“Andiamo !”, dit-il dans un taxi le menant à Milan. Comme si le trophée était déjà prêt à l’emploi, à côté d’un maillot rose qu’il n’a encore jamais tâté. Le Slovène Tadej Pogacar (UAE Team Emirates) était donc la surprise du chef, ce dimanche, quand il est apparu dans la vidéo annoncée le matin même par les réseaux sociaux du Tour d’Italie. L’organisation du Giro ébruitait une grande surprise, elle n’a pas manqué d’ébahir. Car cette participation dévoilée du double vainqueur du Tour de France annonçait par ailleurs un potentiel enchaînement entre la course italienne et le rendez-vous juilletiste.
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Les pronostics dominicaux étaient confirmés dès le lendemain lors de la présentation de l’équipe UAE Team Emirates dans leur hôtel de stage, à Alicante (Espagne) : oui, Tadej Pogacar participera bien au Tour d’Italie ET au Tour de France. Avec à chaque fois la victoire finale en vue. “J’ai toujours voulu courir le Giro. C’est l’une de mes courses préférées, vu qu’elle se trouve près de la Slovénie. Quand j’étais petit, je regardais à la télévision et j’allais même voir sur place certaines étapes”, a-t-il confié lors de cette conférence de presse au soleil, devant un parterre d’une vingtaine de journalistes. “Je ne suis plus si jeune et je pense que je peux rouler deux Grands Tours. Bien sûr, je pense que j’aurais pu le faire avant. Mais maintenant, c’est un bon moment pour me lancer un nouveau défi dans ma carrière”, a-t-il ajouté quant à sa décision d’enchaîner avec le Tour de France. “Évidemment, l’objectif est de gagner une fois tous les Grands Tours, mais en gagner deux durant la même année est très difficile. Nous allons d’abord voir comment cela tourne en Italie, puis je regarderai au Tour. Mon programme avant le Giro ne sera pas si lourd, donc je pense que mon corps peut gérer les deux épreuves”.
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Évidemment, l’incitant n’est pas que sportif. L’organisateur du Tour d’Italie, RCS Sport, est reconnu pour délivrer des chèques à certains leaders afin de les attirer ainsi que leur notoriété. Mais même si le cadeau financier est important pour le compte en banque, l’aura du maillot rose joue également dans la décision de “Pogi”, désireux de marquer de son empreinte les palmarès cyclistes, au-delà des maillots jaunes qu’il a remportés dès ses plus jeunes années professionnelles. Déjà vainqueur de Liège-Bastogne-Liège, du Tour de Lombardie (3 fois !) et du Tour des Flandres, le Slovène a un appétit toujours vorace et il le sait, même s’il n’a que 25 ans, ses meilleures années se comptent sur les doigts d’une main. Alors, autant se lancer dans un défi sportif particulièrement rude quand il est encore à son pic.
Le programme de Tadej Pogacar en 2024
- Strade Bianche (2 mars)
- Tirreno-Adriatico (du 4 au 10 mars)
- Milan-Sanremo (16 mars)
- Tour de Catalogne (du 18 au 24 mars)
- Liège-Bastogne-Liège (21 avril)
- Tour d’Italie (du 4 au 26 mai)
- Tour de France (du 29 juin au 21 juillet)
- Jeux olympiques à Paris (du 27 juillet au 3 août)
- Grand Prix de Québec (13 septembre)
- Grand Prix de Montréal (15 septembre)
- Championnats du monde sur route à Zürich (du 21 au 29 septembre)
- Tour de Lombardie (12 octobre)
L’an dernier, Pogacar, malgré son exceptionnelle saison, a été bousculé par un autre phénomène, le Danois Jonas Vingegaard. Sur le Tour de France, la claque subie sur le contre-la-montre de Combloux puis, le lendemain, sur le col de la Loze a eu raison de ses ambitions initiales. Face à la force de frappe de Jumbo-Visma, et surtout de son rival danois, le Slovène sait qu’il devra bénéficier d’un soutien plus important de son équipe et qu’il devra se reconcentrer sur certains pics de forme pour briller. Il ne sera plus question de se perdre lors des classiques : “Pogi” ne sera pas sur les Flandriennes et débutera sa saison dès le Strade Bianche, en mars, pour éviter la surchauffe d’emblée. Il ne participera ensuite qu’à Liège-Bastogne-Liège, en avril, avant de se rendre sur le Giro. Et aucune course ne sera non plus au programme d’ici au Tour de France, qui arrivera une semaine plus tôt en raison des Jeux olympiques auxquels il compte également prendre part. Cela signifiera 17 jours de course à peine avant le Giro, et 38 jours avant le Tour. Entre les stages, cela semble idéal pour se concentrer sur un objectif à la fois.
Concernant ses équipiers, l’équipe UAE Team Emirates a également décidé de mettre toutes les chances du côté de son patron. Sur le Giro, il bénéficiera des soutiens de Mikkel Bjerg, Felix Groβschartner, Jay Vine ou Rafal Majka, autant de sherpas qui ont démontré leur habilité à épauler leur leader par le passé. L’armada sera encore plus impressionnante sur le Tour de France avec quasiment trois leaders possibles pour le groupe émirati : Pogacar sera accompagné de João Almeida, troisième du dernier Tour d’Italie, de Juan Ayuso, meilleur jeune de la dernière Vuelta, d’Adam Yates, son double sur le dernier Tour de France, mais aussi de Marc Soler, Tim Wellens et les fraîchement arrivés Pavel Sivakov et Nils Politt.
L’équipe UAE Team Emirates pour le Tour d’Italie
- Tadej Pogacar 🇸🇮
- Mikkel Bjerg 🇩🇰
- Felix Groβschartner 🇦🇹
- Rafal Majka 🇵🇱
- Juan Sebastián Molano 🇨🇴
- Domen Novak 🇸🇮
- Rui Oliveira 🇵🇹
- Jay Vine 🇦🇺
L’équipe UAE Team Emirates pour le Tour de France
- Tadej Pogacar 🇸🇮
- João Almeida 🇵🇹
- Juan Ayuso 🇪🇸
- Nils Politt 🇩🇪
- Marc Soler 🇪🇸
- Pavel Sivakov 🇫🇷
- Tim Wellens 🇧🇪
- Adam Yates 🇬🇧
L’ambition est annoncée dès la révélation de ces compositions, avant même que Visma | Bike A Lease, le nouveau nom des “abeilles”, abatte ses cartes. Mais il ne faudrait pas résumer cette rivalité à un duel. Car autour de Pogacar et Vingegaard, Primoz Roglic reste un concurrent capable de malmener les autres spécialistes de Grands Tours. Son passage chez Bora-Hansgrohe change la donne et annonce un adversaire supplémentaire à surveiller sur le prochain Tour de France. L’équipe INEOS Grenadiers compte également remettre sur pied avec Tom Pidcock, Geraint Thomas, Egan Bernal et Carlos Rodriguez. Le retour de Nairo Quintana chez Movistar ajoute à la complexité de l’équation, tout comme les ambitions de Lidl-Trek, avec Tao Geoghegan Hart. Et il y aura un petit nouveau sur les routes de la Grande Boucle en 2024 : Remco Evenepoel, qui misera sa saison sur ce rendez-vous français. Autant d’adversaires qui se présenteront frontalement sur le chemin d’un éventuel doublé de “Pogi”.
2024 semble malgré tout une excellente année pour se lancer dans ce défi fou, toujours inaccessible depuis 1998 et le double sacre de Marco Pantani. Alberto Contador, Christopher Froome, Tom Dumoulin, Gilberto Simoni, Vincenzo Nibali ou encore Paolo Savoldelli s’y sont tous cassés les dents ces vingt dernières années, malgré des performances proches de la réussite du “Pirate”. Froome et Dumoulin ont été les plus convaincants dans cette double lutte aux maillots rose et jaune, mais il leur a toujours manqué de l’endurance ou ce brin de chance qui fait le champion. Tadej Pogacar sait très bien que tous ces paramètres incertains devront être à son bénéfice pour compléter ce doublé. Le challenge est en tout cas à la hauteur du talent de ce coureur hors normes, prêt à engloutir tout ce qui est sur son chemin. Cette fois, il semble prêt à accepter un appétit moins féroce pour se fixer à certains pics de forme. Une nécessité pour rêver. Le public, lui, se prépare déjà à un festin.