Kristen Faulkner prise la main sur le capteur : l’UCI la punit pour ce potentiel dopage technologique

L’Américaine du Team Jayco-AlUla a été surprise avec un capteur de glycémie, normalement interdit en compétition, sur le Strade Bianche. Mais ce capteur est-il vraiment un atout ?
Le capteur a été aperçu près de l’épaule gauche, sous le maillot de Kristen Faulkner – Photo : capture Eurosport

Le diable se cache dans les détails. Sur la dernière édition féminine du Strade Bianche, il s’est caché sous un maillot de l’équipe Jayco-AlUla. Alors que l’Américaine Kristen Faulkner réalisait un exercice en solitaire en tête de la classique toscane, un public averti a remarqué lors d’une des prises de vue de la cycliste venue d’Alaska, une petite bosse en haut de son bras gauche. Une bosse qui ressemble fortement à un capteur de glycémie. Souvent utilisé par les personnes victimes de diabète, ce type de capteur est devenu ces dernières années un produit commercial destiné à aider les athlètes dans leur recherche de la performance parfaite. L’entreprise Supersapiens est devenue le leader de ce marché particulier. Elle propose à des athlètes amateurs ou professionnels des capteurs à porter jusqu’à 14 jours d’affilée, permettant de définir les périodes durant lesquelles l’athlète doit mieux s’alimenter, se reposer, relancer ses entraînements… Le tout n’est évidemment pas gratuit : comptez 150 euros par mois au minimum pour profiter de ces services de monitoring du corps qui font un carton dans les milieux sportifs.

C’est bien l’un de ces capteurs qui aurait été repéré au bras de Kristen Faulkner lors du Strade Bianche. L’Union Cycliste Internationale (UCI) a ouvert une enquête à ce sujet, comme l’a révélé jeudi dernier le média britannique Cycling Weekly. Faulkner a finalement perdu sa troisième place obtenue à Sienne car l’UCI estime que le port de ce capteur de glycémie en course contrevient à ses règles. Car c’est bien l’utilisation en compétition de cet outil technologique qui est remis en cause aujourd’hui. Si l’UCI a autorisé ce capteur hors des courses, celui-ci reste bien interdit en compétition. Il peut être considéré comme une méthode de dopage technologique : si un ou une cycliste profite de son capteur pour savoir quand il ou elle doit s’alimenter, comment gérer son effort, comment éviter la fringale, il ou elle dispose d’un avantage technologique sur ses adversaires.

“Un manque d’éducation”

Phil Southerland, patron de l’entreprise Supersapiens, estime pour sa part que cette réglementation de l’UCI est due à “un manque de compréhension et d’éducation” sur le sujet, lance-t-il sur le média américain VeloNews. “À la fin de la journée, les gens veulent voir les meilleurs athlètes batailler l’un contre l’autre. Ils ne veulent pas voir Julian Alaphilippe attaquer puis Wout van Aert qui ne peut pas suivre parce qu’il n’a plus d’essence dans le réservoir”, propose-t-il comme argumentaire. Un argument qui semble confirmer que Phil Southerland manque de compréhension sur ce qui fait le sel du sport cycliste. Ce n’est pas que du physique, mais aussi de la tactique, de la gestion, de l’intelligence, de l’expérience… Un capteur ne doit pas permettre d’éliminer ces paramètres au risque de mettre en place des courses aseptisées, où seuls les favoris annoncés peuvent espérer briller. Le cyclisme a besoin de cette incertitude et de ces batailles tactiques. Ce capteur de glycémie ne permet évidemment pas d’éliminer tout doute sur les qualités physiques d’un ou d’une athlète. Mais il est un outil éthiquement discutable, encore plus si l’UCI en interdit l’utilisation en compétition.

Le privilège de certaines équipes

Aujourd’hui, seules certaines équipes au budget déjà important peuvent profiter de ces capteurs : Jumbo-Visma, INEOS Grenadiers, Canyon//SRAM Racing… D’autres cyclistes en profitent isolément. Et comme les cétones, ces capteurs ne profitent qu’à une infime partie du peloton qui dispose déjà d’un certain nombre d’outils lui permettant de déjà prendre l’avantage sur le reste de la meute. Encore reste-t-il à savoir si ces outils ont un impact concret sur le physique de celles et ceux qui les utilisent. Des premières pré-études ont été menées sur les cétones, qui semblent corréler prise de ce produit et amélioration des performances, ajoutant des doutes sur le rôle de ces cétones notamment sur les taux d’EPO dans le corps, mais rien de scientifique n’a encore émergé au sujet de ces capteurs de glycémie. Alors, en attendant, l’UCI joue la prudence. À raison, tant le cyclisme doit déjà faire face à des différences de niveau de plus en plus importants, faute de réglementation plus sévère.

Faulkner, elle, explique qu’elle n’estimait pas ce port du capteur comme prohibé, ajoutant qu’elle n’avait utilisé, ni enregistré “aucune donnée” tant pendant qu’après la course. ”L’UCI tient sa position selon laquelle porter un capteur non-connecté – sans transmission de données ni avantage tiré de ces données – est suffisant pour me disqualifier”, se plaint-elle. Quoiqu’il arrive, la présence d’un tel capteur en compétition reste difficile à expliquer en direct : impossible pour l’UCI de vérifier que le capteur ne transmet rien en pleine course par exemple.

Les équipes, pour leur part, continuent de chercher des techniques pour améliorer les performances, sans enfreindre la morale ou les règles en place. Comme ces applications utilisées pour améliorer la nutrition des coureurs (ex. Foodmaker chez Alpecin-Deceuninck). Ou ces bracelets censés mieux comprendre la récupération de chacun et chacune (ex. Whoop chez EF Education-EasyPost notamment). Mais la ligne se veut de plus en plus ténue.

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