Il ne suffit pas d’avoir de la force et de la chance pour s’imposer sur le Tour de France, il faut également un brin de panache. Et Dan Martin (UAE Team Emirates) n’en a pas manqué pour triompher au sommet de Mûr-de-Bretagne, théâtre de l’arrivée de la 6e étape du Tour de France. Alors que certains favoris ont plié, soit physiquement, soit sur pépin technique.
L’arrivée de cette sixième étape sur la butte de Mûr-de-Bretagne n’est plus une inconnue pour les favoris du Tour de France depuis longtemps. Escaladée à deux reprises en moins de cinq ans, l’ascension de seulement deux bornes avec un pied à plus de 10% a prouvé que seuls les grimpeurs avec de l’explosivité peuvent triompher. Les candidats au maillot jaune étaient donc logiquement attendus sur ces pentes bretonnes, bordées d’une foule de supporters qui prend d’habitude place dans les lacets alpestres ou pyrénéens. Même si la côte était escaladée cette fois à deux reprises en moins de vingt kilomètres, chacun se regardait et se replaçait à l’avant lors de la première montée pour confirmer qu’une seule cartouche est possible pour empocher la victoire d’étape. Cette ascension inaugurale sur Mûr-de-Bretagne et le circuit tracé ensuite autour des étangs de Guerlédan permettaient surtout à faire le tri parmi les équipiers, déjà bien essoufflés par une étape très rapide et nerveuse. Les principaux favoris se retrouvaient ainsi rapidement esseulés dès le pied de la côte finale, qui démarre sur une pente de 10% pendant plus d’un kilomètre. Daniel Oss (Bora-Hansgrohe) lançait le peloton à toute vitesse devant un Julian Alaphilippe (Quick Step) impatient d’en découdre. Le coureur français perdait beaucoup d’énergie à se retourner et à réaliser des accélérations par à-coups. Cela allait se payer cash au moment où Richie Porte (BMC) remettait une couche pour bouleverser les positions du peloton.
« Ce Tour de France est déjà un succès »
À 1.400 mètres du but, l’Irlandais Dan Martin (UAE Team Emirates) estimait à juste titre que l’accélération de son rival australien était le bon moment pour lancer l’offensive. Malgré le vent de face qui avait annihilé toute tentative sur la première montée, le coureur de 31 ans frappait fort en danseuse et profitait surtout de l’absence d’équipiers des favoris pour prendre de l’avance. Adam Yates (Mitchelton-Scott) se retrouvait isolé en tête du peloton, personne d’autre ne prenait ses responsabilités, Martin semblait bien parti vers la victoire d’étape. À 600 mètres du but, vu que Richie Porte ne parvenait pas à recoller derrière l’homme de tête, Pierre Latour (Ag2r-La Mondiale) jouait sur son punch pour tenter le contre. Il revenait à une vingtaine de mètres de Martin, mais l’Irlandais accélérait au fur et à mesure que la pente se faisait plus douce pour aller conquérir son deuxième succès sur le Tour de France, cinq ans après sa victoire à Bagnères-de-Bigorre, sur un terrain plus montagneux qu’en Bretagne. Latour et Alejandro Valverde (Movistar) complétaient le podium, confirmant la prédisposition des grimpeurs pour cette ascension si particulière. « C’est un sentiment si bon d’enfin regagner. Tant de secondes places depuis ma dernière victoire », confiait Martin à l’arrivée. « J’étais un peu nerveux à cause du vent de face, je ne pensais pas que cela allait arriver. J’ai vu que tout le monde était à la limite, qu’il n’y avait plus d’équipier, donc pourquoi ne pas essayer. (…) Les jambes étaient juste là, je ne sais pas ce qu’il s’est passé. Peut-être l’adrénaline ou quelque chose comme ça. (…) Ce Tour de France est déjà un succès et ce qui vient ensuite sera du bonus », avoue l’Irlandais, si peu habitué à un bon été qu’il a désormais envie de se faire plaisir, sans se mettre de pression au classement général. L’idéal pour se faire oublier parmi les meilleurs et envisager un Top 5 d’ici Paris.
Dumoulin dans le vent
Et pendant que Martin prenait plaisir, d’autres candidats au maillot jaune ont pour leur part subi la course. Nairo Quintana (Movistar), Jakob Fuglsang (Astana) et Primoz Roglic (LottoNL-Jumbo) ont d’abord grillé beaucoup d’énergie en cravachant dans les bordures, après une vive accélération des Quick Step à une centaine de kilomètres de l’arrivée. Roglic, encore, chutait sur un terre-plein juste après son retour dans le peloton avant de rentrer sans trop de casse. Dans le circuit final, Tom Dumoulin (Sunweb) subissait une crevaison et ne pouvait compter que sur quelques équipiers éparpillés pour tenter de revenir : il perdra une minute dans l’aventure (et vingt secondes en prime sur décision des commissaires pour un abri prolongé derrière les voitures), sa première faute de ce Tour. Romain Bardet (Ag2r-La Mondiale) subissait également un problème technique et profitait du vélo offert par son équipier Tony Gallopin, bien trop grand, pour repartir directement. Rentré dans le peloton au pied de Mûr-de-Bretagne, le Français lâchait toutefois prise en raison de l’inconfort causé par sa machine. Débours au final ? 28 secondes. Et puis, l’autre surprise, plus discrète, vient de Chris Froome (Sky). Pendant que son équipier Geraint Thomas allait récupérer deux secondes de bonification lors du sprint « bonus » avant de se placer en tête du peloton dans le final, Froome perdait lui cinq secondes, juste physiquement. Une indication que son état de forme est finalement loin d’être idéal sur ce Tour de France ? La question est en tout cas posée vu les erreurs du Britannique en début de course, et ce nouveau retard. Il reste devant Dumoulin et Quintana, certes, mais l’addition commence à être lourde à l’aube des pavés roubaisiens. Clairement, la course pour le maillot jaune a encore beaucoup de surprises à offrir, même si les étapes ne semblent pas des plus passionnantes pour les supporters les moins acharnés.
Résultats de la 6e étape du Tour de France (Brest > Mûr-de-Bretagne/Guerlédan, 181 km) et classement général provisoire :
Photo : ASO/Alex Broadway