Annemiek van Vleuten n’est plus la plus forte, mais…
La campagne des classiques avait donné un avant-goût de la nouvelle tendance dans ce peloton féminin : contrairement à ces dernières saisons, la Néerlandaise Annemiek van Vleuten (Movistar) n’a plus la même forme lui permettant de filer en solitaire et d’effacer une à une ses adversaires dès que la pente se fait plus forte. À 40 ans, la championne du monde célèbre sa dernière saison, mais elle n’affiche plus la même domination. Car l’explosivité vient à manquer avec les années et sa maîtrise de l’effort en solitaire masque une endurance moins impressionnante sur les cols.
Mais Van Vleuten a fait parler son expérience sur cette Vuelta. Et ne nous méprenons pas : même si elle ne truste pas les premières places comme par le passé, elle reste l’une des plus costaudes dans les massifs, et elle bénéficie d’un soutien plus important de la part de l’équipe Movistar, renforcée depuis son arrivée. Et sur cette Vuelta, malgré un contre-la-montre par équipes inaugural plus difficile que les SD Worx ou Jumbo-Visma, l’équipe espagnole a parfaitement mené Van Vleuten sur la suite de l’épreuve.
Sur la troisième étape menée à plus de 45 km/h, face aux bordures, la championne du monde était elle-même aux avant-postes avec trois équipières pour creuser les écarts avec les Trek-Segafredo, piégées dans le vent. Sur la 5e étape, au sommet de Mirador de Peñas Llanas, elle était la dernière à suivre la puissante Demi Vollering, jusqu’aux 100 derniers mètres. Et le lendemain, elle provoquait la cassure avec sa rivale néerlandaise, en pleine pause sanitaire, pour aller récupérer le maillot rouge de leader avant la dernière étape vers les mythiques Lacs de Covadonga. Van Vleuten a donc parfaitement manoeuvré tactiquement et physiquement pour prendre le contrôle de ce Tour d’Espagne au féminin.
Il lui fallait bien cet avantage avant le dernier sommet de la Vuelta, pour assurer sa victoire finale. Car sur l’ultime ascension des Lacs de Covadonga, Van Vleuten a craqué face aux assauts répétés de Vollering. Près de 50 secondes lâchés en cinq kilomètres… « Je suis super fatiguée, heureuse et fière de mon équipe. À la fin, je pensais perdre la course car je sentais qu’elles avaient un peu plus que moi aujourd’hui, peut-être à cause des efforts de la veille. Je l’ai senti dans les jambes. Je n’ai pas connu mon meilleur jour sur une côte très raide et difficile. Mes rivales m’ont poussée à la limite, elles ont bien joué le coup », reconnaît Van Vleuten, reconnaissante envers ses équipières qui l’ont protégée jusqu’aux dix derniers kilomètres, où la course entre favorites était lancée. « Mais je n’ai jamais abandonné. J’ai continué à pousser jusqu’à la fin. Sur la ligne, j’ai vu les visages heureux de mon équipe, j’ai alors su que je l’avais fait. Mais je ne l’ai su qu’en franchissant la ligne », ajoute la championne du monde, qui ajoute une nouvelle Vuelta à son palmarès, au prix de l’expérience et de la roublardise dont il faut parfois faire preuve. Elle s’en souvient très bien, elle qui avait failli faire les frais d’une attaque en plein problème mécanique, lors de la dernière étape du Tour de France 2022, finalement remporté.
Van Vleuten va-t-elle désormais poursuivre sa quête d’un deuxième triplé consécutif en enchaînant le Giro Donne, fin juin, et le Tour de France Femmes, fin juillet ? La quadragénaire n’a pas encore donné de réponse quant à son programme. Mais elle prouve qu’elle sera toujours prête à jouer les premiers rôles, même si son moteur peut parfois s’enrayer.
Demi Vollering a encore à apprendre en tant que leader
La femme du printemps a bien failli poursuivre son parfait début de saison en Espagne. Déjà deuxième du Tour de France Femmes l’an dernier, Demi Vollering (SD Worx) était attendue comme la grande favorite de cette Vuelta féminine, vu son palmarès en 2023. Vainqueure du Strade Bianche, de l’Amstel Gold Race, de la Flèche Wallonne et de Liège-Bastogne-Liège, la Néerlandaise devait toutefois passer sans encombre cette semaine, avant de viser la montagne sur laquelle elle pouvait poser des problèmes à Annemiek van Vleuten, comme lors des dernières classiques ardennaises.
Le contre-la-montre par équipes s’est passé sans encombre. La 3e étape, dans les bordures, n’a pas été sans peine, mais a permis à Vollering de rester parmi les favorites de cette Vuelta. Avant de donner une première leçon à Van Vleuten sur le Mirador de Peñas Llanas, battue pour trois secondes. Vu sa puissance et son explosivité, Vollering semblait bien partie pour une première victoire sur un Grand Tour.
Mais la coureuse de 26 ans a été surprise le lendemain : lors d’une pause sanitaire, juste avant un passage favorable aux bordures et alors que son équipière Femke Markus était victime d’une crevaison, la leader de SD Worx a vu les Movistar prendre la tangente et lui mettre plus d’une minute…
« Elles ont tout fait pour me lâcher. C’est le sport. Je n’attends aucun cadeau, mais si tu veux faire ça comme ça… C’est une honte », estimait Demi Vollering à l’arrivée de cette étape durant laquelle Annemiek van Vleuten, deuxième, a récupéré le maillot rouge avec plus d’une minute d’avance sur sa compatriote. Certains évoquent en effet ces règles implicites selon lesquelles on ne peut attaquer la leader d’une course par étapes pendant une pause sanitaire ou un problème technique. Mais sur cette sixième étape, nombreux ont pointé le fait que l’endroit était connu comme favorable aux bordures, et qu’il s’agissait finalement d’une coïncidence, et même d’une erreur de la part de Vollering, à plus de 70 kilomètres de l’arrivée. L’expérience doit lui servir pour l’avenir : quand on est leader, chaque détail compte, que ce soit sur le parcours ou dans le timing.
« J’ai faim de revanche et j’espère remettre les choses à leur place demain », expliquait Vollering avant cette dernière étape. Et la Néerlandaise a prouvé qu’elle avait encore de l’énergie. Et était certainement la plus forte de cette Vuelta. La SD Worx a tenté de surprendre la Movistar en plaçant Marlen Reusser dans une attaque à plus de 30 kilomètres de l’arrivée. Un lancement idéal pour Vollering, si la Suissesse parvenait à anticiper la montée des Lacs de Covadonga. Mais les Movistar étaient attentives, et Reusser a été reprise juste avant le pied. Vollering a donc dû se débrouiller seule. Et elle a parfaitement mené son rôle, attaquant à près de dix bornes du but, avant d’accélérer et accélérer. Pour finalement lâcher Van Vleuten à près de quatre kilomètres du but et récupérer 56 secondes sur Van Vleuten. Insuffisant pour récupérer le maillot rouge : il a manqué neuf secondes à la Néerlandaise, au sprint jusqu’au sommet.
« Toute l’équipe s’est brillamment battue car on avait quelque chose à rattraper par rapport à hier. Je suis très heureuse d’avoir pu gagner. Deux victoires d’étape, c’est chouette, et j’étais proche au classement général. Je pense que j’aurais pu aussi gagner le général si la situation avait été différente hier. Mais aujourd’hui, j’ai montré de quoi j’étais capable », confirme Vollering, qui a pris encore une nouvelle dimension avec ce succès sur la dernière étape et cette deuxième place au général, bien plus proche de Van Vleuten que lors du dernier Tour de France Femmes.
Marianne Vos continue d’accumuler les records
La victoire avec son équipe Jumbo-Visma dès le contre-la-montre par équipes inaugural, deux succès individuels au sprint, le maillot vert du classement par points : la Néerlandaise Marianne Vos a encore une fois marqué de son empreinte cette Vuelta Femenina. L’ex-championne du monde a enfin obtenu une victoire d’étape sur les trois Grands Tours féminins, et elle a surtout réussi à franchir le cap des 250 victoires UCI depuis le début de sa carrière ! Un record, tout simplement, pour celle que rien ne semble arrêter…
À 35 ans, Vos s’est aussi mué en équipière tout au long de la semaine pour épauler la championne des Pays-Bas Riejanne Markus (28 ans), longtemps troisième du général avant de terminer quatrième au final. Vos prend donc toujours du plaisir, et a encore quelques objectifs en vue : Paris-Roubaix, un nouveau championnat du monde…
Gaia Realini, la nouvelle grimpeuse star ?
Déjà connue pour ses qualités en haute montagne chez les espoirs, l’Italienne Gaia Realini continue de prendre de l’ampleur au sein de l’équipe Trek-Segafredo. À seulement 21 ans, la coureuse des Abruzzes confirme qu’elle sera la spécialiste des courses par étapes à suivre ces prochaines saisons. Deuxième de l’UAE Tour, pour sa première course de la saison, troisième de la Flèche Wallonne, septième de Liège-Bastogne-Liège, la grimpeuse italienne s’offre en prime une troisième place sur la Vuelta Femenina, au prix d’un sacré effort sur les deux dernières étapes de montagne. Hors du podium en raison d’une cassure dans les bordures de la troisième étape, elle a récupéré près de trois minutes sur ses principales adversaires sur les sixième et septième étapes. Avec, en outre, une victoire de prestige, au millimètre, face à Annemiek van Vleuten, à Laredo.
« Si je regarde en arrière, à cette troisième étape durant laquelle j’ai perdu tant de temps dans le vent, mes espoirs d’une bonne place au classement général, qui était mon objectif, étaient quasiment évaporés. Finalement finir sur le podium est incroyable », se réjouit Gaia Realini, propulsée leader unique de l’équipe après les problèmes à l’estomac d’Elisa Longo Borghini, avant le départ de la Vuelta. « Nous savions après la déception de cette troisième étape que nous étions prêtes à poursuivre la bagarre. En tant qu’équipe, nous n’avons jamais cessé de croire en nos ambitions et notre force ». Une force collective, certes, mais ses performances avec Van Vleuten et Vollering lors de ce week-end final ont marqué les esprits et confirment son futur statut de leader.
Les résultats
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Correction, le lundi 8 mai à 10h15 : une première version faisait état d’un test positif au Covid-19 pour Elisa Longo Borghini. L’Italienne a déclaré forfait pour un problème à l’estomac, et non pas en raison du Covid-19.