Jamais un vainqueur du Tour de France ne s’était imposé sur les routes des Strade Bianche. Le Slovène Tadej Pogacar (UAE Team Emirates) a rapidement corrigé cette anomalie. Pour sa quatrième participation, le n°1 mondial est sorti à 50 kilomètres de l’arrivée pour ne jamais être revu par ses rivaux. Son 34e succès à l’âge de 23 ans à peine et un nouveau monument au palmarès.
Sixième monument officieux du calendrier, les Strade Bianche ont déjà acquis un statut historique en seulement 15 éditions. Alors, quoi de mieux qu’un solo héroïque pour compléter le palmarès de cette épreuve d’un autre temps ? À 50 kilomètres de l’arrivée, avant la rude montée à plus de 10% de Santa Maria, sur ces chemins empierrés qui font le sel de cette classique, Tadej Pogacar (UAE Team Emirates) s’est jeté sans sourciller dans une descente technique pour creuser un écart sur le peloton des favoris, qui s’était juste avant décanté sous les coups de butoir de Julian Alaphilippe (Quick Step-Alpha Vinyl) et Tim Wellens (Lotto-Soudal). «Pogi», lui, poursuivait son effort en puissance. Et personne ne pouvait suivre l’allure folle imprimée sur l’un des secteurs « blancs » les plus longs de ces Strade Bianche.
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Une offensive courageuse que l’intéressé explique par les conditions de course. « Normalement, il y a toujours un moment durant lequel la course s’accélère », explique Tadej Pogacar, qui a déjà vu par le passé que les favoris se dégagent le plus souvent dans les secteurs 7 et 8. « De mon côté, j’ai essayé de réaliser un gros effort dans le secteur de Santa Maria. Personne n’a suivi et finalement, je me suis retrouvé seul en tête. J’ai dû m’engager à fond dans mon attaque », ajoute le Slovène. Derrière, le premier peloton, composé principalement de leaders sans équipier, avait du mal à s’organiser.
Abandons et poursuite manquée
À tel point que le champion du monde lui-même devait passer les relais. « J’ai mal au dos, la chute (NDLR : à plus de 95 kilomètres de l’arrivée) m’a handicapé pour la suite. Mais on ne pouvait rien faire de plus face à Pogacar », expliquera à l’arrivée Julian Alaphilippe, victime d’un soleil après la chute d’un coureur d’Alpecin-Fenix devant lui. La faute à une bourrasque qui a envoyé une bonne partie du peloton dans le décor dont Tiesj Benoot (Jumbo-Visma), Victor Campenaerts (Lotto-Soudal) ou encore Matej Mohoric (Bahrain Victorious), tous contraints à l’abandon. Alaphilippe a pour sa part pris deux minutes pour se remettre avant une longue poursuite de 25 kilomètres derrière le peloton. Pogacar, retardé par la chute, n’a lui subi quasiment aucune conséquence de cette embardée. Et cela a certainement joué sur la suite.
This is insane. pic.twitter.com/3n4oM5c41E
— Cycling out of context (@OutOfCycling) March 5, 2022
Certes, le peloton prenait le temps de se reformer et d’engager les relais à la poursuite du Slovène de tête. Mais « Pogi » montrait surtout une constance dans son offensive qui lui permettait de longtemps rester autour de la minute et demie d’avance. Idéal pour rêver d’une première victoire à Sienne. Et les poursuites menées dans les vingt derniers kilomètres par Kasper Asgreen (Quick Step-Alpha Vinyl), Alejandro Valverde (Movistar), Tim Wellens (Lotto-Soudal), Quinn Simmons (Trek-Segafredo) et Jhonatan Narváez (INEOS Grenadiers) ne changeaient rien. Certes revenus à une minute du leader, les poursuivants ne s’entendaient pas suffisamment pour espérer un come-back dans le final.
“Je regardais derrière…”
« Je ne savais pas jusqu’à 5 km de l’arrivée si j’allais y arriver. Même dans la dernière montée, je regardais encore derrière moi si quelqu’un revenait », explique pourtant Pogacar, qui avoue sa crainte de voir un rival rentrer dans les derniers kilomètres, toujours vallonnés. « Je ne savais pas avant la dernière montée si j’avais la victoire en poche. J’ai longtemps regardé derrière moi. C’était très intense, je sentais que j’avais de moins en moins d’énergie en stock. Mais j’ai réussi à survivre jusqu’au bout », ajoute le leader d’UAE Team Emirates, qui est resté les fesses sur la selle jusqu’au sommet de la raide Via Santa Caterina et ses passages à 20%. Avant de foncer en solitaire, toujours, jusqu’à la Piazza del Campo de Sienne, en vainqueur. Une victoire déjà célébrée 600 mètres plus tôt avec un supporter sur le bord de la route.
Interrogé sur son attaque au long cours durant cette dernière heure de course, Pogacar gardait son sourire habituel pour répondre dans un ton innocent : “Parfois, les vainqueurs sortent à 10 km de l’arrivée, parfois à 50 km… On ne sait jamais quel scénario peut arriver. Il faut bien une première fois à tout, non ?” Mais de tels efforts deviennent presque récurrents pour ce rouleur-grimpeur à qui tout semble réussir. Déjà vainqueur de Liège-Bastogne-Liège (dans un sprint à cinq) et du Tour de Lombardie (dans un sprint à deux), le Slovène a déjà usé de cette stratégie pour asseoir sa victoire sur le dernier Tour de France. Alors que sur le dernier UAE Tour, il s’est mué en tacticien, ne sprintant que dans les derniers kilomètres des deux arrivées en altitude pour s’offrir ses premières victoires de la saison.
Et le Tour des Flandres ?
Avec ce quatrième succès de l’année en poche, il est difficile d’imaginer « Pogi » détrôné sur la prochaine édition de Tirreno-Adriatico. Et surtout, sa valse de victoires sur les classiques le propulse désormais comme l’un des outsiders pour… le prochain Tour des Flandres, qu’il découvrira en avril. Certes, il aura une tout autre concurrence, avec notamment les retours de Wout van Aert et Tom Pidcock. Mais sa performance du jour confirme sa polyvalence et sa condition physique à toute épreuve. « Le nouveau Merckx », crient bon nombre de commentateurs. Le jeune Slovène s’écrit plutôt en indélébile sur tous les plus grands palmarès.
Résultats de la 16e édition des Strade Bianche hommes (Sienne > Sienne, 184 km) :
- Tadej Pogacar (Slo, UAE Team Emirates) en 4h47:49
- Alejandro Valverde (Esp, Movistar Team) à 0:37
- Kasper Asgreen (Dan, Quick Step-Alpha Vinyl) à 0:46
- Attila Valter (Hon, Groupama-FDJ) à 1:07
- Pello Bilbao (Esp, Bahrain Victorious) à 1:09
- Jhonatan Narváez (Equ, INEOS Grenadiers)
- Quinn Simmons (USA, Trek-Segafredo) à 1:21
- Tim Wellens (BEL, Lotto-Soudal) à 1:25
- Simone Petilli (Ita, Intermarché-Wanty-Gobert) à 1:35
- Sergio Higuita (Col, Bora-Hansgrohe) à 1:53
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