Tour de France : le contrôle ne suffit pas pour gagner le maillot jaune

Si les favoris se sont montrés calmes sur les premières difficultés disséminées durant cette première semaine difficile, la lutte pour le maillot jaune a pris une nouvelle tournure à mesure que les cols hors-catégorie et la frontière franco-espagnole approchaient.
30/08/2020 – Tour de France 2020 – Etape 2 – Nice Haut Pays / Nice (186 km) – Primoz ROGLIC (TEAM JUMBO – VISMA) au centre

Le sprint victorieux de Tadej Pogacar (UAE Team Emirates) face à Primoz Roglic (Jumbo-Visma) au terme de la dernière étape du diptyque pyrénéen, ce dimanche, a confirmé que ce Tour de France s’annonce déroutant de bout en bout. Si les favoris se sont montrés calmes sur les premières difficultés disséminées durant cette première semaine difficile, la lutte pour le maillot jaune a pris une nouvelle tournure à mesure que les cols hors-catégorie et la frontière franco-espagnole approchaient. Ils sont encore sept à se tenir sous la minute au classement général, autant de favoris pour une tunique qui se joue entre hommes forts.

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Les Slovènes en pole

Ce week-end, il n’y en avait que pour eux. Relégué à plus d’une minute en raison d’une bordure mal engagée à la sortie de Castres, à une trentaine de kilomètres de l’arrivée de la 7e étape, Tadej Pogacar (UAE Team Emirates), 21 ans à peine, a tenté de refaire son retard dans les cols pyrénéens en attaquant une bonne dizaine de fois sur l’ensemble des deux journées sur les sommets. Après lui avoir lâché un peu de lest samedi, son compatriote Primoz Roglic (Jumbo-Visma), de neuf ans son aîné, est revenu le lendemain sans grande difficulté sur le jeune attaquant sur le col de Marie Blanque, avant que les deux s’échangent un geste de politesse après un sprint houleux au sommet de l’ascension pyrénéenne. Les deux Slovènes se sont encore lancés un duel au sprint dans les derniers hectomètres de la 9e étape à Laruns, confirmant qu’ils sont les deux grimpeurs en forme du moment. Dans deux styles tout à fait différents. L’un généreux dans l’effort et décidé à se jeter dans l’offensive pour récupérer le temps perdu, l’autre plus tacticien et désireux de saper le moral de ses rivaux en réduisant à néant la moindre offensive pouvant lui faire de l’ombre au classement général.

« Quand j’ai les jambes, vous me verrez toujours attaquer », se plaît à répéter Tadej Pogacar, qui avait déjà confirmé cette philosophie sur le dernier Tour d’Espagne, sur lequel il avait pris la troisième place après trois victoires d’étape, chaque fois au panache. Son retard engrangé sur la bordure de Lavaur lui a certes permis de prendre le large à Loudenvielle, rien n’indique toutefois qu’il n’aurait pas tenté la même offensive s’il était à quelques secondes à peine du maillot jaune. L’ancien vainqueur du Tour de l’Avenir et du Tour de Californie sait que sa capacité de récupération est sa meilleure arme, et que ses multiples attaques peuvent faire mal aux grimpeurs qui ont besoin d’efforts plus longs pour creuser l’écart, à l’image de l’avantage creusé sur le col de Marie Blanque avec Roglic, Egan Bernal (INEOS Grenadiers) et Mikel Landa (Bahrain-McLaren). Roglic, pour sa part, profite des bonifications pour faire la différence. Jusqu’ici, ses seules offensives lui ont permis soit de gagner une étape, soit de prendre de nouvelles secondes de bonification au sommet de Marie Blanque. Depuis le début du Tour, le Slovène n’a pas réussi à prendre de mètres à ses rivaux, mais il compte aujourd’hui 21 secondes d’avance sur Bernal, uniquement grâce aux bonus offerts tout au long de cette première semaine. Le calcul est bon : c’est lui qui est en jaune au bout de ces neuf premières étapes.

Éliminer les équipiers

Les deux grimpeurs slovènes ont également disposé d’armes différentes à l’orée des Pyrénées. Pendant que Pogacar déplorait l’abandon de Fabio Arù durant la 9e étape, en raison d’un mal psychologique encore indescriptible, Roglic enchaînait pour sa part les ascensions toujours bien protégé par une équipe entièrement dédiée à une future victoire à Paris. L’équipe Jumbo-Visma profite d’une première journée de repos avec trois victoires d’étape dans la besace (deux pour Wout van Aert et une pour Roglic) et le maillot jaune, et pourtant, la formation néerlandaise a montré quelques signes de faiblesse. Tom Dumoulin n’est pas aussi fringuant que sur le Dauphiné et se place dans un rôle d’équipier de luxe, alors que Sepp Kuss et George Bennett lâchent bien plus vite qu’à l’accoutumée sur les sommets. La tentative des Jumbo-Visma d’asphyxier le peloton permet d’évincer la plupart des aides des autres leaders du peloton, mais elle n’est pas encore aussi efficace que ce que la Sky réussissait au début des années 2010.

Et tant mieux pour le spectacle ! Car ces accélérations renforcent l’isolement de favoris qui sont contraints de se dévoiler pour faire basculer la course de leur côté. Egan Bernal (INEOS Grenadiers) l’a bien compris sur le col de Marie Blanque, s’essayant à quelques attaques alors qu’il voyait ses habituels équipiers de montagne, Michal Kwiatkowski et Richard Carapaz subir la loi des Jumbo-Visma. Désormais, les favoris au maillot jaune se retrouvent à un contre un, et la seule tactique collective ne suffit pas à faire la différence sur les juges de paix de ce Tour de France. Ce n’est pas pour rien que onze coureurs d’équipes différentes occupent les onze premières places du classement général. Au terme de la première journée de repos, cela n’était encore jamais arrivé dans l’ère moderne du Tour, depuis l’introduction d’une première journée de repos au bout d’une semaine de course.

Et vu la condition de bon nombre d’équipiers, il semble difficile pour ces derniers de retrouver de la vigueur à l’aube du Massif central et des Alpes. La lutte pour le classement général sera d’autant plus intéressante, alors qu’aucun contre-la-montre ne s’annonce pour créer d’autres écarts plus importants.

Van Aert sauve le bilan belge

Vainqueur du Strade Bianche, de Milan-Sanremo, d’une étape du Critérium du Dauphiné et du titre de champion de Belgique du contre-la-montre sur le seul mois d’août, Wout van Aert (Jumbo-Visma) arrivait sur ce Tour de France avec le statut d’équipier-modèle pour Primoz Roglic. Protecteur du Slovène dans la plaine ainsi que dans la moyenne montagne, le coureur belge de 25 ans a encore étalé sa palette de cycliste complet, s’offrant même le luxe d’emmener son leader quasiment jusqu’au sommet d’Orcières-Merlette. Et en prime, sur les deux seules étapes sur lesquelles l’équipe Jumbo-Visma l’autorise à tenter sa chance au sprint, il s’offre la victoire sans aucune autre concurrence, devant des purs sprinters de la trempe de Sam Bennett (Deceuninck-Quick Step) ou Cees Bol (Sunweb). Van Aert est même troisième du classement par points, à 27 points seulement de Sagan, sans avoir disputé le moindre sprint intermédiaire (du moins intentionnellement). Le coureur belge est donc toujours dans la course pour le maillot vert et pour une nouvelle victoire d’étape durant ces deux dernières semaines de course.

Car pour le reste du contingent belge, difficile d’établir un bilan aussi positif au terme des neuf premières étapes. Jasper Stuyven et Edward Theuns (Trek-Segafredo) ont enchaîné des Top 10 dans les sprints, tandis que Thomas De Gendt (Lotto-Soudal) et Ben Hermans (Israel Start-up Nation) ont essayé de prendre la bonne échappée sans parvenir à s’offrir le succès espéré malgré des terrains à leur convenance. Greg Van Avermaet (CCC Team) a également joué la carte de l’attaque sur l’étape du Mont Aigoual, mais est tombé sur plus fort, alors que Tiesj Benoot (Sunweb) a manqué sa chance sur une mauvaise chute sur la 4e étape vers Orcières-Merlette. Et les autres endossent la tenue d’équipier comme Dries Devenyns, Tim Declercq (Deceuninck-Quick Step) ou Oliver Naesen (Ag2r-La Mondiale). Les échappées auront encore des chances de trouver la victoire sur ce Tour, mais la récupération sera la clé pour empocher le jackpot.

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Photos : ASO/Alex Broadway – ASO/Pressesports/Bernard Papon

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