Le Tour d’Italie s’ouvre ce samedi en Sicile, pour trois semaines d’une course au maillot rose incertaine, entre des favoris qui n’ont pas tous rassuré à l’approche d’octobre, une organisation qui scrutera le ciel jusqu’au dernier moment en haute montagne, et une crise sanitaire qui pourrait également bouleverser la course durant ces 21 étapes entre Palerme et Milan. Qui sont les coureurs qui marqueront ces trois semaines en Italie ? On fait le point avec les favoris, les sprinters et attaquants qui devraient mener la course au maillot rose.
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Jakob Fuglsang (Dan, Astana)
Auteur d’un très bon début de saison avec une cinquième place sur le Strade Bianche, une deuxième place sur le Tour de Pologne (derrière l’insaisissable Remco Evenepoel à l’époque) et une victoire en solitaire sur le Tour de Lombardie, la forme de Jakob Fuglsang avait été remise en doute en septembre sur les routes de Tirreno-Adriatico, sur lesquelles le grimpeur de 35 ans avait lâché rapidement le peloton des favoris sur les pentes les plus importantes de la Course des deux mers. Dans le bon groupe sur la troisième étape, il avait ensuite perdu une minute sur les candidats au maillot bleu sur l’étape suivante, avant de lâcher plus de deux minutes sur Simon Yates sur le juge de paix de Sassottetto, seul grand col de l’épreuve italienne, sorte de répétition générale du prochain Giro. En stage en altitude ensuite, le Danois a rapidement rassuré quant à son état de forme lors du championnat du monde. S’il tentait de gruger ses adversaires en affirmant au départ qu’il arrivait à Imola avec l’objectif de se jauger à l’aube du Tour d’Italie, Fuglsang a finalement tenu le rythme des meilleurs dans le dernier tour, pour finalement se classer cinquième derrière l’intouchable Julian Alaphilippe. Il semble donc prêt pour ce nouveau rendez-vous de trois semaines, son premier Grand Tour en tant que leader préparé depuis le Tour de France 2018.
Et sur ce Giro, Fuglsang arrive avec l’un des meilleurs collectifs pour jouer le maillot rose. Il aura notamment à ses côtés l’une des révélations du début de saison, le Russe Aleksandr Vlasov, vainqueur du Mont Ventoux Dénivelé Challenge et du Tour d’Émilie, mais également aux côtés de Fuglsang sur le Tour de Lombardie et sur Tirreno-Adriatico, qu’il a conclu à la cinquième place. Il dispute à 24 ans son premier Grand Tour, mais apparaît déjà comme l’un des meilleurs grimpeurs de sa génération, jouant son rôle d’équipier avec maestro. Le Basque Oscar Rodriguez est également un allié idéal dans la montagne tout comme… Miguel Angel Lopez, sixième du général et vainqueur d’étape sur le col de la Loze, sur le dernier Tour de France. Le Colombien est l’une des surprises de la sélection d’Astana, et peut se placer comme un joker pour le groupe kazakh. Ou du moins un élément perturbateur par rapport aux autres leaders, qui devront faire face à un collectif de grimpeurs particulièrement intéressant sur les routes montagneuses d’Italie. Bref, Fuglsang a les armes pour s’offrir un premier Grand Tour, surtout en cette saison particulière qui a longtemps réactualisé la liste des partants de ce Giro.
Geraint Thomas (G-B, INEOS Grenadiers)
Passée la déception d’une non-sélection surprise sur le dernier Tour de France, Geraint Thomas arrive sur cette 103e édition du Giro avec une motivation supplémentaire, décidé à inscrire un nouveau Grand Tour à son palmarès. Le Britannique l’a confirmé dès le mois de septembre avec une deuxième place sur Tirreno-Adriatico, course sur laquelle il lui a finalement manqué un brin de puissance pour accrocher le rythme de Simon Yates sur la montée de Sassottetto. Le coureur de 34 ans a clairement les jambes pour enchaîner les performances en montagne, même s’il n’est pas le meilleur grimpeur intrinsèque du peloton annoncé sur ce Tour d’Italie. Surtout, il a montré qu’il est certainement le meilleur rouleur des favoris, avec une performance convaincante sur le dernier championnat du monde de la discipline, conclu à la quatrième place. Et idéale vu les trois contre-la montre qui s’annoncent sur ce Giro. Même si aucun ne dépasse les 40 kilomètres, évitant donc des écarts trop importants, ces trois épreuves individuelles vont aider Thomas dans la course au maillot rose.
Et même si l’équipe autour d’Egan Bernal pouvait déjà faire rêver certains leaders sur le dernier Tour de France, Thomas ne manquera pas de soutien sur ce Tour d’Italie. Chez INEOS Grenadiers, Tao Geoghegan Hart et Rohan Dennis pourront épauler le coureur gallois dans les cols italiens, alors que Jhonatan Narvaez et Jonathan Castroviejo seront certainement des équipiers-modèles dans la plaine et la moyenne montagne. Même si les étapes en altitude s’annoncent intenses et risquent donc de décider du classement général, Thomas a les qualités pour refaire son retard dans les chronos, et sait comment gérer un Grand Tour, après sa victoire sur le Tour en 2018 suivie d’une deuxième place en 2019. Cette fois, il sera leader unique, et veut en profiter pour redorer le blason d’INEOS Grenadiers.
Simon Yates (G-B, Mitchelton-Scott)
Au vu de ses récentes performances en montagne, Simon Yates peut clairement se placer comme le grand favori de ce Tour d’Italie. Le Britannique de 28 ans a l’expérience du Giro, et avait porté le maillot rose durant près de deux semaines en 2018, avant de craquer dans l’avant-dernière étape de montagne, face à un Chris Froome survolté. Malgré une grande condition en début d’épreuve, Yates avait finalement conclu l’épreuve à plus d’une heure, hors du Top 20, complètement lessivé. Il s’était rattrapé trois mois plus tard en remportant le Tour d’Espagne. Et depuis lors, Yates a tenté de nouvelles expériences sur les Grands Tours. Huitième sur le Giro l’an dernier, il avait ensuite remporté deux étapes du Tour de France dans un rôle d’électron libre. Il revient cette année avec une autre ambition, au vu de ses performances depuis le début de la deuxième partie de saison.
Troisième du Tour de Pologne, Simon Yates a ensuite enchaîné avec une victoire convaincante sur Tirreno-Adriatico, début septembre. Le Britannique a suivi sans problème le rythme des favoris sur les étapes piégeuses de moyenne montagne, avant de s’imposer en solitaire sur le sommet de Sassotetto, seul arrivée en altitude de la Course des deux mers. Sa seule faiblesse reste toutefois le contre-la-montre. S’il n’a pas perdu trop de temps sur Thomas lors du chrono final de Tirreno-Adriatico, il risque d’avoir plus de mal à enchaîner trois contre-la-montre sur ce Giro. Il lui faudra donc faire la différence en montagne, sur des cols qu’il peut apprivoiser. Il aura notamment à ses côtés deux compatriotes réputés bons grimpeurs, à savoir Jack Haig et Lucas Hamilton.
Vincenzo Nibali (Ita, Trek-Segafredo)
Sera-ce la dernière tentative de Vincenzo Nibali sur le Tour d’Italie ? Le coureur italien de 35 ans reste depuis le début de la saison parmi les outsiders des principales courses par étapes et classiques auxquelles il a pris part, terminant notamment 4e de Paris-Nice, 5e du Gran Trittico Lombardo ou 6e du Tour de Lombardie. Mais pourra-t-il jouer le maillot rose sur ces trois semaines de course ? Nibali a l’expérience pour lui, enchaînant tout simplement une place sur le podium lors de chacune de ses six dernières participations au Giro (2010, 2011, 2013, 2016, 2017 et 2019). L’Italien a également deux victoires finales dans son palmarès, et arrive sur ses terres avec une équipe à son service. Le vétéran transalpin aura notamment ses compatriotes Gianluca Brambilla et Giulio Ciccone pour l’accompagner en montagne, tout comme le Français Julien Bernard, le Néerlandais Pieter Weening ou son frère Antonio Nibali.
S’il est apparu en retrait sur Tirreno-Adriatico ou même sur le championnat du monde à Imola, sur lequel il a tenté deux attaques infructueuses, Vincenzo Nibali devrait profiter de son endurance en montagne pour se placer en tête du classement général. Il lui faudra également se transcender sur les contre-la-montre pour réaliser un triplé sur le Giro.
Steven Kruijswijk (P-B, Team Jumbo-Visma)
Grand déçu du début de saison, le Néerlandais Steven Kruijswijk devait être sur le dernier Tour de France l’un des trois co-leaders de l’équipe Jumbo-Visma, aux côtés de Primoz Roglic et de Tom Dumoulin. Une chute sur le Critérium du Dauphiné l’a finalement évincé de la sélection, le contraignant à reporter ses ambitions sur le prochain Tour d’Italie. Et cela peut finalement lui être favorable. Car Kruijswijk a l’expérience du Giro, lui qui avait failli trouver la victoire sur l’épreuve italienne en 2016. À l’époque, le coureur de 33 ans avait dominé une bonne partie de l’épreuve, avant de délaisser le maillot rose qu’il conservait avec une minute d’avance sur Esteban Chaves en raison d’une… chute contre un mur de neige sur l’avant-dernière étape. L’histoire d’amour avec la course rose s’est arrêtée là. Depuis lors, le grimpeur batave a enchaîné une 9e place et une 4e place sur le Tour d’Espagne en 2017 et 2018, et une 5e et une 3e place sur le Tour de France en 2018 et en 2019.
Kruijswijk sait donc comment gérer ses efforts sur trois semaines, et a des qualités de grimpeur et de rouleur qui peuvent lui permettre de décrocher une place sur le podium au vu de son expérience passée. Et même s’il se veut très souvent discret, loin d’un esprit offensif qui pourrait lui permettre de surprendre ses rivaux, le Néerlandais reste un grand nom à surveiller. Sur ce Giro, il disposera en outre d’une équipe rodée à l’altitude, avec notamment Antwan Tolhoek, le jeune Tobias Foss (vainqueur du dernier Tour de l’Avenir), ou encore Chris Harber pour le soutenir dans les cimes. Et cette fois, il sera leader unique. Idéal, donc.
Arnaud Démare (Fra, Groupama-FDJ)
Voici le sprinter le plus prolifique de cette deuxième partie de saison. Depuis la reprise des courses cyclistes, Arnaud Démare enchaîne les performances de choix, avec neuf succès engrangés. Dont un titre de champion de France, le classement général du Tour de Wallonie ou encore Milan-Turin, face à la crème du sprint international. Il s’est encore affirmé sur le récent Tour de Luxembourg avec une victoire sur une 2e étape qui connaissait quelques buttes pour corser le scénario d’un emballage massif. Et sa deuxième place au championnat d’Europe à Plouay confirme également qu’il fait mieux que simplement attendre les derniers hectomètres pour faire parler sa pointe de vitesse. Arnaud Démare veut profiter de cette spirale positive pour enchaîner les sprints victorieux sur un Giro qui compte cependant peu d’occasions rêvées pour les purs sprinters.
Démare partira en tout cas avec le statut de coureur protégé au sein d’une équipe Groupama-FDJ où l’on sait qu’on ne se disputera pas le maillot rose ou une place d’honneur au classement général. L’objectif sera clairement de mettre le champion de France dans les meilleures conditions sur les étapes de plaine pour lui permettre d’engranger un palmarès déjà bien fourni, même si sur les Grands Tours, il reste actuellement bloqué à seulement deux étapes du Tour de France et une étape du Tour d’Italie. Il souhaite surtout prendre sa revanche par rapport au Giro 2019, sur lequel il avait été pris de court par Pascal Ackermann, cette fois absent.
Michael Matthews (Aus, Team Sunweb)
Absent du Tour de France à la surprise générale malgré une troisième place remarquée sur Milan-Sanremo ainsi qu’une victoire convaincante sur la Bretagne Classic à Plouay, fin août, l’Australien Michael Matthews arrive sur les routes italiennes avec une ambition décuplée. S’il quittera Sunweb en fin de saison pour retrouver ses anciennes couleurs de Mitchelton-Scott, Matthews veut clairement montrer qu’il en a encore dans le moteur. Et ce coureur complet est capable de briller tant dans les sprints massifs dans la plaine que sur des étapes aux buttes abruptes que l’organisation italienne aime tant. Et il y en aura quelques-unes pour satisfaire aux qualités de « Bling ».
Ce dernier a d’ailleurs montré sur le dernier championnat du monde, conclu à la 7e place derrière les meilleurs puncheurs-grimpeurs du moment, qu’il tenait la bonne condition pour enchaîner les victoires en Italie. D’ailleurs, sur Tirreno-Adriatico, Matthews s’était essayé à deux reprises à l’échappée au long cours, se mettant ainsi en avant sur les hauts sommets de la Course des deux mers. Une surprise pour un sprinter de sa trempe. Et une confirmation que l’Australien vise visiblement plus haut.
Peter Sagan (Svq, Bora-Hansgrohe)
Voici la star de ce Tour d’Italie : annoncé en grande pompe lors de la présentation du parcours en octobre dernier, Peter Sagan a ensuite enchaîné les clips promotionnels réalisés avec RCS Sport, organisateur de l’épreuve, afin de mettre la lumière sur cette première participation. Une manière de starifier le Slovaque ainsi que la course au maillot rose, à la recherche de nouvelles manières de communiquer autour de sa course, face à l’aura médiatique d’un Tour de France, particulièrement en ces temps de crise sanitaire. Il reste désormais à savoir dans quelle forme physique Peter Sagan arrivera sur ces routes italiennes.
Car sur le Tour de France, sa dernière course, Sagan a perdu son habituel maillot vert. Il a dû le laisser « à la pédale » à l’Irlandais Sam Bennett, plus rapide sur l’ensemble des sprints intermédiaires et d’arrivée disputés tout au long de ces trois semaines de course. Le Slovaque a perdu de son explosivité, et cela a pesé dans ses performances, et son compteur de points. Il a bien tenté quelques coups de panache avec ses équipiers, mais à la fin, le leader manquait à son devoir. Sagan devra donc afficher un autre visage sur le Giro s’il veut s’offrir une victoire d’étape, voire le maillot cyclamen de leader du classement par points. Car cette fois encore, la concurrence s’annonce rude entre Démare, Matthews, mais aussi Fernando Gaviria (UAE Team Emirates), Elia Viviani (Cofidis), Alvaro José Hodeg (Deceuninck-Quick Step) ou encore Davide Cimolai (Israel Start-up Nation).
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Photo : RCS Sport/La Presse/Fabio Ferrari
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