance. Avec un vent de côté jusqu’à l’arrivée, il semblait impossible de rentrer dans ces conditions.

« Est-ce que j’étais le meilleur aujourd’hui ? Peut-être, oui. Mais je n’aurais pas pu le faire seul », explique Van Aert, qui s’est justifié d’avoir offert la victoire à Christophe Laporte après leur attaque de près de 50 bornes jusqu’à Wevelgem. « À dix kilomètres de l’arrivée, Wout m’a demandé si je voulais gagner. Je pense qu’il connaissait déjà ma réponse », ajoute Laporte. « Wout était très fort aujourd’hui, plus fort que moi. Cette victoire est évidemment grâce à lui », confirme le Français, heureux de cocher une première grande classique belge à son palmarès, un an après avoir laissé Van Aert gagner l’E3 dans les mêmes conditions, l’an dernier.

Cette domination signifie-t-elle le même scénario en vue sur le Tour des Flandres ? On en est évidemment loin. Comme le rappelle Van Aert avant de grimper sur le podium, Van der Poel et Pogacar n’étaient pas présents ce dimanche et les conditions seront totalement différentes sur le Ronde. « J’arrive avec une bonne condition en vue du Tour des Flandres, vu que pas grand-chose n’a changé depuis vendredi. J’ai la confirmation que j’atteins mon pic de forme, mais les deux gars qui m’ont fait mal vendredi n’étaient pas là aujourd’hui, donc dans cette optique, rien n’a changé », lance-t-il sur la VRT. Il faudra surtout voir comment Dylan van Baarle a récupéré et si Tiesj Benoot retrouve son niveau affiché durant le week-end d’ouverture en Belgique. Alors la Jumbo-Visma aura un véritable avantage et devra jouer la tactique de l’anticipation via les équipiers de Van Aert. Cela avait parfaitement fonctionné au Nieuwsblad et à Kuurne, il faut désormais le confirmer lors du grand rendez-vous de la semaine flandrienne. Car Van der Poel (avec Kragh Andersen et Vermeersch) et Pogacar (avec Trentin et Wellens) ont également des éléments à faire valoir. Pour promettre un Ronde épique, dimanche prochain.

Résultats de la 85e édition de Gand-Wevelgem (Ypres > Wevelgem, 260,9 km) :

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