Tour des Flandres : comment Alpecin-Deceuninck et Lidl-Trek ont maîtrisé pour les succès de Van der Poel et Longo Borghini

Le champion du monde Mathieu van der Poel a profité du travail de sa formation en amont, avant de filer en solitaire à plus de 40 kilomètres de l’arrivée, pour s’offrir sa troisième victoire sur le Tour des Flandres, là où la championne d’Italie Elisa Longo Borghini a bénéficié du boulot tactique de l’équipe Lidl-Trek pour glaner un deuxième succès à Audenarde.
Mathieu van der Poel (Alpecin-Deceuninck) remporte le Tour des Flandres 2024 - Photo : capture Eurosport
Mathieu van der Poel (Alpecin-Deceuninck) remporte le Tour des Flandres 2024 – Photo : capture Eurosport

Un temps de Flandrien, rien de tel pour rendre une course encore plus éreintante qu’elle ne l’est déjà par son parcours. Sous les nuages gris qui n’allaient pas tarder à cracher leurs gouttes en milieu d’après-midi, il fallait croiser les doigts pour espérer la bienveillance du ciel. Sur des routes de bitume, il faut déjà multiplier la prudence, alors sur des pavés d’antan… Cela a causé bien des tourments aux favoris de ce Tour des Flandres encore plus infernal qu’à l’accoutumée. Ce n’est pourtant pas que sous cette pluie que la victoire s’est jouée dans le peloton masculin.

L’équipe Alpecin-Deceuninck a rapidement pris ses responsabilités dès les premiers kilomètres d’une course annoncée idéale pour le leader du groupe, Mathieu van der Poel. Le Suisse Silvan Dillier, déjà à l’ouvrage durant plus de 200 bornes sur Milan-Sanremo, remettait le couvert pour éviter une avance trop importante de l’échappée matinale. Le Français Axel Laurance, le Belge Gianni Vermeersch et le Danois Søren Kragh Andersen suivaient pour mener le combat dès les premiers « bergs ». Pendant que les Visma-Lease a Bike lançaient les hostilités par le biais de Matteo Jorgenson, l’équipe du champion du monde suivait les coups, pendant que le maillot arc-en-ciel restait en retrait, bien conscient qu’une offensive à 115 kilomètres de l’arrivée serait suicidaire.

Vermeersch suit, Van der Poel gère

Même chose à plus de 90 bornes du but, quand une quinzaine d’hommes parmi lesquels Mads Pedersen (Lidl-Trek), Dylan van Baarle ou Tiesj Benoot (Visma-Lease a Bike) prenaient les devants sur les premiers monts importants, Van der Poel profitait d’une accélération d’Oier Lazkano (Movistar) dans le Berendries pour rester dans la roue et revenir ainsi sans trop d’effort sur l’avant. Quand Mads Pedersen attaquait à nouveau, c’est Gianni Vermeersch qui restait au côté du Danois pour permettre à Van der Poel de rester à l’aise dans le peloton.

Bien entendu, le champion du monde était le seul à faire la différence lors du deuxième passage sur le Vieux Quaremont, mais le travail de ses équipiers en amont lui ont permis de conserver toute l’énergie nécessaire pour le final. Et il en fallait sur ces routes détrempées, sous une température diminuée de cinq degrés en quelques heures. Il prenait toutefois une décision importante à la fin de ce Vieux Quaremont : ne pas maintenir l’effort à 100% pour ne pas rester seul trop longtemps. Il laissait quelques outsiders rentrer, passait le Paterberg sans accélération explosive et patientait pour le prochain juge de paix, le Koppenberg, encore plus diabolique sous la pluie du jour.

Sa puissance permettait à Van der Poel de maintenir une traction nécessaire sur ces pavés tranchants et humides. Pendant qu’à l’arrière, la moindre glissade signifiait un pied à terre et une relance quasiment impossible sur cette pente à deux chiffres. Matteo Jorgenson tentait bien de revenir, tout comme Dylan Teuns (Israel Premier Tech), mais le n°1 néerlandais, en mode contre-la-montre, faisait grimper l’écart à vitesse grand V, sur chaque côte pavée, et même dans la plaine. Comme sur l’E3, une semaine auparavant, Van der Poel partait à plus de 40 kilomètres de l’arrivée et n’était plus jamais revu. La poursuite, à l’arrière, avait beau être plus ou moins organisée, notamment entre Teuns et Alberto Bettiol (EF Education-EasyPost) dans les derniers kilomètres, mais face à un tel coureur, seule une fringale ou un problème mécanique de l’intéressé pouvait donner de l’espoir aux hommes à l’arrière…

« Le plus difficile Tour des Flandres que j’ai roulé »

Ce n’est que dans les cinq derniers kilomètres que le champion du monde commençait à perdre une partie plus importante de son avantage. Sa position sur le vélo, ses besoins de relancer en danseuse confirmaient la fatigue dans le final. Les deux minutes récupérées avant le dernier enchaînement Vieux Quaremont-Paterberg étaient cependant suffisantes pour lui permettre d’enregistrer un troisième succès en cinq ans sur ce Tour des Flandres sur lequel il n’a jamais terminé au-delà de la quatrième place. « Je suis vraiment cramé. C’est le plus difficile Tour des Flandres que j’ai roulé », a-t-il confirmé à l’arrivée, visiblement usé par cet effort de plus de six heures, sous une pluie encore plus éreintante. « J’étais vraiment à la limite. J’avais juste la force suffisante pour lever mon vélo sur la ligne. C’était très dur avec la pluie et les température », a-t-il encore confié à la RTBF. Il a pourtant tenu, pour s’offrir un troisième Tour des Flandres, un cinquième monument, et ce, malgré les huées et jets de bière de pseudo-supporters qui n’avaient pas leur place sur le Vieux Quaremont, ce dimanche.

Cette course usante a certainement dessiné le Top 10 particulier de cette édition sans Wout van Aert, Christophe Laporte (Visma-Lease a Bike), Jasper Stuyven (Lidl-Trek), blessés, Tadej Pogacar (UAE Team Emirates), en préparation pour le Giro,… C’est la gestion qui allait décider de ce sprint final pour la deuxième place, finalement remporté à la surprise générale par l’Italien Luca Mozzato (Arkéa-B&B Hôtels) devant Michael Matthews (Team Jayco-AlUla), dont le deuxième podium sur un monument cette saison, après Milan-Sanremo, a été refusé par le jury des commissaires pour un sprint jugé irrégulier face à Nils Politt (UAE Team Emirates), finalement désigné troisième à Audenarde.

Les résultats de la 108e édition masculine du Tour des Flandres (Anvers > Audenarde, 270.8 km) :

Résultats fournis par FirstCycling.com

Reusser et Deignan abandonnent, Kopecky et Reusser chutent

Le scénario différait quelque peu sur l’édition féminine, sur laquelle l’équipe SD Worx était attendue aux avant-postes avec ses multiples leaders tels Lotte Kopecky, double tenante du titre, Demi Vollering voire Lorena Wiebes, vainqueure à Gand-Wevelgem une semaine plus tôt. La formation néerlandaise perdait toutefois un atout de taille après seulement une dizaine de kilomètres de course, à la suite d’une chute collective emportant la championne de Suisse Marlen Reusser, victime d’une probable fracture du nez. L’embardée mettait également Kopecky à terre, qui repartait, alors que l’ex-vainqueure Lizzie Deignan (Lidl-Trek) devait quitter la course avec une fracture du bras.

La SD Worx continuait à suivre sa tactique habituelle par la suite, prenant les commandes du peloton dès l’arrivée sur les monts les plus importants. L’équipe Lidl-Trek, pour sa part, pestait encore avec la chute de la championne d’Italie Elisa Longo Borghini, qui repartait toutefois aussi vite que Kopecky, avec l’espoir de retrouver la forme avant le terrifiant Koppenberg, premier juge de paix de l’épreuve. Car la championne du monde, pour sa part, montrait des signes de faiblesse, allant chercher des gels à sa voiture… cinq kilomètes avant le Koppenberg. « Je ne me sentais pas à 100%. Je l’ai communiqué à l’équipe et j’ai continué à rouler avec l’espoir de pouvoir faire encore quelque chose », a-t-elle confié au micro de la VRT après l’épreuve.

Van Anrooij en éclaireuse

Dans ce mur pavé infernal, la Néerlandaise Marianne Vos (Visma-Lease a Bike) passait un meilleur moment et prenait les devants avec notamment Kasia Niewiadoma (Canyon//SRAM Racing), Puck Pieterse (Fenix-Deceuninck), Elisa Longo Borghini (Lidl-Trek), Silvia Persico (UAE Team ADQ) ou encore Letizia Paternoster (Team Jayco-AlUla). Les SD Worx ne pouvaient compter que sur la sprinteuse Lorena Wiebes en tête, alors que Vollering et Kopecky subissaient la course en poursuite… Alors que la pluie se faisait de plus en plus intense, la course tactique s’installait. Les leaders à l’avant ne parvenaient pas à s’entendre, permettant à Vollering de rentrer puis à Shirin van Anrooij (Lidl-Trek), seule en poursuite, de déborder le groupe de tête pour une attaque tranchante dans… la descente vers le Vieux Quaremont.

Le coup de la Néerlandaise était parfait pour Longo Borghini, qui n’avait plus qu’à suivre dans le Vieux Quaremont et le Paterberg pour faire la différence. Quand Niewiadoma accélérait, l’Italienne était présente dans la roue, avant de prendre la tête dans le passage le plus raide de la dernière côte du jour, pour ainsi s’isoler avec… Niewiadoma, justement. Longo Borghini semblait alors faire la seule erreur tactique de ce final : elle faisait l’effort dans la descente du Paterberg pour rentrer sur son équipière, pointée à moins de dix secondes au sommet. « Jeroen Blijlevens (NDLR : directeur sportif de Lidl-Trek) m’a dit d’aller à fond dans le Paterberg, donc je l’ai fait. Il m’a également dit de rentrer sur Shirin, qui nous a attendues. C’était notre plan », a affirmé l’Italienne à l’arrivée. Les deux Lidl-Trek montraient en tout cas à Niewiadoma qu’elles étaient prêtes à collaborer jusqu’à l’arrivée.

Lidl-Trek a enfin pris les devants

Derrière, la SD Worx était piégée. Wiebes n’a pu tenir dans le Vieux Quaremont, Kopecky et Vollering ont montré leurs limites. Ces deux dernières ont essayé de mener la poursuite, avec l’espoir que d’autres suivent. Sauf que Vos et Kopecky, les deux meilleures sprinteuses en tête, étaient encore là et leurs adversaires ne comptaient pas les emmener sur un plateau en vue d’Audenarde. Alors qu’à l’avant, personne ne rechignait jusqu’à la flamme rouge. Van Anrooij lançait le sprint, Niewiadoma débordait… mais Longo Borghini était derrière elle pour aller chercher une deuxième victoire sur le Ronde. « Celle-ci est encore plus spéciale. La première fois, je n’étais qu’une enfant », a commenté l’Italienne, heureuse d’avoir conclu la plan établi avec Lidl-Trek pour sa deuxième victoire sur le Ronde, neuf ans après. Elle parvient surtout, après une troisième place sur le Circuit Het Nieuwsblad, une deuxième sur le Strade Bianche et une sixième sur À Travers la Flandre, à détrôner des SD Worx qui semblaient prêtes à balayer ces classiques.

« Nous nous sommes battues et nous avons perdu », a résumé Kopecky, frigorifiée à l’arrivée. La championne du monde a confié ne pas encore se sentir prête pour Paris-Roubaix, mais parle d’un « nouveau jour », d’une « nouvelle course ». Au top depuis la mi-janvier pour les championnats d’Europe sur piste, Kopecky n’avait pas d’explication sur son état de forme du jour. Il lui reste à faire un redémarrage durant cette semaine pascale pour retrouver le niveau affiché en début de saison sur les pavés français.

Les résultats de la 21e édition féminine du Tour des Flandres (Audenarde > Audenarde, 163 km) :

Résultats fournis par FirstCycling.com

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