« Foss ? » Le regard hébété de Remco Evenepoel à l’annonce de sa place d’honneur derrière le nouveau champion du monde du contre-la-montre en dit long sur la surprise qui a envahi tant les paddocks que le public de ces Mondiaux. À peine cité parmi les outsiders au maillot arc-en-ciel, le Norvégien Tobias Foss a créé l’événement à Wollongong en battant tous les spécialistes de la discipline pour s’offrir un premier titre mondial chez les professionnels. Le coureur de 25 ans, certes connu pour ses qualités de rouleur et de grimpeur, avait déjà remporté le Tour de l’Avenir et enchaîné les sacres nationaux sur le contre-la-montre, depuis la catégorie junior. De là à l’imaginer sur la plus haute marche du podium d’un tel rendez-vous international… Mais la forme du moment, le parcours vallonné et technique, la condition de ses concurrents, tous ces éléments ont concordé pour le mener au sommet. La grâce d’un jour unique, que personne n’avait pu prévoir.
« Je sentais que j’avais donné le meilleur de moi-même, que je ne pouvais pas faire mieux. À la fin de ma course, je pouvais être satisfait et j’attendais de voir ce que les autres allaient faire », explique Foss lors de l’interview post-arrivée. Le Norvégien s’était déjà placé parmi les candidats au podium dès le premier point intermédiaire, après seulement 7 kilomètres de course conclus par la seule côte du jour, Mount Ousley : 4e du classement provisoire derrière les spécialistes Stefan Küng, Remco Evenepoel et Ethan Hayter. Avant de voir le Norvégien grignoter du temps au deuxième intermédiaire, sans toutefois briser l’hégémonie de Küng, parti à toute vitesse pour éviter les regrets du championnat d’Europe durant lequel, en août dernier, il avait été déçu de son départ. Mais là où Foss a réalisé un exploit, c’est dans les douze derniers kilomètres, entre le deuxième passage sur Mount Ousley et l’arrivée. Sur cette partie en descente, sinueuse mais rapide, le sociétaire de la Jumbo-Visma a relégué Küng à près de 15 secondes et accentué son avantage sur ceux qu’il avait déjà devancé au passage précédent, comme Evenepoel.
Foss : « Cela semble si irréel »
Ce matelas était suffisant pour permettre à Foss d’accéder à la première place, avec seulement 3 secondes d’avance sur Küng et 9 sur Evenepoel, tous deux incrédules au moment de relever les yeux de leur guidon. « C’est un peu un rêve, cela semble si irréel. J’avais des signaux durant ma course que mes jambes étaient très bonnes. En arrivant du Canada, j’étais confiant que ma forme était bonne, mais arriver à un tel résultat… », réagit encore le nouveau champion du monde, tout aussi surpris que ses adversaires. Il faut dire que Foss n’avait encore jamais remporté aucun chrono international en-dehors du territoire norvégien…
Mais ce parcours lui convenait : « C’était une course très technique avec beaucoup de relances. Il fallait bien pousser à la sortie des virages. Il fallait y aller fort dans les parties montantes plus difficiles et dans le final, et tenter de prendre une respiration dans les parties plus rapides. On a très bien préparé ce contre-la-montre, c’était une course parfaitement exécutée », analyse-t-il plus finement, confirmant une gestion parfaite de ce double tour autour de Wollongong, un contre-la-montre très particulier, car de moyenne distance, vallonné et sinueux. « J’aurais été très satisfait avec un Top 10, j’espérais même un Top 5. Mais porter ce maillot arc-en-ciel sera très spécial. Je vais essayer de l’honorer tant que je peux et le porter le plus souvent possible », se réjouit encore Foss, premier Norvégien à porter une tunique irisée parmi les élites depuis un certain Thor Hushovd, champion du monde… à Geelong, également en Australie, en 2010.
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Evenepoel : « Peut-être le meilleur chrono de ma carrière »
À nouveau troisième, mais bien plus proche de l’arc-en-ciel cette année, Remco Evenepoel devait se satisfaire d’un troisième podium en quatre ans sur ce championnat du monde du chrono. Malgré la performance de choix proposée ce dimanche, une semaine seulement après son premier sacre sur la Vuelta, la déception primait sur le visage de Remco Evenepoel à l’arrivée. Puis à la sortie du podium, l’analyse se voulait plus objective : « En termes de puissance, j’ai réalisé le meilleur contre-la-montre de ma carrière, je pense », explique-t-il au micro de Sporza. « Ce serait stupide d’invoquer la Vuelta comme excuse. Je ne suis pas déçu de ce résultat. C’est juste dommage que ce ne soit pas encore pour notre pays ».
Evenepoel ne s’attendait en tout cas pas à un tel résultat en tête : « Je n’ai jamais entendu son nom dans mon oreillette ou sur la route. On me parlait toujours de Küng et Ganna. J’avais surtout un œil sur Küng, je l’ai d’ailleurs rattrapé sur la deuxième partie de course. Mais c’est finalement quelqu’un d’autre dans le maillot de champion du monde ». Le vainqueur de la Vuelta confirme qu’il visera encore la première marche du podium ces prochaines années sur le chrono. Mais avant d’envisager ces prochains contre-la-montre, Evenepoel aura les yeux rivés sur la course en ligne de dimanche prochain : « J’espère que je pourrai conserver cette forme. Nous avons une équipe très forte et nous prendrons nos responsabilités », lance-t-il.
Ganna seulement septième
D’autres pouvaient être bien plus déçus de leur course du jour. Attendu comme le grand favori vu ses deux précédents titres et son palmarès, l’Italien Filippo Ganna a connu une journée « sans », terminant à une décevante septième place après avoir explosé dans le deuxième tour. Le Britannique Ethan Hayter pouvait, lui, maudire sa machine : victime d’un bris de chaîne à la fin du premier tour, le champion britannique a perdu une petite demi-minute dans le changement de son vélo. Il conclut finalement au pied du podium, à 40 secondes du titre.
La déception était moins importante pour Yves Lampaert, le deuxième Belge engagé ce dimanche chez les élites hommes : neuvième à un peu plus d’une minute de Foss, le vice-champion de Belgique réalise son deuxième Top 10 aux Mondiaux. « J’ai roulé un bon contre-la-montre, mais ce n’était pas mon meilleur, notamment au niveau de mes données de puissance. C’était en tout cas très dur. Je suis 9e mondial, c’est ma place, ce n’est pas mauvais », avoue-t-il à l’agence Belga. « Lampie » avoue surtout espérer être « un pourcent meilleur » d’ici dimanche pour aider ses équipiers Remco Evenepoel et Wout van Aert dans la course à l’arc-en-ciel, sur l’épreuve en ligne.
Résultats du contre-la-montre des élites hommes sur les championnats du monde de cyclisme sur route 2022 à Wollongong :
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