Le contrôle d’une course cycliste professionnelle ne s’improvise pas. Pour s’assurer qu’aucune attaque dangereuse ne vienne perturber les plans visant à faire gagner l’équipe, il faut un collectif solidaire, costaud et tactiquement irréprochable. L’analyse est simple au premier abord, mais sur le circuit sinueux et étroit de ces championnats d’Europe, aux abords du VAM-berg, il semblait difficile d’envisager pareille maîtrise. Cela s’était d’ailleurs confirmé sur les précédentes courses destinées aux espoirs ou aux juniors, certes connues comme plus débridées. Mais sur cette épreuve dédiée aux élites femmes, les Pays-Bas comptaient bien faire preuve d’une entraide sans faille pour garder le peloton sous surveillance et s’assurer qu’une coureuse de la sélection s’impose à domicile, ce samedi.
Au bout d’un quart d’heure d’attente en raison d’un amateurisme étonnant de la part de l’organisation, le départ officiel annonçait la couleur : les coureuses en orange menaient grand train à l’avant, espérant profiter du souffle d’Éole pour briser le peloton en mille morceaux. « Nous avions un super-beau plan avec deux leaders très fortes, pour lesquelles nous devions rouler. Nous n’avions pas l’intention d’attaquer nous-mêmes », expliquait ainsi Mischa Bredewold à Wielerflits après l’épreuve, confirmant l’intention de protéger Demi Vollering et Lorena Wiebes, les deux stars de la sélection. Du moins de toujours les porter en tête, pour éviter les mauvaises surprises. Car si la tentative de bordure échouait, la sélection néerlandaise restait toujours attentive et s’alliait même un temps avec les Italiennes pour conserver un peloton groupé à l’approche et lors des cinq tours locaux autour du col du VAM, ce monticule de terre et de déchets désignant l’arrivée de ce championnat d’Europe.
La supériorité numérique des « Oranje »
Après un quatrième et avant-dernier passage sur la ligne permettant aux favorites annoncées, les meilleures sprinteuses et puncheuses du moment, de construire le peloton de tête – sans Elisa Balsamo, victime d’une chute dans la descente suivant l’arrivée -, les Néerlandaises profitaient encore une fois de leur supériorité numérique. Si seuls l’Italie, le Danemark et la Suisse bénéficiaient de deux coureuses à l’avant, les Pays-Bas étaient à quatre. Une pléthore de candidates au titre européen et une situation idéale pour attaquer, tant et plus. C’est ainsi qu’à neuf kilomètres de l’arrivée, la Néerlandaise Mischa Bredewold lançait une banderille qu’aucune concurrente n’osait suivre. Mieux (pour le groupe « oranje ») : aucune poursuite réelle ne s’enclenchait, laissant la coureuse de 23 ans, récente vainqueure du GP de Plouay féminin, avec plus d’une vingtaine de secondes d’avance. Un gain limité vu la double ascension du VAM-berg dans les 1500 derniers mètres, mais suffisant quand on est l’une des promesses du cyclisme néerlandais sur les courses d’un jour.
« Quand j’ai entendu que l’écart était en train de redescendre, j’ai pensé que j’allais être reprise. Sur la première partie du VAM-berg, je me suis demandé : ‘Mais put***, elles sont où maintenant ?’ J’ai alors joué à tout ou rien », a confié Bredewold après la course. La coureuse de la SD Worx s’est retrouvé au bon endroit, au bon moment, et ne s’attendait pas à bénéficier d’une telle opportunité. Mais avec le groupe néerlandais aussi soudé, prêt à bondir sur le moindre contre, la chance devenait réelle. Finalement, les équipières de Bredewold se mettaient en route à l’approche du dernier kilomètre pour reprendre la Danoise Emma Norsgaard, en chasse-patate, avant de préparer un éventuel sprint, sans forcer. Mais avec une dizaine de secondes au pied de la dernière ascension de près de 400 mètres, la leader comptait encore un avantage d’une petite dizaine de secondes.
Neuf mois chez SD Worx pour un premier titre
« Quand je suis arrivée sur la deuxième partie de l’ascension finale, je ne les voyais toujours pas. J’ai alors pensé : ‘Maintenant, il faut que je sprinte à fond jusqu’au sommet’. À mi-chemin, j’entendais des gens me crier que c’était dans la poche », a avoué la Néerlandaise, vainqueure pour quelques secondes de son premier titre majeur. La voici championne d’Europe à 23 ans, elle qui a déjà remporté sa première classique WorldTour, voici trois semaines, à Plouay. Un nouveau talent néerlandais, en prime sous le maillot SD Worx. Elle pouvait par ailleurs savourer ce titre avec la deuxième, Lorena Wiebes, vainqueure du sprint entre favorites face à la championne du monde belge Lotte Kopecky, qui avait lancé le sprint final dès le pied de la dernière côte. Cela n’a toutefois pas suffi pour triompher de ce collectif néerlandais. La SD Worx pourra elle profiter de ce nouveau triplé sur un championnat.
Bredewold l’a encore répété : ce n’était pas le plan de gagner ce samedi. « Cela va bien plus vite que ce que j’attendais », a-t-elle ajouté au micro de Wielerflits à propos de son évolution, seulement neuf mois après son passage de l’équipe formatrice Parkhotel Valkenburg au mastodonte du WorldTour, SD Worx. « Je trouvais déjà ce transfert excitant, j’avais peur de me noyer à ce niveau, mais cela n’est finalement pas arrivé », s’est-elle réjoui. Elle devient ainsi la septième Néerlandaise (en huit éditions !) à s’offrir le titre européen chez les élites femmes. Et même si la surprise était grande pour la nouvelle championne continentale, ce succès n’a rien d’un hasard vu le collectif batave présent samedi.
Un groupe belge soudé pour Kopecky
Lotte Kopecky, pour sa part, a reconnu « un sentiment un peu mitigé » au micro de la VRT. « Un podium est toujours beau. Et quand Bredewold est partie, je n’avais pas beaucoup d’options si ce n’est de rester dans les roues. Ou alors je roulais à fond pour la deuxième place, ou alors je ne faisais rien. C’était un pari. Finalement, je suis rattrapée sur la ligne par Wiebes », a-t-elle analysé. Kopecky a encore salué l’équipe belge, moins expérimentée qu’aux Mondiaux, rappelant que ses compatriotes avaient fait « le maximum possible ». Encore une fois, le groupe a appris auprès de la championne du monde, une expérience importante en vue des prochaines échéances, en 2024, que ce soit sur les championnats d’Europe, du monde mais aussi et surtout, sur les Jeux Olympiques de Paris.
Les résultats de la course des élites femmes des championnats d’Europe de cyclisme sur route en Drenthe :
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