Une dent ajoutée à 100 mètres de la ligne, un dernier effort sur les pavés cassants qui ont forgé l’histoire écossaise, et voici Remco Evenepoel triomphant dans le château de Stirling, théâtre des joutes chronométrées de ces super-championnats du monde 2023. L’exercice semblait relevé pour le Brabançon, usé par les virages et la haute intensité porté par les puncheurs, dimanche dernier, sur le circuit urbain de Glasgow. L’air de la campagne écossaise lui a finalement fait le plus grand bien. Autant que ces lignes droites dans lesquelles il a pu développer toute sa puissance, bombé sur sa machine, la tête rentrée dans les prolongateurs, le casque à peine relevé. Son visage, embourbé dans la capuche désormais traditionnelle de son sponsor Specialized, était quasiment toujours invisible à la caméra, tant l' »Aerobullet », comme l’appelle son collègue Yves Lampaert, ne laisse rien passer sur son dos, si ce n’est l’air qu’il fend sans un écart qui le ferait ralentir.
Sur ce tracé de 47 kilomètres, soit le plus long contre-la-montre professionnel international organisé depuis… le championnat du monde 2019 sur lequel il avait pris la deuxième place à seulement 19 ans, Remco Evenepoel n’était pas avantagé par ces longs bouts droits et ce vent annoncé légèrement défavorable dans sa première moitié de parcours. Son mètre 71, ses 61 kilos, face aux géants Filippo Ganna, Stefan Küng voire Wout van Aert. Mais le champion de Belgique sur route a toujours été un amateur de contre-la-montre, particulièrement ceux sur lesquels il peut faire parler sa résistance. Il a en prime travaillé l’aérodynamisme, trouvant moults détails à corriger en soufflerie et en stage, pour lui permettre d’atteindre les sommets de la discipline. Toujours classé, jamais vainqueur, il était temps pour le coureur belge d’atteindre cette plus haute marche du podium. Surtout sur un tel parcours, long, avec une deuxième partie enchaînant les légères montées et descentes pour lui permettre d’également transmettre son explosivité dans les côtes de Stirling.
« C’était l’un de mes plus grands objectifs de la saison. Le faire sur une course aussi dure, qui n’est pas forcément idéale pour un coureur de mon poids, cela me rend heureux. Car j’ai connu une super journée », expliquait Remco Evenepoel à l’arrivée, avant de grimper sur le podium pour recevoir le maillot de champion du monde du contre-la-montre chez les élites, cinq ans après avoir fait le doublé chez les juniors. Car malgré ses 12 secondes d’avance sur la ligne face à son plus proche concurrent, le spécialiste de Schepdaal a dû s’employer pour obtenir ce résultat probant. Face à l’Italien Filippo Ganna, en pleine confiance après son titre de champion du monde de poursuite dimanche, il s’est d’abord retrouvé en chasseur au premier temps intermédiaire, avant de retrouver une première place, à quinze kilomètres du but, qu’il n’allait plus jamais quitter. Il a également dû se défaire du phénomène britannique Joshua Tarling, champion du monde du chrono chez les juniors l’an dernier et déjà champion de Grande-Bretagne chez les élites, à seulement 19 ans. C’est simple : la jeune recrue d’INEOS Grenadiers est devenu le plus jeune coureur à se classer dans un Top 10 du Mondial chez les pros. Il monte même sur le podium à un plus jeune âge que Remco Evenepoel lorsque ce dernier avait obtenu l’argent à Harrogate, quatre ans plus tôt.
« Plus vite et plus fort que prévu »
Simplement, Evenepoel avait cet objectif en tête, depuis l’hiver dernier, avec Liège-Bastogne-Liège (une réussite), le Giro (une amère déception malgré deux succès sur les deux chronos) et le prochain Tour de Lombardie. Et malgré la déception (qui ne semblait pas forcément en être une à l’écouter) de la course en ligne, dimanche dernier, le Brabançon a rapidement rebondi pour dérouler toute sa palette de talents et confirmé l’entraînement qu’il a révélé sur sa chaîne YouTube à peine dévoilée… la veille du chrono. « Pour être honnête, je roulais toujours plus vite et plus fort que ce qu’on avait planifié », explique encore le nouveau champion du monde au micro de l’UCI. « Durant la première partie de course, j’étais toujours 10 à 15 watts au-dessus de la puissance prévue. Si tu vois au bout de vingt minutes que tu étais toujours meilleur que le plan initial et que tu ne sens pas les jambes lourdes, c’est que tu sais que tu vas connaître une bonne journée. J’ai su après le second temps intermédiaire que j’allais plus vite que tout le monde, et que mon terrain arrivait encore dans le final. La côte finale, par contre, était brutale, c’était un autre coup de couteau dans les jambes après les efforts déjà consentis ».
C’est cette côte qui était redoutée de tous, au vu des efforts usants révélés par les juniors et élites femmes la veille. C’est sur cette pente qu’on pensait le Belge Wout van Aert capable de créer des écarts face au reste de ses rivaux. Le deuxième représentant belge sur ce chrono, le premier sur la route, a rapidement quitté la course au podium après seulement un premier point intermédiaire, pointé à près d’une demi-minute de Tarling. Malgré un retour intéressant dans les six derniers kilomètres, Van Aert a toujours connu du retard, ce qui le place tout de même à une cinquième position au classement. Une confirmation que la course en ligne de dimanche dernier a trop usé les organismes, puisque Stefan Küng (cinquième de la course en ligne et champion du monde du relais mixte) et Tadej Pogacar (troisième de la course en ligne) ont même terminé hors du Top 10.
« Le sentiment de faire un bon contre-la-montre »
« C’est très simple : j’ai donné mon meilleur, j’avais le sentiment de faire un bon contre-la-montre, mais ce n’était pas suffisant. C’était une sorte de surprise quand je suis arrivé. Je n’ai pas de regrets, je n’ai pas fait d’erreur, mais ce n’était pas assez », a simplement déclaré le vice-champion du monde sur route au micro d’Eurosport. Il a confié ne pas avoir forcément gardé de l’énergie dans la première partie en raison du vent de face, confirmant que c’est l’endurance qui a parlé dans les derniers kilomètres. Cela ne s’est toutefois pas traduit sur le chronomètre, au grand dam de Van Aert, coincé dans les places d’honneur de ce championnat du monde particulier. Mais une deuxième place sur la course en ligne et une cinquième sur le contre-la-montre sont des résultats que bon nombre de candidats du jour auraient adoré apposer sur leur palmarès. Le cyclisme est ainsi fait…
Les résultats du contre-la-montre élites hommes des championnats du monde de cyclisme 2023 à Glasgow :
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