Sagan, Cavendish et Démare : un sprint indigne du Tour de France

L’arrivée de la quatrième étape du Tour de France a été marquée par deux chutes importantes et un emballage final confus, dans lequel les vélos ont souvent balancé et les coups ont souvent valdingué.
L’arrivée de la quatrième étape du Tour de France a été marquée par deux chutes importantes et un emballage final confus, dans lequel les vélos ont souvent balancé et les coups ont souvent valdingué. Heureusement, les blessures semblent superficielles. Mais ces quelques embardées et autres passages en force ont eu de lourdes conséquences sportives. Principalement pour le champion du monde Peter Sagan (Bora-Hansgrohe), l’un des artisans de ce sprint aux accents hostiles.Le sprint est une discipline à part du cyclisme sur route. Les coureurs foncent tête baissée à la vue de la ligne d’arrivée, se battent à coups de guidon pour se positionner aux avant-postes, bouleversent leur stratégie en un quart de seconde à la vue d’un rival plus véloce, s’acharnent sur leur potence espérant grapiller quelques kilomètres/heure face au vent, pulvérisent leurs pedales à force de danser sur leur selle en quête de cette puissance nécessaire pour décrocher le Saint-Graal. Qu’importe la douleur, qu’importe le danger, les sprinters n’ont que la ligne en vue et leur objectif est d’arriver en tête. Et entier, ce serait mieux. Mais sur une épreuve aussi médiatique et aussi importante pour les sponsors que le Tour de France, les emballages massifs se veulent encore plus dangereux, encore plus serrés.Les chutes lors des sprints massifs sont malheureusement monnaie courante sur le Tour. Cela ajoute au côté épique de la bataille. Souvenez-vous de ces sprints des années 90. L’incroyable chute provoquée par un plot rouge de Coca-Cola sur la 4e étape du Tour de France 1991. Ce jet de bidon de Tom Steels sur le Tour de France 1997. La coupure de Thor Hushovd à cause d’une main verte PMU sur le Tour de France 2006. Ou même des embardées provoquées par les coureurs eux-mêmes, sous pression, lors de ces dernières années, à l’image de Mark Cavendish sur la 1re étape du Tour de France 2014. Les exemples sont nombreux et confirment toute la dangerosité d’une telle discipline après plus de 5 heures de selle, à plus de 65 km/h pour la plupart…

L’arrivée de la 4e étape du Tour de France, ce mardi à Vittel, en est un nouvel exemple. À la simple vue du parcours proposé, les fins observateurs flairaient déjà le danger à plein nez entre ces routes plus sinueuses et étroites. Ainsi, à 1500 mètres du but, une première chute poussait une demi-douzaine de coureurs à terre, par effet de dominos, derrière le champion du monde Peter Sagan (Bora-Hansgrohe), pointé comme l’initiateur de cette embardée massive. Le premier groupe se retrouvait à une dizaine pour jouer la victoire d’étape. Après la flamme rouge, la FDJ jetait ses dernières forces en offrant une légère rétro-poussette passée presque inaperçue pour le champion de France Arnaud Démare (FDJ). Dangereux, on vous dit.

À 300 mètres du but, alors que le sprint était lancé à toute vitesse, Arnaud Démare grillait la priorité à Nacer Bouhanni (Cofidis), qui devait faire un léger écart pour éviter la chute, quelques secondes après avoir lui-même déstabilisé André Greipel (Lotto-Soudal) sur un léger écart vers la droite. Sur la droite du champion de France, Peter Sagan lançait aussi son sprint et poussait vers la droite, là où Mark Cavendish (Dimension Data) pensait se frayer un chemin. L’espace était trop étroit, Cavendish se retrouvait bloqué et valdinguait vers les barrières, le temps que Sagan réalise deux gestes du coude surprenants, qui laissaient à penser en plein direct que le Slovaque avait poussé son rival britannique vers le public. Cavendish, au sol, faisait ensuite chuter derrière lui John Degenkolb (Trek-Segafredo), qui lui roulait sur le visage en prime, et Ben Swift (UAE Team Emirates).

Devant, la messe était dite : Arnaud Démare mettait fin à onze ans de disette française dans les sprints massifs du Tour de France et offrait aux supporters bleu-blanc-rouge un peu de réconfort. L’étape n’était toutefois pas terminée. Logiquement échaudés par les gestes de Sagan, les directeurs sportifs de Dimension Data ont directement été déposé réclamation auprès du jury des commissaires, pendant que Sagan venait faire ses excuses pour la chute de Cavendish. Ce dernier a directement expliqué aux micros des journalistes qu’il « attend la décision des commissaires » avant de se prononcer. Celle-ci intervient une demi-heure après l’arrivée : Sagan est déclassé sur l’étape du jour et et prend 30 secondes et 35 points de pénalité. Une décision légère selon Dimension Data, qui espère (toujours) la disqualification pure et simple du champion du monde pour le reste du Tour de France. « Il cause une grosse chute à 1.500 mètres du but, épaule contre épaule avec un autre coureur à 300 mètres… Cela ne peut aboutir qu’à une seule décision : au revoir », lance ainsi Roger Hammond, directeur sportif de Dimension Data, à propos de Sagan. Une heure et demie plus tard, les commissaires revenaient devant la presse pour confirmer la décision unilatérale d’exclure Sagan : « Il a mis en danger la vie de plusieurs coureurs, dont Mark Cavendish ». Un choix radical mais compréhensible au vu des deux chutes que le coureur slovaque a provoqué en moins de deux kilomètres. L’exemple devait finalement être fait après toutes les mesures annoncées autour de la sécurité des coureurs dans ces derniers kilomètres toujours rendus…

Et au vu du sprint sauvage qui a eu lieu ce mardi à Vittel, on peut comprendre la nervosité de l’entourage de Cavendish. Ils ne sont d’ailleurs pas les seuls à se montrer déçus par l’issue de cette étape. Nacer Bouhanni également s’est montré le visage terne sur le plateau de Vélo Club : « À 150 mètres de la ligne, Arnaud (Démare) me coupe la route et je manque de tomber, c’est à ce moment que j’ai failli y aller. Je touche sa roue arrière et si je ne freine pas, je tombe. » Le coureur connaissait les routes et espérait y briller, il devra patienter. Et espérer un sprint plus propre, comme ce fut le cas à Liège. La confusion régnait mais les gestes étaient moins violents, moins sauvages. Pour le bien du cyclisme, le jury des commissaires chargé du bon déroulé de la course se doit d’être ferme. Comme il l’a été pour Sagan, comme il aurait dû l’être pour Démare.

Photos : A.S.O./Tour de France

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