Dernier Grand Tour de la saison, le Tour d’Espagne sera même cette année la dernière course WorldTour du calendrier, dans un contexte particulier, retardant la trêve hivernale au mois de novembre. Les coureurs vont donc devoir défier la montagne espagnole ainsi que la météo automnale pour s’offrir le maillot rouge au terme des 18 étapes programmées entre Irún et Madrid. Qui triomphera durant ces trois semaines stressantes tant pour l’organisation que pour les concurrents au départ ? On fait le point sur dix coureurs à suivre sur cette 75e édition de la Vuelta a España.
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Primoz Roglic (Slo, Team Jumbo-Visma)
Vainqueur sortant de la Vuelta, Primoz Roglic arrive cette année sur les routes espagnoles dans un contexte différent et en même temps quelque peu similaire. En 2019, le Slovène avait perdu pied en troisième semaine d’un Tour d’Italie qu’il dominait, et avait dû faire face à la déception avant de reprendre l’entraînement pour se préparer pour le Tour d’Espagne. L’espoir d’y glaner le maillot rouge y était grand, vu les contre-la-montre et lourdes étapes de montagne à enchaîner sur trois semaines. Il a finalement triomphé malgré l’opposition collective des Movistar et la révélation de Tadej Pogacar pour le premier Grand Tour de sa carrière. En 2020, Roglic a perdu le Tour de France dans la pénultième étape face à Pogacar, et souhaite surmonter cette nouvelle déception sur une nouvelle course de trois semaines qui peut seoir à ses qualités, le Tour d’Espagne qu’il connaît parfaitement.
Certes, par rapport à l’an dernier, Roglic n’avait qu’un mois entre les deux Grands Tours, et a surtout retrouvé le sourire au sortir du Tour de France grâce à une victoire sur Liège-Bastogne-Liège, en véritable renard des surfaces. Le Slovène arrive cette fois plus serein sur les routes espagnoles, avec en prime une équipe toujours solide. Comme sur le Tour de France, George Bennett, Sepp Kuss, Robert Gesink et surtout Tom Dumoulin seront de nouveau présents aux côtés de Roglic pour cette Vuelta. L’équipe noire et jaune apparaît encore comme la formation à battre, avec deux leaders clairs qui peuvent briller tant dans la montagne que dans l’unique contre-la-montre individuel de ce Tour d’Espagne, après deux semaines de course. Depuis le Tour, Roglic a semblé en meilleure forme que Dumoulin, plus en retrait, dans un rôle d’équipier-modèle. Mais dès la première semaine de course, on saura rapidement qui du Slovène ou du Néerlandais sera le leader de la Jumbo-Visma sur cette Vuelta. Voilà le luxe de l’équipe batave, décidée à faire la pluie et le beau temps lors de ces trois prochaines semaines. Elle en a tout cas les capacités.
Richard Carapaz (Equ, INEOS Grenadiers)
Richard Carapaz sera-t-il le sauveur d’INEOS Grenadiers sur les Grands Tours, cette année ? Après la déroute d’Egan Bernal sur le Tour de France (entraînant en prime une précoce fin de saison) et l’abandon sur chute de Geraint Thomas après seulement trois étapes sur le Tour d’Italie, l’équipe britannique s’est muée en chasseuse d’étapes, et y parvient avec brio grâce à Michal Kwiatkowski (18e étape du Tour de France), Filippo Ganna (1re, 5e et 14e étapes du Giro), Jhonatan Narvaez (12e étape du Giro) et Tao Geoghegan Hart (15e étape du Giro). Mais sur le Tour d’Espagne, si aucune chute ou autre cas de malchance viennent perturber les plans d’INEOS Grenadiers, le maillot rouge reste l’objectif principal. Et au vu de ses performances en troisième semaine du Tour de France, Richard Carapaz est l’homme de la situation. Ses talents de grimpeur sont idéaux pour le programme très copieux des deux premières semaines de course.
Il sera sur cette Vuelta accompagné d’une équipe idéale pour contrôler en montagne, avec notamment le Costaricien Andrey Amador, le rouleur néerlandais Dylan van Baarle (en bonne forme sur le Tour des Flandres) ou encore le jeune grimpeur colombien Ivan Sosa, qui peut également surprendre dans les cols abrupts de cette Vuelta. Et puis, il y aura l’énigme Chris Froome. Le Britannique, absent du Tour de France après des performances décevantes en début de saison, est annoncé comme co-leader de Carapaz par l’équipe INEOS Grenadiers mais même avec l’entraînement qu’il a poursuivi durant ces deux derniers mois, il est difficile d’envisager une performance convaincante du Britannique sur ces trois semaines. Même pour sa dernière course sous les couleurs de l’équipe qui l’a fait exploser sur la scène internationale. Même sur cette course qui l’a révélé au grand public, en 2011. Le coureur de 35 ans ne peut en tout cas que surprendre, s’il se retrouve parmi les meilleurs grimpeurs du peloton durant ces 18 prochaines étapes.
Thibaut Pinot (Fra, Groupama-FDJ)
En deçà de sa meilleure forme sur le Tour de France, après une chute dès la première étape qui l’a bloqué au niveau du dos, le Français Thibaut Pinot arrive sur le Tour d’Espagne avec la possibilité de retrouver les sommets. Absent des pelotons depuis la fin du Tour, le Franc-Comtois a préféré se concentrer sur cette Vuelta pour bien conclure sa saison. Il sera notamment accompagné du jeune grimpeur David Gaudu et de ses fidèles lieutenants Matthieu Ladagnous et Anthony Roux pour l’accompagner sur des pentes qu’il apprécie. Déjà vainqueur sur les Lacs de Covadonga ou en Andorre, Pinot a toujours bien presté sur les routes espagnoles. 7e de la Vuelta 2013 puis 6e en 2018, le Français pourrait prendre une revanche sportive sur cette épreuve qui enchaîne des routes parfaites pour ses qualités de grimpeur et de tacticien. Il reste toutefois sujet à un éventuel “jour sans”, ce qui lui a souvent causé problème sur les derniers Grands Tours. Et en fin de saison, face à la pluie et au froid, cela peut se jouer à quelques détails.
Enric Mas (Esp, Movistar Team)
Même si elle ne dévoile pas la même force de frappe que l’an dernier, l’équipe Movistar apparaît, à l’instar de Jumbo-Visma, comme une armada sur cette Vuelta. Plusieurs concurrents du Tour de France reviennent sur les routes espagnoles avec l’ambition de faire briller le sponsor national sur ses terres. L’ex-champion du monde Alejandro Valverde semble subir enfin le poids de ses 40 ans, flirtant plutôt avec le Top 10 qu’avec la première place. Il sera toutefois un précieux soutien pour Enric Mas, le leader annoncé de l’équipe espagnole. Seulement âgé de 25 ans pour rappel, Mas a déjà terminé deuxième de la Vuelta (en 2018) et a montré sur le dernier Tour de France, qu’il a conclu à la cinquième place, qu’il se bonifiait avec les jours de course. Depuis le championnat du monde, Mas a enchaîné les stages en altitude, et sera donc un concurrent clair pour le général, avec en prime Carlos Verona, Marc Soler ou encore Nelson Oliveira pour l’accompagner dans les cols. L’équipe, qui comptera également sur l’expérience d’un José Joaquin Rojas ou d’un Imanol Erviti, peut donc être une épine dans le pied des autres favoris, grâce à sa force collective.
Guillaume Martin (Fra, Cofidis Solutions Crédits)
Depuis son arrivée chez Cofidis, Guillaume Martin prouve au fil des courses qu’il passe un nouveau cap, décidé à jouer dans la cour des grands sur les principales courses par étapes du calendrier. Troisième du Dauphiné et onzième du Tour de France, en raison d’une troisième semaine plus compliquée, le Français a une chance de briller sur les premières étapes de montagne de cette Vuelta, certainement parmi les plus relevées de ces trois semaines de compétition. Il faudra ensuite enchaîner, et tenir la distance, mais le tracé sur dix-huit étapes peut convenir aux qualités de grimpeur et d’attaquant de Guillaume Martin. Même si le Français ne pourra pas compter sur le soutien de l’autre grimpeur de l’équipe Cofidis, Jesus Herrada, positif au Covid-19. Fernando Barcelo, Luis Angel Maté et Pierre-Luc Périchon peuvent être des alliés, mais cela semble léger face aux équipes WorldTour annoncées ci-dessus.
Alexandr Vlasov (Rus, Astana Pro Team)
Attendu avec impatience sur les routes du Tour d’Italie au vu de ses prestations depuis le début de saison (victoires au Mont Ventoux Dénivelé Challenge et au Tour d’Émilie, troisième du Tour de Lombardie et de la Route d’Occitanie), Alexandr Vlasov a dû renoncer à la course au maillot rose après seulement deux étapes, malade. Face à ce forfait précoce, Astana a décidé de le replacer comme leader sur le Tour d’Espagne, deux semaines plus tard. L’équipe affirme qu’il s’est remis et peut donc se lancer dans la conquête au maillot rouge en Espagne. L’ex-champion de Russie, à peine âgé de 24 ans, a en tout cas de grandes attentes sur les épaules, et doit prouver ce qu’il peut réussir sur trois semaines. Le fait que la course ne se dispute que sur 18 étapes, avec un seul contre-la-montre (son point faible), peut l’aider, mais il devra être costaud dès l’entame de la Vuelta. Avec Luis Leon Sanchez, Omar Fraile et les frères Izagirre à ses côtés, Vlasov aura au moins des hommes d’expérience pour l’épauler en altitude.
Sam Bennett (Irl, Deceuninck-Quick Step)
Maillot vert du dernier Tour de France grâce à deux victoires d’étape et un enchaînement de podiums dans les sprints, l’Irlandais Sam Bennett apparaît comme le grand favori en cas d’arrivée massive sur ce Tour d’Espagne. Bien entendu, les étapes de plaine sont peu nombreuses, et il sera compliqué d’enchaîner les victoires pour les hommes les plus rapides du peloton. Bennett reste malgré tout l’homme à battre sur les quelques étapes proposant un profil plat. Le sprinter de 30 ans reste sur une déception sur la dernière campagne de classiques (abandon à Gand-Wevelgem et huitième au GP de l’Escaut), et voudra donc se racheter sur cette Vuelta. Il aura pour cela les poisson-pilotes idéaux avec Michael Mørkøv et Shane Archbold, tandis que le reste de l’équipe pourra l’aider pour conserver le peloton au complet jusqu’à l’arrivée, ou pour chasser les étapes plus relevées. Bref, l’idéal pour Bennett, si cela se passe comme sur le Tour.
Pascal Ackermann (All, Bora-Hansgrohe)
Absent du Tour de France et du Tour d’Italie, Pascal Ackermann dispute dès ce mardi son seul Grand Tour de la saison. Déjà vainqueur de deux étapes sur le Giro en 2019, l’Allemand de 26 ans a l’occasion de garnir son palmarès d’étapes d’une nouvelle course de trois semaines. Ackermann a en tout cas les qualités pour briller dans la plaine, au vu de ses récents sprints victorieux sur Tirreno-Adriatico. Il aime bénéficier d’un train rapide, mais il peut également se débrouiller en solo, même si cela peut mener à un déclassement comme sur le récent GP de l’Escaut. Ackermann pourra en tout cas compter sur le soutien de Martin Laas ou d’Ide Schelling pour le mener en tête du peloton en cas d’emballage massif. Et face à Bennett, le duel s’annonce intéressant.
Jasper Philipsen (Bel, UAE Team Emirates)
Invité à la surprise générale sur le Tour de France 2019, Jasper Philipsen avait convaincu qu’il pouvait être un candidat aux victoires au sprint, mais n’avait pu jouer sa carte au-delà d’une dizaine de jours de course, vu son jeune âge. Le coureur belge arrive à 22 ans sur le Tour d’Espagne avec un autre statut. Vainqueur d’étape sur le BinckBank Tour face à Ackermann, il a montré qu’il pouvait clairement se battre avec les coureurs les plus rapides du peloton, même sans train particulier à sa disposition. Sur les routes espagnoles, ce sera également le cas, vu la décision d’UAE Team Emirates de jouer la carte des puncheurs avec Rui Costa, Davide Formolo ou Sergio Henao. Cela n’empêchera pas Philipsen de se glisser en tête de peloton sur les étapes de plaine pour surprendre Ackermann et Bennett s’il le peut.
Tim Wellens (Bel, Lotto-Soudal)
Auteur d’une saison en dessous de ses attentes depuis le retour de confinement, Tim Wellens démarre le Tour d’Espagne avec une casquette de chasseur d’étapes, qu’il affectionne particulièrement. Le coureur limbourgeois de 29 ans s’est montré à l’attaque sur le Tour des Flandres, et confirme donc qu’il monte en gamme. Mais il n’est clairement pas à son pic comme ces dernières années, au vu de ses récentes performances. Son meilleur résultat en 2020 reste une quatrième place sur le Tour du Luxembourg. Les étapes explosives de cette Vuelta devraient donc être l’occasion pour Wellens de se refaire la cerise, afin de bien terminer l’année et enchaîner avec une prochaine saison qui s’annonce comme celle des grands changements pour Lotto-Soudal. Ce Tour d’Espagne est l’occasion de lever les bras à nouveau.
► Découvrez la liste des partants sur notre page spéciale de la 75e édition de la Vuelta
Photo de couverture : ASO/Unipublic/Photo GomezSport/Luis Angel Gomez – Photos dans l’article : ASO/Alex Broadway & Pauline Ballet – RCS Sport/La Presse/Fabio Ferrari
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