Désormais remis de sa lourde blessure au genou gauche qui l’a handicapé depuis la première étape du Tour de France, Philippe Gilbert (Lotto-Soudal) se veut prudent quant à la saison 2021. Pas forcément quant à son état de santé, mais plutôt suite à la crise sanitaire du Covid-19 qui risque de perturber la saison cycliste à venir.
En visioconférence depuis l’Espagne, dans l’une des trois bulles mises en place par l’équipe Lotto-Soudal pour assurer la santé de tous les coureurs en ces périodes de crise sanitaire, Philippe Gilbert est apparu avec un large sourire pour démarrer cette saison 2021. Le Remoucastrien, qui va entamer sa 19e saison professionnelle, se veut rassurant quant à son état physique. Son genou gauche, à nouveau fracturé suite à une chute sur le sol niçois lors de la première du Tour de France 2020, va mieux.
« J’ai fait beaucoup de travail ces dernières semaines pour que mon genou aille mieux. Je pédale quasiment sans douleur, c’est un pas important », indique-t-il d’emblée. Il reste toutefois prudent sur sa condition : « C’est compliqué de savoir où j’en suis, parce que j’ai souvent dû m’entraîner seul avec la crise sanitaire. C’est seulement la première fois que je roule avec un groupe conséquent et que je peux me comparer avec mes équipiers. Je vais encore prendre les premières courses tranquillement pour l’instant ».
« J’ai quasiment redémarré de zéro »
Car ce genou qui l’a contraint à mettre fin à sa saison dès fin septembre, restait une source de préoccupations à l’automne. « C’était bien pire que ce que je pensais, j’ai eu beaucoup de problèmes avec mon genou et même toute ma jambe, parce que j’ai perdu beaucoup de force », explique-t-il. « J’ai quasiment redémarré de zéro, c’est la première fois depuis longtemps que j’étais à ce point-là. J’avais le niveau d’un gars qui commençait le vélo lors de ma première semaine de reprise. C’est pour cela que je ne sais pas encore jauger ce que je vaux actuellement. Encore deux à trois semaines, et je pourrai enfin retrouver le rythme des courses et de la vitesse ».
Il rassure cependant : il n’est pas question d’une rechute concernant cette mauvaise blessure qui l’a malmené depuis août. « Tout est OK avec mon genou désormais, cela n’a rien à voir avec ce que j’ai connu à mon retour au Tour du Luxembourg », ajoute-t-il. « La blessure était plus complexe que la première fracture (NDLR : après sa chute sur la 16e étape du Tour de France 2018), c’était un deuxième choc sur le même os. C’était donc plus difficile. Maintenant, je peux rouler normalement, sans trop de douleur. »
Nieuwsblad et Paris-Nice au programme
Philippe Gilbert entamera sa saison 2021 sur le Grand Prix La Marseillaise, qui doit normalement ouvrir la saison cycliste française le 31 janvier, avant des participations programmées à l’Étoile de Bessèges et au Tour de Provence. En tout cas, le coureur belge l’espère. « Tant que je n’aurai pas accroché un dossard, je ne serai pas sûr que la course puisse se tenir. Mais j’espère évidemment que ces épreuves pourront se dérouler. Ensuite, je serai sur le Circuit Het Nieuwsblad et Paris-Nice. J’espère désormais reprendre un chemin traditionnel par rapport aux années précédentes pour cette saison 2021 », confie-t-il.
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Surtout, le Remoucastrien espère ne pas revenir la même saison qu’en 2020, que ce soit personnellement ou pour le cyclisme en général. « Cette année 2020 a vraiment été une année de malheur, mais c’est mieux d’avoir toute cette malchance durant une année comme cela, avec la crise du coronavirus », analyse-t-il. « C’est de toute façon très difficile pour tout le monde, certains payent le prix fort. On doit tous apprendre à vivre avec ce virus. On le voit aujourd’hui avec ce type de conférence de presse virtuelle. On s’adapte tous à la situation. Mais c’est la même chose pour tous les métiers, on doit faire comme si tout allait bien et essayer de garder l’esprit dégagé. On doit avant tout rester concentré sur son objectif d’être au top pour le jour de la course ». Surtout, les fans ne peuvent plus applaudir leurs stars, et cela commence à se faire ressentir dans le peloton : « On manque tous le contact, le contact avec les supporters, ce sentiment avec le public sur le bord des routes. C’est un sport différent, mais on doit s’adapter, et on espère que tout cela sera derrière nous prochainement ».
« Milan-Sanremo reste un rêve »
En cette nouvelle saison, la question revient évidemment sur la table : Philippe Gilbert va-t-il à nouveau miser son début de saison sur Milan-Sanremo, le seul monument qui manque à son palmarès déjà bien rempli ? « Milan-Sanremo reste un rêve », répète-t-il. Avant d’indiquer toutefois : « Je ne sais pas si ce sera possible cette année. Mais cela reste ma motivation. Si j’ai fait tous ces sacrifices, c’est aussi pour revenir à temps pour cela. C’est ce qui me donne envie de m’entraîner et de retrouver mes forces. Je sais que si je peux gagner ça, cela va également changer ma carrière et mon palmarès. C’est très important ». Donc, si la Classicissima se dispute bien le 20 mars prochain, jour de la Saint-Joseph, Philippe Gilbert sera prêt à dégainer à destination de Sanremo, quelle que soit sa condition.
Quant à la suite de la saison, Gilbert reste encore évasif : « Je ne suis pas sûr de prendre part à Paris-Roubaix, je vais voir quelles courses je vais pouvoir disputer et comment mon genou va se comporter. Je veux d’abord courir à nouveau, être dans la finale des courses avec les autres, et jouer la victoire. Je penserai alors plus à mes prochains objectifs, mais pour l’instant, je reste encore très prudent concernant ceux-ci », dit-il clairement.
Même s’il sait qu’il y aura en 2021 des rendez-vous très importants, comme les Jeux Olympiques. « Je n’ai pas vraiment pensé aux Jeux olympiques, ou au Tour de France. J’aime bien prendre les choses une à une », répond-il concernant Tokyo. « Avec cinq places seulement, ce sera difficile de faire une sélection, car on ne peut pas envoyer que des leaders. Quand vous voyez Van Aert et Evenepoel, vous savez que ces deux-là doivent y aller. J’emmènerais trois équipiers si j’étais le sélectionneur ». Et pourrait-il être l’un de ces équipiers ? « Bien sûr ! »
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« Une chance d’être encore pro pour les Mondiaux en Belgique »
Moins de deux mois plus tard, se dérouleront, du côté de Louvain, les championnats du monde de cyclisme sur route. Et ce retour en Belgique permet évidemment à Gilbert de rêver à nouveau de l’arc-en-ciel, déjà remporté en 2012 à Valkenburg, non loin de la frontière belgo-néerlandaise. « Le championnat du monde sera difficile. Il y aura tout le temps des côtes, un mix de la Flèche Brabançonne et de l’Amstel Gold Race, avec également beaucoup de virages », analyse Gilbert. « C’est une grande chance évidemment d’avoir un championnat du monde en Belgique. Et encore être professionnel pour vivre cela, c’est également une chance. Je pense que la Belgique va partir avec le rôle de favori pour gagner, que ce soit avec moi ou avec un autre coureur, ça on verra ».
Souvent présent en tant que représentant des coureurs lors des réunions de l’Union Cycliste Internationale pour défendre la position du peloton sur les questions concernant la vie et la sécurité des cyclistes, Philippe Gilbert est revenu sur son récent coup de gueule concernant l’absence de nombreux coureurs lors des dernières discussions autour des améliorations à mener pour le cyclisme sur route. « J’étais très heureux de voir lors d’une réunion, près de 60 coureurs qui semblaient enfin contents et solidaires de discuter et débattre autour de cette problématique. Cela a duré une heure et c’était chouette. Mais à la réunion suivante, on n’était plus que deux avec Matteo (Trentin). Bon, ce n’est jamais facile de changer les choses, mais j’ai l’impression que toutes les parties du cyclisme veulent avancer. Les coureurs, les équipes, les organisateurs, l’UCI, même les médias… Tout le monde est sur la même page, désormais on doit juste faire que les choses s’améliorent », estime tout de même le vétéran de Lotto-Soudal.
Un nouveau syndicat dans le peloton
Il se réjouit également de l’arrivée du syndicat The Riders Union, créé face au seul syndicat existant jusqu’ici, le CPA (Cyclistes Professionnels Associés) : « C’est bien qu’un nouveau syndicat arrive désormais car cela donne plus de possibilités aux coureurs d’être représenté et entendu. Avec plus de 1000 coureurs professionnels aujourd’hui, il y a de la place pour deux ou trois syndicats, comme dans différents métiers. Je n’y vois aucun problème personnellement ».
Philippe Gilbert s’engage donc vers 2021 avec prudence, mais conserve sa dose habituelle de confiance qui peut lui permettre d’encore réaliser de grands résultats pour sa 19e saison professionnelle. Avec également une vue sur les jeunes recrues de Lotto-Soudal : « Personnellement, je serai toujours là pour conseiller les plus jeunes. Si les coureurs sont en demande d’expérience, je le partagerai volontiers ». Pour gagner et transmettre.
Photo : ASO/Fabien Boukla
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