L’habituelle mainmise des cyclistes néerlandaises sur le maillot de championne du monde du contre-la-montre a failli être perturbée par la performance d’exception de la Suissesse Marlen Reusser. La championne d’Europe a dû s’incliner dans les derniers kilomètres face à un chrono tout aussi impressionnant, celui de la championne d’Europe… sur route, Ellen van Dijk, qui rafle du même coup son second maillot arc-en-ciel sur le contre-la-montre.
Après la victoire sans accroc de Marlen Reusser sur le court chrono européen de Trento, la cote des concurrentes néerlandaises pour ce championnat du monde en Flandre semblait légèrement diminuer. Sans la tenante du titre Anna van der Breggen pour défendre son titre, tous les espoirs bataves reposaient sur les ex-championnes du monde Annemiek van Vleuten et Ellen van Dijk. Avec un avantage certain pour cette dernière, spécialiste des longs bouts droits de plaine, enchaînant les coups de gros braquet dans les plats pays.
Pourtant, Ellen van Dijk ne démarrait pas de contre-la-montre avec une confiance gonflée à bloc. Malgré son titre de championne d’Europe sur route obtenu au bout d’un long effort en solitaire, sur le terrain valloné du Trentin, la Néerlandaise de 34 ans se voulait prudente à l’heure de s’élancer de la plage de Knokke. « J’ai démarré une heure plus tôt que les autres favorites, comme Marlen (Reusser) et Annemiek (van Vleuten), ce qui n’était pas idéal, du point de vue des références », rapporte la sociétaire de Trek-Segafredo après coup. « En plus, j’ai vu que le vent était de plus en plus fort au fil de l’après-midi. Ce qui était un avantage pour les filles partants plus tard vu que le vent soufflait majoritairement de dos, surtout dans la dernière partie ».
Van Dijk : « Finir morte à l’arrivée »
Cela n’empêchait pas Ellen van Dijk de démolir les premiers temps réalisés en début de contre-la-montre, prenant déjà près de deux minutes d’avance sur sa plus proche concurrente du moment, l’Américaine Leah Thomas, à plus de 50 km/h de moyenne. « J’ai roulé comme je le voulais. Je savais que je devais finir morte à l’arrivée, tout donner jusqu’à la ligne. Je pense que je l’ai fait car je ne pouvais pas accélérer plus. Je suis toujours critique envers moi-même, donc je me disais quand même que j’aurais pu donner plus. Et mon compagnon m’a dit que j’avais fait du bon boulot, mais il me dit ça à chaque fois », rigole-t-elle.
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Ce temps de référence tenait encore et encore, devant un public de plus en plus nombreux pour accompagner Van Dijk, sur le podium, contrainte de regarder les potentielles rivales capables de la déborder jusqu’au dernier mètre. Sur l’écran installé devant le siège de leader, Van Dijk voyait sa principale concurrente, croix blanche sur le dos, la devancer aux deux premiers points intermédiaires pour quelques secondes. « Je me disais alors qu’elle était encore meilleure que lors du championnat d’Europe. Puis on m’a dit qu’elle venait de perdre du temps quelques kilomètres plus loin, et que je repassais devant… Cela a été stressant », confirme Van Dijk, qui se retenait d’exulter de joie jusqu’au passage de la dernière coureuse, Annemiek van Vleuten, finalement troisième derrière Reusser et la vainqueure du jour.
« Je me mettais trop de pression en 2013 »
« J’ai finalement réussi à être meilleure qu’à l’Euro. C’est incroyable de gagner face à de telles rouleuses », sourit Van Dijk, encore plus heureuse qu’après son premier titre mondial obtenu en 2013. « Je me suis mis beaucoup de pression en 2013, je voulais garder ce niveau et montrer que je méritais d’être championne du monde. Par exemple, je ne voulais pas porter le maillot arc-en-ciel à l’entraînement car j’avais l’impression que les gens allaient me pointer et me dire : ‘Regarde, elle est championne’. Je me mettais trop de pression sur les épaules », confie la Néerlandaise. « Chaque médaille obtenue durant ma longue carrière a sa propre histoire, mais cette médaille d’or vient de loin. Je chasse cela depuis 2015 et cela m’a donné beaucoup de frustrations et de déceptions. Donc quand j’ai su que j’étais championne du monde, cela a été un grand soulagement ».
Sur le podium, ses adversaires ne pouvaient que s’avouer vaincues face à la puissance de la nouvelle championne du monde, dans une forme exceptionnelle depuis deux semaines. « Cela aurait été un grand rêve de gagner, en plus le jour de mon anniversaire », confie malgré un sourire Marlen Reusser. « Je suis déçue, c’est un goût un peu amer en bouche pour moi, mais voir Ellen si heureuse, cela rend les choses moins difficiles », avoue celle qui enchaîne une seconde médaille d’argent sur les championnats du monde. « Ellen mérite ce titre sur ce parcours », confirme Annemiek van Vleuten. « Personnellement, je suis quand même contente de ma course, c’était une bonne performance. Il y avait juste des coureuses plus fortes aujourd’hui ».
« Je vais avoir besoin de poudre à lessiver »
Sur son nuage, Ellen van Dijk s’est rendue compte durant la conférence de presse post-podium qu’elle ne portera même plus le maillot de Trek-Segafredo ces prochains mois entre son titre européen sur la course en ligne et son titre mondial sur le chrono. « Je vais avoir besoin de beaucoup de produit à lessiver pour nettoyer tous ces maillots », rigole-t-elle. « Si on m’avait dit cet été que je serai championne d’Europe sur route et championne du monde du contre-la-montre, je ne l’aurais pas cru. Cette fin de saison était évidemment un grand objectif vu que je n’ai pas été sélectionnée pour les Jeux Olympiques. Je n’avais pas non plus réussi une grande campagne de classiques et en prime, j’ai eu le Covid-19 en début de saison. Donc je suis heureuse de profiter de cette bonne condition ». Qu’elle pourrait encore encore mettre à profit samedi à l’occasion de la course en ligne des championnats du monde. Pour un troisième maillot dans la penderie ?
Contrairement aux championnats d’Europe, la sélection belge n’a pu se satisfaire d’une place d’honneur parmi les dix premières. Sur ce tracé pour costaudes, Julie Van de Velde, qui avait évité l’Euro pour se concentrer sur ce Mondial, n’a pu trouver son meilleur rythme entre Knokke et Bruges, concluant en 22e place à plus de trois minutes de Van Dijk. « C’était un contre-la-montre OK mais pas super. J’étais dans un bon jour, mais pas super. Ce n’était pas suffisant pour repousser mes limites », dit-elle. « J’entendais les encouragements du public mais j’essayais de ne pas trop me laisser envahir. Ce n’était pas simple, mais je me suis concentrée sur mon compteur plutôt que sur l’atmosphère dans le public ».
Van de Vel : « J’étais une simple joggeuse »
Plus prolixe à l’arrivée, l’ex-triathlète Sara Van de Vel, neuvième à l’Euro, concluait pour sa part en 30e place à quatre minutes de la championne du monde. « J’ai vraiment tout donné sur ce contre-la-montre. Je dois d’ailleurs encore récupérer ma respiration. Je commençais même à être un peu dans le rouge, j’ai puisé loin dans mes réserves. Je pense que je peux être contente, même si j’aurais été encore plus heureuse de signer un bon résultat », confie-t-elle. Elle a surtout profité de l’opportunité de prester en championnat du monde sur les routes belges : « Être sur ce podium de départ avec tant de gens autour de vous, c’était un shot d’adrénaline, cela faisait plaisir. Je ne pense pas que dans ma carrière, j’aurai l’occasion de revivre cela. C’était une expérience unique. »
Surtout, Van de Vel se rend compte de l’opportunité qui se présente à elle depuis deux saisons. « J’ai commencé comme une simple joggeuse avec le rêve d’un jour être sur la piste pour disputer le championnat du monde de 3 000 m steeple et maintenant, je suis cycliste professionnelle. Il y a deux ans, je n’aurais jamais osé rêver d’une telle position, et d’une telle participation au championnat du monde ! », sourit-elle, heureuse d’avoir porter haut les couleurs belges. Avec l’espoir de pouvoir reporter ce maillot tricolore dès l’an prochain, en améliorant encore ses entraînements spécifiques sur le chrono.
Résultats du contre-la-montre femmes des championnats du monde de cyclisme sur route 2021 (Knokke-Heist > Bruges, 30.3 km) :
- Ellen van Dijk (P-B) en 36:05
- Marlen Reusser (Sui) à 0:10
- Annemiek van Vleuten (P-B) à 0:24
- Amber Neben (USA) à 1:24
- Lisa Brennaur (All) à 1:29
- Juliette Labous (Fra) à 1:47
- Lisa Klein (All) à 1:51
- Joscelin Lowden (G-B) à 1:59
- Riejanne Markus (P-B)
- Alena Amialiusik (Blr) à 2:18
- Leah Kirchmann (Can) à 2:34
- Emma Norsgaard (Dan) à 2:43
- Karol-Ann Canuel (Can) à 2:48
- Leah Thomas (USA) à 2:50
- Valeriya Kononenko (Ukr)
- Audrey Cordon-Ragot (Fra) à 2:56
- Anna Kiesenhofer (Aut)
- Nathalie Eklund (Suè) à 2:57
- Eugenia Bujak (Slo) à 2:58
- Karolina Karasiewicz (Pol) à 3:03
- Marta Jaskulska (Pol) à 3:06
- Julie Van de Velde (BEL)
- Omer Shapira (Isr) à 3:15
- Vittoria Guazzini (Ita) à 3:17
- Pfeiffer Georgi (G-B) à 3:18
- Ganna Solovei (Ukr) à 3:30
- Katrine Aalerud (Nor)
- Dana Rozlapa (Let) à 3:38
- Elena Pirrone (Ita) à 4:07
- Sara Van de Vel (BEL)
- Rebecca Körner (Dan) à 4:08
- Rotem Gafinovitz (Isr) à 4:18
- Tamara Dronova (Rus) à 4:21
- Marcela Lina Hernandez (Col) à 4:22
- Ziortza Isasi (Esp) à 4:30
- Fernanda Yapura (Arg) à 4:33
- Agusta Edda Bjornsdottir (Isl) à 4:53
- Frances Janse van Rensburg (Afs) à 5:15
- Yanina Kuskova (Ouz) à 5:19
- Hayley Preen (Afs) à 5:36
- Daniela Campos (Por) à 5:47
- Yeny Lorena Colmenares (Col) à 6:15
- Phetdarin Somrat (Tha) à 6:43
- Briet Kristy Gunnarsdottir (Isl) à 7:07
- Luciana Roland (Arg) à 7:39
- Adyam Tesfalem (Ery) à 8:43
- Diane Ingabire (Rwa) à 9:12
- Kanza Malik (Pak) à 14:48
- Asma Jan (Pak) à 15:44
Photo : capture Eurosport
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