Embarqué sans sa 15e saison professionnelle, le sprinter britannique sait qu’il n’est pas passé loin d’une retraite sportive. De retour sous la bannière de (Deceuninck-)Quick Step, il connaît désormais ses limites mais aussi ses qualités pour rebondir dans une équipe qui a la culture de la gagne et un panel de sprinters intéressant pour enchaîner les trophées.
« J’imagine que je pourrai apprendre de son approche, notamment sur le plan mental, et comment il réagit à la pression. Mark Cavendish reste un coureur qui, même s’il gagnait deux étapes sur le Tour de France, serait considéré comme l’auteur d’un mauvais Tour. Je veux apprendre de son expérience, de sa capacité à visualiser les sprints, et comment il se prépare pour les grandes courses » : les mots sont de Sam Bennett, principal sprinter de l’équipe Deceuninck-Quick Step, vainqueur d’étape et maillot vert sur le dernier Tour de France.
« Je suis dans une équipe avec le meilleur sprinter du dernier Tour de France et le meilleur sprinter de l’histoire du Tour. C’est une grande motivation de savoir qu’ils sont aussi là pour m’aider. Mark a été une grande inspiration pour moi » : voici ceux de Fabio Jakobsen, la pépite néerlandaise du sprint, malheureusement fauchée par Dylan Groenewegen sur l’arrivée de la première étape du dernier Tour de Pologne, en août. Désormais de retour sur le vélo après de multiples fractures et blessures au visage, aux cordes vocales et aux poumons, il souhaite retrouver le plus haut niveau, avec notamment l’aide de ses compères de l’emballage massif.
Trois saisons de galère
Tous confirment l’apport de Mark Cavendish dans leur carrière respective. Le Britannique de 35 ans reste un monument du cyclisme sur route avec ses 30 victoires d’étape sur le Tour de France, 15 sur le Tour d’Italie, son titre de champion du monde (en 2011), ses trois GP de l’Escaut (en 2007, 2008 et 2011), sa victoire sur Milan-Sanremo (en 2009) … Avec 146 succès au palmarès, le coureur de l’île de Man a longtemps dominé la scène du sprint, avant de voir l’arrivée de nombreuses jeunes pousses décidées à le devancer à toute vitesse. Cela s’est particulièrement ressenti ces deux dernières saisons, sans trophée pour Cavendish. Il n’a plus trouvé le succès depuis le 8 février 2018 sur le Tour de Dubaï. Et il n’a plus tutoyé de podium depuis le 18 avril 2019 et la 3e étape du Tour de Turquie. La faute à un virus d’Epstein-Barr qui a bouleversé sa saison 2018 avant une mononucléose qui l’a poursuivi les deux saisons suivantes.
Lefevere : « Son caractère nous a marqués »
Ses larmes en interview à l’arrivée de Gand-Wevelgem, en octobre dernier, ont confirmé que l’aura de Mark Cavendish n’était finalement plus celle du début de la décennie. En fin de contrat chez Bahrain-McLaren, le Britannique ne savait pas de quoi son avenir allait être fait. Ce sont finalement ces images, et un message de l’intéressé à Patrick Lefevere, qui ont mené le manager de Deceuninck-Quick Step à entamer des négociations avec Cavendish. « Ce ne sont pas seulement ses victoires qui nous ont le plus marqués mais c’est son caractère », rapporte Patrick Lefevere dans L’Équipe, à propos de la décision de faire revenir un coureur dans son armada, une rareté dans son groupe (seuls Dries Devenyns, parti chez IAM en 2015 et 2016, et Kevin De Weert, transféré chez Cofidis en 2007 et 2008, avaient jusqu’ici eu cet honneur). Il faut dire que Cavendish a accepté de financer son salaire pour s’assurer une place dans le « Wolfpack ».
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« J’étais le plus heureux dans cette équipe »
Et à 35 ans, le voici de retour dans une tenue qu’il affectionne, dans un rôle de capitaine de route, loin des flashs et des ambitions qui animaient son début de carrière. « Même si je ne gagne pas, je pense que je peux encore apporter quelque chose à cette équipe », clame-t-il lors de la conférence de presse de Deceuninck-Quick Step, mercredi dernier. « La dernière fois, je leur ai apporté quelque chose et ils m’ont offert autre chose. Donc pourquoi ne pas les rejoindre, qu’il s’agisse de ma dernière année ou même si j’ai encore dix ans devant moi ? Vous savez, j’étais le plus heureux quand j’étais dans cette équipe, et l’opportunité de revenir et rouler pour Deceuninck-Quick Step est un rêve. Que je roule encore un mois ou dix ans de plus ».
Mark Cavendish sait lui-même qu’il ne se placera pas forcément sur la plus haute marche du podium des grandes classiques pour sprinters cette saison. Il souhaite toutefois convaincre qu’il a encore sa place dans le peloton. « Je suis réaliste. Je ne vais pas chercher un objectif inatteignable ou essayer de finir ma carrière comme un conte de fées. Je sais juste que je suis encore bien », relativise-t-il, dans un style plus apaisé que par le passé. « Si je pensais que j’allais revenir sur le Tour de France pour gagner six étapes du Tour de France, je serais au pays des contes de fées », raconte-t-il encore à propos des questions autour de ses ambitions, et cette fameuse barre historique des 34 victoires d’étape, le record d’Eddy Merckx.
« J’aurais aimé rester ici toute ma carrière »
Le Britannique reste pragmatique et ne souhaite donc pas s’aventurer sur des terrains qu’il ne peut plus dominer. Le passé est le passé, même s’il aurait aimé construire une autre relation avec la troupe de Patrick Lefevere. « La meilleure partie de ma carrière fut dans cette équipe. J’ai essayé d’autres choses mais en regardant en arrière, j’aurais aimé pouvoir rester ici toute ma carrière. J’ai de très bons rapports avec l’équipe, le staff, les sponsors », confie-t-il, avant de faire l’éloge des vélos Specialized, parmi lesquels le Venge avait été conçu pour Cavendish : « J’ai prouvé que c’était le meilleur vélo pour me permettre de gagner ».
Mark Cavendish veut désormais prendre du plaisir sur le vélo, particulièrement dans une équipe qui lui a tant apporté dans sa carrière. « J’aime juste rouler, et j’espère évidemment que nous allons prochainement retrouver une certaine normalité, et que les gens pourront reprendre une vie normale, sans craindre pour leur vie. Aujourd’hui, je me sens comme les fans belges : je vis et je respire cyclisme. Je me sens comme à la maison chez Deceuninck-Quick Step. Je veux juste continuer à profiter des courses ».
Si aucune épreuve n’est encore à son programme pour la saison 2021, en raison d’une pandémie qui perturbe le calendrier, Mark Cavendish peut clairement être un transfert intéressant pour une équipe qui compte sur Sam Bennett, Alvaro José Hodeg, Jannik Steimle ou encore Fabio Jakobsen, pour enchaîner les pointes de vitesse victorieuses. Le Britannique semble en tout cas ouvert à épauler ses jeunes coéquipiers. Une belle fin de carrière, en somme.
Photo : Deceuninck-Quick Step/Wout Beel
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