L’hymne slovène a de nouveau résonné ce dimanche sur la Cité Ardente. Cette fois, aucun drame à l’arrivée : la victoire a été disputée à la pédale, dans un sprint à cinq toutefois incertain. Alors que des coureurs intrinsèquement rapides s’annonçaient dans les 250 derniers mètres, Tadej Pogacar (UAE Team Emirates) a fait parler sa puissance depuis la dernière place pour s’offrir la première classique de sa carrière, devant le champion du monde Julian Alaphilippe (Deceuninck-Quick Step), une nouvelle fois privé de Doyenne par un Slovène.
«Je suis sans mot, j’adore cette course», lâchait derrière son masque Tadej Pogacar avant de monter sur le podium pour profiter de l’hymne slovène, joué pour la deuxième fois en six mois sur le Quai des Ardennes. Le coureur slovène de 22 ans est devenu sur Liège-Bastogne-Liège le premier vainqueur sortant du Tour à s’imposer sur un monument depuis Bernard Hinault en 1980. Il est également le plus jeune vainqueur de la Doyenne des classiques depuis… Bernard Hinault (21 ans), en 1977. «Je vis un nouveau rêve cycliste», admet encore celui qui enchaîne les performances de choix depuis son maillot jaune.
INEOS Grenadiers frappe partout
Sur le plan physique, Pogacar était bien l’un des coureurs les plus forts du peloton ce dimanche. Car face à un vent du nord qui devait normalement annihiler les offensives en direction de Liège, la dernière classique du printemps a pris un tournant offensif assez rapidement. Dès la côte de la Haute-Levée, les attaques en tête du peloton ont été nombreuses, de Philippe Gilbert (Lotto-Soudal) à Rémy Rochas (Cofidis) en passant par Krists Neilands (Israel Start-up Nation), parmi les plus actifs. Les offensives marquantes émanaient avant tout des hommes en noir d’INEOS Grenadiers, décidés à faire parler leur collectif. Dans la côte de la Redoute, cette ascension que tous les favoris souhaitent avant tout gérer, sans autre accélération, Tao Geoghegan Hart lâchait les chevaux. De même dans la côte des Forges, avec Adam Yates en principal relais. Puis dans la descente vers la Roche-aux-Faucons, avec Richard Carapaz, toutefois disqualifié après coup en raison d’une position interdite sur son vélo.
Être parmi les plus actifs n’est toutefois pas toujours gage de succès. Car dans la côte de la Roche-aux-Faucons, là où la décision s’est faite entre les favoris, plus aucun INEOS Grenadiers ne parvenait à suivre le rythme. Tous ces efforts consentis dans les 80 derniers kilomètres ont eu raison d’une équipe orpheline de Tom Pidcock, qui en prime ne protégeait aucun véritable leader. Michal Kwiatkowski était bien présent en deuxième rideau, mais ses offensives précédentes ont visiblement pesé. Alors qu’en tête, le champion du monde Julian Alaphilippe (Deceuninck-Quick Step), qui n’avait pas paniqué à la sortie de la Redoute grâce à une bonne protection du Wolfpack, le Canadien Michael Woods (Israel Start-up Nation), toujours protégé par Neilands dans le final, le Slovène Tadej Pogacar (UAE Team Emirates), en première partie du peloton avec Davide Formolo et Marc Hirschi, l’Espagnol Alejandro Valverde (Movistar), toujours dans la discrétion, et le Français David Gaudu (Groupama-FDJ), également protégé par Valentin Madouas dans les côtes les plus raides du final.
La décision sur la Roche-aux-Faucons
«Cela a monté très vite dans la Roche-aux-Faucons. J’ai mis all-in dans les dernières pentes. Je savais que ça passait que ça cassait», explique ainsi David Gaudu, tout proche de lâcher l’élastique lancé par Woods. Il n’y avait qu’une cartouche à mettre dans le final, et les cinq hommes de tête cités plus haut l’ont confirmé dans la Roche, où personne ne parvenait à faire la différence malgré un faux-plat montant avec vent de face qui faisait sacrément mal aux pattes. «Cela a été très difficile quand la sélection s’est faite dans la Roche-aux-Faucons. Mais ensuite, tout le monde a bien collaboré jusqu’à deux kilomètres de l’arrivée», signale Alaphilippe, de retour dans cette position de favori avec le vétéran du groupe, Alejandro Valverde, toujours dans la retenue dès qu’il devait prendre un relais pour éviter le retour du groupe de Primoz Roglic (Jumbo-Visma), trop juste dans la Roche-aux-Faucons.
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«J’ai essayé de sauter quelques relais vu que j’étais le moins rapide des cinq dans le groupe», rapporte pour sa part David Gaudu, qui tentait encore une offensive rapidement annihilée avant la flamme rouge. De même pour Woods, trop juste pour faire la différence. La dernière ligne droite sur le quai des Ardennes allait une nouvelle fois décider de la victoire, comme six mois auparavant. «Je savais qu’Alaphilippe allait tenter un sprint long, donc je me suis mis dans sa roue», explique Tadej Pogacar. «Personnellement, je ne me suis pas focalisé sur Valverde, juste sur mon sprint. Je n’avais pas envie de partir seul ou de faire un coup de bluff en laissant un coureur sortir. J’étais bien placé en quatrième position, mais Pogacar a pris de l’élan et a pu me dépasser», poursuit Alaphilippe. «Pogacar était malin et a bien lancé de derrière. Je n’ai pas de regret à avoir. Bravo à lui».
Pogacar : «Bien lancé derrière Julian»
Tadej Pogacar, dans un jump qui lui avait déjà permis de faire la différence sur deux étapes du Tour de France l’an dernier, s’offre ainsi sur Liège-Bastogne-Liège la première course d’un jour de sa jeune carrière professionnelle. Et quelle course ! «J’avais la puissance dans le final, et j’étais bien lancé derrière Julian pour le déborder. Après, j’étais un peu chanceux d’avoir encore assez de vitesse dans le final, car quelques mètres plus loin, j’aurais été trop juste», confie le Slovène, leader de l’équipe qui apparaissait comme la plus solide au final, avec Marc Hirschi et Davide Formolo dans le Top 20 pour compléter le succès collectif. «L’équipe a été à 100% aujourd’hui. J’étais super fier de nous voir à trois dans le final. Nous devenons l’une des meilleures équipes du peloton», continue Pogacar.
Le Slovène de 22 ans confirme en tout cas son talent tout-terrain, lui qui a déjà débuté l’année avec des victoires sur l’UAE Tour et Tirreno-Adriatico, une deuxième place sur le Tour du Pays Basque et une septième place sur le Strade Bianche. Et le voici vainqueur d’un monument, face à des spécialistes des classiques et des coureurs de Grands Tours. Le gratin, tout simplement. «Aujourd’hui, en tête, il n’y avait que des grands noms. Je suis reconnaissance de recevoir autant de compliments de leur part. C’est top de conclure comme cela», sourit encore Pogacar, toujours timide derrière son masque, malgré la joie d’une victoire rondement menée.
Alaphilippe : «Derrière le vainqueur du Tour, c’est pas mal»
Sur le podium, Julian Alaphilippe semble déjà songer à la suite. «Je préfère évidemment gagner, mais j’ai déjà obtenu une belle victoire sur la Flèche Wallonne. J’ai essayé de l’emporter ce dimanche, mais Tadej était plus fort. Terminer sur le podium de Liège-Bastogne-Liège derrière le vainqueur du Tour, cela reste pas mal», confirme le champion du monde. Son compatriote David Gaudu est pour sa part heureux de sa troisième place. « J’étais venu pour améliorer ma sixième place obtenue en 2019, et j’avais vu que les jambes répondaient bien sur la Flèche Wallonne. Finalement, faire un podium derrière Pogacar et Alaphilippe, c’est que du bonheur ! », décrit le Français. «J’ai commencé à avoir des crampes quand j’ai vu que j’allais faire podium. Cela me fait plaisir, car c’est la plus belle classique du calendrier. On espère revenir pour la gagne dans quelques années», annonce déjà Gaudu.
Benoot : «Mon meilleur jour depuis Paris-Nice»
Du côté belge, si les coureurs locaux ont mené une course offensive à souhait, à l’image de l’échappée de plus de 230 kilomètres de Loïc Vliegen (Intermarché-Wanty-Gobert) interrompue par des crampes dans la côte des Forges, la seule éclaircie dans le final est venue de Tiesj Benoot (Team DSM), septième, juste derrière les grands favoris. «Je suis très heureux de ce résultat», décrit le coureur belge. «Après Paris-Nice, je suis tombé malade. Mais de semaine en semaine, cela allait mieux, et aujourd’hui, j’ai connu ma meilleure journée depuis Paris-Nice. (…) Je pensais parvenir à basculer avec la tête sur la Roche-aux_Faucons mais mes jambes ont explosé à 200 mètres du sommet. Ensuite, on est quasiment revenu dans le dernier kilomètre, je les voyais en ligne de mire sur la ligne droite finale, mais c’était compliqué avec les autres coureurs», rapporte Benoot.
Vliegen : «Une belle journée jusqu’aux crampes»
Loïc Vliegen, de son côté, a tenu tête au peloton jusqu’à la côte des Forges, après une nouvelle échappée matinale de plus de 230 kilomètres, une semaine après un autre raid en solitaire sur l’Amstel Gold Race. «Je n’étais pas en top condition, comme je l’ai dit depuis quelques semaines, en raison de mes allergies. Donc partir en tête dans une échappée était ma meilleure option. J’ai connu une belle journée jusqu’aux crampes. J’ai tout de même réussi à aider Quinten Hermans avant la Roche-aux-Faucons, pour un dernier jump. Mais l’an prochain, je compte revenir avec d’autres objectifs», précise le Hervien.
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Son leader annoncé, Quinten Hermans, a pour sa part terminé 34e : «J’ai bien mal aux jambes. J’ai dû faire un gros effort dans la Redoute et ensuite, j’étais vidé. Les courtes montées de la Flèche Wallonne me conviennent mieux», analyse le cyclo-crossman qui va désormais prendre une pause en vue du Tour d’Italie, son premier Grand Tour.
Résultats de la 107e édition masculine de Liège-Bastogne-Liège (Liège > Liège, 259.1 km) :
- Tadej Pogacar (Slo, UAE Team Emirates) en 6h39:26
- Julian Alaphilippe (Fra, Deceuninck-Quick Step)
- David Gaudu (Fra, Groupama-FDJ)
- Alejandro Valverde (Esp, Movistar Team)
- Michael Woods (Can, Israel Start-up Nation)
- Marc Hirschi (Sui, UAE Team Emirates) à 0:07
- Tiesj Benoot (Bel, Team DSM)
- Bauke Mollema (P-B, Trek-Segafredo)
- Maximilian Schachmann (All, Bora-Hansgrohe) à 0:09
- Matej Mohoric (Slo, Bahrain Victorious)
► Les résultats complets de Liège-Bastogne-Liège Hommes
Photo : ASO
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