Championnats du monde à Imola – Course hommes : Alaphilippe, un arc-en-ciel à l’ardennaise, devant Van Aert

Le Français Julian Alaphilippe devient champion du monde en solitaire sur le circuit d’Imola face à Wout van Aert, encore une fois en argent.

Les yeux vers le ciel, les bras en croix, les couleurs bleu-blanc-rouge bombées sur le torse : Julian Alaphilippe a pu profiter ce dimanche de son plus beau trophée. En solitaire, le Français a écrasé toute la concurrence sur le circuit d’Imola, grâce à une offensive cinglante sur la Cima Gallisterna, à onze kilomètres de l’arrivée. Face à un tel punch, le favori belge Wout van Aert ne pouvait espérer mieux. Malgré les critiques belges à l’égard de certains rivaux.

Le punch au bon moment

Ce championnat du monde s’annonçait rude, avec un tracé vallonné à souhait, proposant deux véritables murs à chaque tour. La course féminine de la veille avait confirmé le scénario d’une course d’usure, avec des équipières lâchant prise au fil des tours pendant que les favoris se replaçaient aux avant-postes dans les deux derniers tours. Les offensives étaient rares dans le final, aucune nation majeure n’osant l’attaque kamikaze. Sur une telle course difficile, une seule cartouche était possible. Et Julian Alaphilippe le savait. Bien replacé par ses équipiers, il sortait en puissance dans les 100 derniers mètres de la Cima Gallisterna pour prendre quelques dizaines de mètres, suffisants face à des rivaux apeurés par la présence du sprinter Wout van Aert dans leur roue. « On ne devait pas trop se montrer avec les équipiers, car on savait que des nations fortes allaient prendre la course en mains. On a durci dans la finale, et je suis sorti fort dans le dernier tour, c’était le plan », confirme Alaphilippe après l’arrivée.

Avec une dizaine de secondes d’avance tout au long du final, malgré les quelques faux-plats à affronter jusqu’au circuit d’Imola, le Français avait la bonne patte pour aller chercher son premier titre mondial, en costaud. « J’ai vraiment cru à la victoire dans les 300 derniers mètres, car dans la descente, ce n’était pas gagné. C’est une belle récompense », sourit le nouveau champion du monde derrière son masque devenu arc-en-ciel. « Après mon attaque, je n’ai pas eu trop le temps de penser, je pensais juste à me faire le plus mal possible. Je pouvais éventuellement compter sur ma pointe de vitesse si les hommes derrière me reprenaient mais je ne voulais pas que cela arrive. Je pense que je peux être fier de ce titre ». Alaphilippe avait affirmé qu’il ne voulait pas sortir du Tour de France avec la même condition que l’an dernier, et sans la pression du maillot jaune sur les épaules, le Français a pu se réserver pour arriver en condition parfaite sur ce championnat du monde. « Je n’arrive pas trop à réaliser encore car c’était un objectif important de ma carrière. Spécialement ces dernières années, car j’arrivais à chaque fois favori. Chaque fois que je n’y arrivais pas, je me disais que c’était le destin. Ici, je savais que j’avais une chance et j’ai tout fait pour ça ces dernières mois », clame encore Alaphilippe, qui remercie encore ses équipiers d’un jour ainsi que le sélectionneur Thomas Voeckler, qui peut également célébrer son premier titre en tant que coach.

Un collectif solide pour une médaille amère

Malgré un sprint le nez dans le vent dans les 200 derniers mètres, Wout van Aert ne pouvait cacher sa déception en deuxième position, comme lors du contre-la-montre de vendredi. Mais comme face à Filippo Ganna sur le chrono, le coureur belge est tombé sur plus fort. « Je ne pouvais pas suivre quand Alaphilippe a attaqué. Il était sur le grand plateau. J’ai fait tout ce que je pouvais. C’est pourquoi je suis déçu », lâche-t-il à l’antenne de la VRT. « Cette deuxième place fait mal car j’avais les jambes que je voulais ». Leader unique annoncé de la sélection belge, Van Aert n’a clairement pas pris son rôle à la légère. Parfaitement emmené par une équipe belge qui a pris les commandes du peloton dans les 60 derniers kilomètres, le leader noir-jaune-rouge a encore bénéficié de l’appui de Tim Wellens, Tiesj Benoot et Greg Van Avermaet dans le dernier tour. Le collectif belge était soudé, mais dans le final, ce sont les jambes qui ont parlé. Et au sommet du Cima Gallisterna, Van Aert ne pouvait rien. Pas plus que dans la poursuite, face à des coureurs qui avaient peur de jouer pour la deuxième place en cas de retour sur Alaphilippe. Alors que ces coureurs devaient se douter qu’ils jouaient pour la troisième place s’ils ne revenaient pas sur le Français…

« J’ai roulé à fond dans la poursuite, mais je pense que Julian avait l’avantage, et qu’il était le plus fort. En fait, on a douté vraiment qu’on pouvait revenir dans les deux derniers kilomètres », rapporte Wout van Aert, premier coureur à terminer sur le podium du championnat du monde du contre-la-montre et de la course en ligne depuis Abraham Olano et Miguel Indurain en 1995. Le Belge est dans la forme de sa vie, et en a profité jusqu’au podium, tant lui que ses équipiers ne peuvent s’en vouloir. « L’équipe a bien roulé, on n’a rien à se reprocher, on est tombé sur un grand Alaphilippe », réagit pour sa part le sélectionneur belge Rik Verbrugghe à Eurosport. « Wout est incapable de suivre et il a tenté de limiter les dégâts. Le plus fort gagne mais la médaille d’argent tombe dur. Car quand on voit le sprint de Van Aert dans le final, on voit qu’il avait les jambes pour devenir champion du monde », estime encore le coach. « Nous sortons de ces Mondiaux avec deux belles médailles mais deux médailles difficiles ».

La Slovénie en arbitre

Comme sur le dernier Tour de France, les Slovènes ont bien failli prendre les devants dans le final. À une quarantaine de kilomètres de l’arrivée, tel Anna van der Breggen chez les femmes la veille, Tadej Pogacar s’essayait à l’exercice en solitaire, mais ne prenait pas plus de 30 secondes d’avance sur un peloton contrôlé par les Belges. Une offensive qui a usé les équipiers de Wout van Aert ? « On savait qu’il ne fallait pas laisser rouler un Pogacar, c’est un spécialiste du chrono », estime Verbrugghe. « On n’a pas reçu beaucoup de soutien mais on n’en demandait pas non plus. On a vu une très grande équipe belge. Van Avermaet était bien aussi. Il nous manquait un petit quelque chose pour être champion du monde », ajoute-t-il.

Dans la poursuite derrière Alaphilippe, le rôle de Primoz Roglic, peu engagé dans les relais, était également remis en cause, notamment par le président de la fédération belge de cyclisme Tom Van Damme sur Twitter. « Je pense que Primoz a fait tout ce qu’il a pu », dit pour sa part Wout van Aert, pour rappel équipier du Slovène le reste de l’année chez Jumbo-Visma. « Il était aussi à la limite. Il savait qu’il ne pouvait pas gagner dans ce groupe, mais je ne suis fâché contre personne ». Le Suisse Marc Hirschi, troisième à seulement 21 ans, confiait également que « tout le monde a travaillé dans le groupe mais à deux kilomètres de l’arrivée, on savait qu’on n’avait aucune chance que cela se termine au sprint ». Bref, tout le monde était d’accord sur un point : face à ce Julian Alaphilippe, il n’y avait rien à faire.

Résultats de la course en ligne masculine des championnats du monde de cyclisme sur route 2020 à Imola (258,2 km) :

1.Julian Alaphilippe (France) en 6h38:34
2. Wout van Aert (Belgique) à 0:24
3. Marc Hirschi (Suisse)
4. Michal Kwiatkowski (Pologne)
5. Jakob Fuglsang (Danemark)
6. Primoz Roglic (Slovénie)
7. Michael Matthews (Australie) à 0:53
8. Alejandro Valverde (Espagne)
9. Maximilian Schachmann (Allemagne)
10. Damiano Caruso (Italie)

21. Greg Van Avermaet (Belgique) à 1:34
30. Tiesj Benoot (Belgique) à 3:44
39. Tim Wellens (Belgique) à 9:24
40. Loïc Vliegen (Belgique)

Photo : capture UCI

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