La première semaine du Tour d’Espagne s’est conclue sous l’orage, au terme d’une courte étape dantesque en terres andorranes. Entre les chutes, les offensives et les défaillances, le classement général s’est resserré autour d’un quatuor qui devrait se jouer le maillot rouge d’ici les quinze prochains jours menant à Madrid. Nairo Quintana (actuel leader), Alejandro Valverde (Movistar), Miguel Angel Lopez (Astana) et Primoz Roglic (Jumbo-Visma) sont désormais les grands favoris de cette Vuelta au sein d’un peloton particulièrement offensif.
La tactique alternative des Movistar
Après un contre-la-montre par équipes correct dans les rues de Torrevieja, la formation avait réussi à reprendre du poil de la bête dès le lendemain grâce à un Nairo Quintana transformé en renard des surfaces. Le Colombien s’est faufilé dans la bonne échappée vers Calpe pour aller conquérir une victoire d’étape inattendue et remonté à deux secondes à peine du maillot rouge. Avant de perdre cet avantage sur la première arrivée en altitude, vers l’observatoire de Javalambre, sur lequel Alejandro Valverde a court-circuité la tactique collective pour attaquer son leader. L’idée aurait été belle si le champion du monde n’avait pas ramené leur principal rival, Miguel Angel Lopez, dans la roue. Ce dernier en profitait ainsi pour attaquer Valverde et prendre le maillot rouge de leader.
Sur la septième étape, sur la montée abrupte de Mas de la Costa (4 km à plus de 12% de moyenne), Quintana et Valverde se montraient cette fois plus unis, avec un Colombien qui permettait à son coéquipier espagnol de remporter une douzième victoire d’étape sur la Vuelta, à 39 ans. Même si Lopez restait en rouge, les deux hommes de la Movistar se rapprochaient de « Superman » au général. Puis arrivait cette neuvième étape dans la Principauté d’Andorre. Une étape-reine de 90 bornes avec cinq cols à affronter. Là encore, la tactique des Movistar avait de quoi surprendre. Quintana attaquait dans la dernière ascension de la journée pendant que Valverde le protégeait à l’arrière. Jusque là, rien de surprenant. Mais alors que Marc Soler était à l’avant pour jouer la victoire d’étape, l’Espagnol se voyait interdit de poursuivre son effort, la direction d’équipe l’informant par oreillette qu’il devait attendre Quintana, à sa poursuite. Soler lançait alors un grand geste de désapprobation à la caméra, avant de se soumettre, non sans une pointe de déception dans le regard.
La décision de la Movistar aurait pu être bonne si Quintana ne ramenait pas avec lui Tadej Pogacar (UAE Team Emirates) qui ne se faisait pas prier et attaquait Soler et Quintana dans les trois derniers kilomètres de cette étape dantesque, conclue sous l’orage. Quintana poursuivait finalement seul et terminait à une vingtaine de secondes du jeune Slovène. Suffisant pour accrocher le maillot rouge de leader. « Nous avons essayé de rouler à l’offensive pour créer un écart avec Roglic. Je suis très reconnaissant envers Marc Soler, après ce qu’il a fait jusqu’à l’arrivée, ainsi qu’envers mes autres équipes », expliquait Quintana à l’arrivée, comme pour calmer le jeu. Le geste de Soler reste toutefois dans les esprits, tout comme les offensives incessantes de Quintana et Valverde, comme si l’un et l’autre couraient parfois… en duel. Après le contre-la-montre de Pau, qui risque encore de bouleverser le classement général, la Movistar devra clairement confirmer qui est le principal leader de cette Vuelta. Car sur trois semaines, les erreurs de deux hommes risquent de bénéficier à leurs adversaires.
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Lopez et Roglic, des chutes sans conséquence ?
Leader de l’épreuve à trois reprises durant cette première semaine de la Vuelta, Miguel Angel Lopez a laissé son maillot rouge à chaque fois à des coureurs échappés, s’occupant ensuite de passer à l’attaque sur les juges de paix des étapes de montagne pour récupérer ce précieux paletot. Il a encore tenté de faire la différence sur l’avant-dernier col de la 9e étape en Andorre. Deux attaques sèches et plus de trente secondes d’avance avant le chemin de graviers précédant l’ultime ascension. Le Colombien semblait parti pour faire la bonne opération du jour après avoir été épaulé par Gorka Izagirre et Jakob Fuglsang. Mais une chute dans ce chemin non-goudronné, sous un orage intense, a eu raison de son avantage. « À peu près un kilomètre et demi avant la fin du secteur, j’ai été trop rapide dans un virage. Mon vélo s’est dérobé et je suis tombé. J’ai eu quelques coupures et abrasions mais j’ai pu repartir. Cela aurait pu être bien pire », estime Lopez, qui a finalement perdu pied face à ses rivaux dans la montée finale, terminant à une quarantaine de secondes de Quintana.
Même scénario pour Roglic, avec toutefois un final différent. Le Slovène était en perdition dans l’avant-dernier col, avant de revenir sur le duo Valverde-Quintana. Mais dans le chemin en gravier, une moto a ralenti au milieu de la route et Roglic n’a pu freiner comme prévu. Il a chuté et connu quelques brûlures, avant de pouvoir repartir. Le leader de l’équipe Jumbo-Visma a toutefois mieux récupéré de cette chute que Lopez, puisqu’il a pu ensuite débordé le Colombien pour terminer l’étape avec Valverde, à une vingtaine de secondes de Quintana.
Si Lopez et Roglic affirment que leurs blessures semblent superficielles, la course reste longue et il n’est pas impossible que ces brûlures réveillent d’autres symptômes d’ici le contre-la-montre de ce mardi. Ces chutes confirment en tout cas l’importance d’une concentration de tous les instants sur cette Vuelta dont le classement général est bouleversé à chaque arrivée d’étape.
Pogacar, encore un jeunot au sommet
Après Egan Bernal sur le Tour de France et Remco Evenepoel sur la Clasica San Sebastian, voici un autre jeunot qui fait la leçon à la génération précédente. Déjà en vue depuis le début du Tour d’Espagne, restant dans le Top 10 du général sans grande difficulté, le Slovène de 20 ans Tadej Pogacar s’est offert ce dimanche l’étape-reine de cette Vuelta au sommet de Cortals d’Encamp. Et à la régulière en prime ! Le plus jeune coureur au départ de ce Tour d’Espagne a pris la mesure de tous les favoris, d’abord en suivant Quintana avant de filer en solitaire vers la victoire.
Pourtant, Pogacar est revenu de loin. « Dans La Gallina, la deuxième ascension de la journée, j’étais en difficulté alors que les autres attaquaient. Puis l’orage est arrivé : il faisait moins chaud et je me sentais mieux », explique-t-il. « J’ai compris que j’allais remporter l’étape à 1,5 km de l’arrivée », ajoute-t-il, sûr de devancer le futur maillot rouge. Pogacar a cette assurance qui lui permet en plus de revendiquer la place de leader chez UAE Team Emirates, alors que Fabio Arù a terminé dans un gruppetto à plus de 30 minutes de son équipier. Une génération devant l’autre.
Photos : Luis Angel Gomez/PhotoGomezSport/Unipublic/La Vuelta
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