Après un hiver 2020-2021 perturbé par le Covid-19 et une saison 2021-2022 sans Mathieu Van der Poel, rapidement hors des labourés en raison d’une mauvaise chute et d’un dos récalcitrant, cet hiver était attendu par tous les fans de cyclo-cross comme celui qui allait enfin réunir les plus grands talents de la discipline. Le champion du monde Tom Pidcock, prêt à défendre son maillot arc-en-ciel ; le champion de Belgique Wout van Aert, toujours désireux de prendre du plaisir dans la boue et de récupérer un nouveau titre mondial ; le Néerlandais Mathieu Van der Poel, revanchard par rapport à ce dernier hiver manqué : les trois grands noms qui remplissent les champs, qui amènent le public, qui garantissent le spectacle. Même si hors des manches de Coupe du monde, il faut débourser entre 8 000 euros et 20 000 euros (selon les estimations de Het Laatste Nieuws) pour les inscrire sur la liste des partants, la présence de ces trois hommes fait la différence pour la billetterie et pour le prestige.
Alors, cette année, découvrir que Pidcock, Van Aert et Van der Poel allaient se bagarrer au moins à sept reprises entre fin décembre et fin janvier ne pouvait que réjouir les supporters et supportrices de cette discipline. Non pas parce que ces trois noms résonnent par leur présence dans les médias et leur aura. Mais parce qu’ils apportent une véritable plus-value sportive à ces courses. Ceux qui voient le verre à moitié vide pourraient estimer que c’est aussi la garantie d’une course cadenassée, à trois. Et on ne peut pas totalement leur donner tort en suivant les scenarii des cyclo-cross de Mol, Gavere et Diegem. Mais leur lutte pour la victoire offre un spectacle rare dans le cyclo-cross moderne, avec des rebondissements à chaque virage : la moindre faute technique est épiée, la moindre glissade peut mener à un retournement de situation, le moindre regard fuyant peut mener à une offensive surprise. Les « trois grands », comme on dit dans le nord de la Belgique, sont à un niveau quasiment équivalent, et surtout un tempérament offensif qui permet ces courses d’un autre temps.
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« Ce ne peut pas être sain »
« Ce ne peut pas être sain », rigolait Wout van Aert ce mercredi soir, le souffle encore haletant, après sa victoire sur le Superprestige de Diegem. Une course dont il avoue lui-même avoir eu le sentiment de la perdre dès la mi-course : « J’avais abandonné et je pensais que Mathieu était parti pour voler jusqu’à la victoire. Puis, j’ai vu que Mathieu était encore en vue. C’était alors une nouvelle course et j’ai commencé à encore y croire ». Cette force mentale lui a également permis de lancer lui-même l’offensive à deux tours de la fin. Avant de rester dans la roue d’un Tom Pidcock toujours bien en place dans ce final de costauds. « Dans les deux derniers tours, j’étais juste mort. C’était une victoire au caractère. J’ai quand même réussi à faire le switch, malgré le fait que j’avais perdu confiance durant un moment », se réjouit Van Aert, déjà vainqueur la veille à Zolder d’une course hyper-rapide et d’un duel de puncheurs avec Mathieu Van der Poel.
Tom Pidcock n’avait pas de regrets au terme de cette course épique, conclue par un dépassement dans un trou de souris de Wout van Aert avant le dernier passage sur les escaliers du parc de Diegem. « Je pensais que j’allais pouvoir être le premier sur ces escaliers au moment où je l’ai dépassé la dernière fois. Puis, il a encore réussi à me déborder. Je savais alors que je n’allais pas pouvoir le reprendre », explique, lucide, le Britannique de 23 ans. « Honnêtement, c’était certainement la course la plus facile de ces trois dernières. Sur la longue montée vers le bac à sable, on avait le vent de face et on avait un léger moment de pause, par exemple. Mais c’était une belle course ».
« Ce lourd programme est le même pour tout le monde »
Sept fois vainqueur consécutif à Diegem (depuis les catégories d’âge jusqu’au niveau pro), Mathieu Van der Poel a donc dû céder sa couronne, se contentant d’une troisième place après une victoire de prestige à Gavere au bout d’une course tout aussi impressionnante face à Van Aert et Pidcock, et une deuxième place à Heusden-Zolder. « Je n’avais pas les jambes pour gagner », se désole simplement le Néerlandais. « Sur la longue côte, avec le vent de face, je sentais que je n’étais pas bien. Mais tu essayes toujours de courir pour gagner. Je n’avais juste pas les jambes sur la fin. Et ce lourd programme est le même pour tout le monde. C’est dommage », ajoute Van der Poel, désormais concentré sur le prochain match face à ses rivaux du moment, ce vendredi à Loenhout.
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Ces déclarations sont la confirmation que ces trois champions ne prennent pas le cyclo-cross comme une simple préparation pour leur prochaine saison sur route sur lesquels ils aspirent également à de grands objectifs (Milan-Sanremo, Tour des Flandres, Paris-Roubaix, Tour de France…). Ces cyclo-cross sont l’occasion, justement, de construire une base solide avec des courses de haute intensité. Quitte à prendre de plus longues périodes de repos par la suite, ou de mieux sélectionner les prochaines courses sur route. À l’image de Wout van Aert qui ne reprendra qu’au Strade Bianche et évitera deux mois de compétition entre Paris-Roubaix et le Tour de Suisse. Pidcock a également décidé de mieux cibler, surtout vu sa décision d’enchaîner le cyclo-cross et la route avec le VTT. Des programmes sur mesure qui leur permettent de jouer le plus souvent les premiers rôles sur tant de terrains différents. Une bénédiction pour les amateurs et amatrices de la Petite Reine.
La grande forme de ces trois champions, couplée à des courses féminines toujours plus haletantes (en attestent les victoires de Shirin van Anrooij à Gavere, Ceylin del Carmen Alvarado à Zolder et Puck Pieterse à Diegem, soit trois succès différents en trois jours), offrent au cyclo-cross une vitrine exceptionnelle de ce que ce sport intense peut apporter au cyclisme au général. La discipline a besoin de ces porte-paroles pour grandir. Et ça tombe bien : Van Aert, Van der Poel et Pidcock sont prêts à enchaîner les courses tant que le plaisir reste et que la formule sportive fonctionne.