Reprenons la définition du prix du combatif et donc du Supercombatif sur ce Tour de France. Selon le règlement officiel édité par Amaury Sport Organisation (ASO), organisateur de l’épreuve, « le prix de la combativité récompense le coureur le plus généreux dans l’effort et manifestant le meilleur esprit sportif ». Il est remis après le vote d’un jury composé de six personnalités du monde du cyclisme qui ont la particularité d’être quasiment toutes françaises. Cette année, on retrouvait ainsi les Français Alexandre Roos (L’Équipe), Laurent Jalabert, Marion Rousse (France Télévisions), Jean Montois (AFP), Thierry Gouvenou (ASO) et l’Américain Greg LeMond (Eurosport). On soulignera tout de même l’ouverture internationale lancée depuis trois ans, afin d’éviter un jury franco-français.
Alors, quel coureur a été le plus généreux dans l’effort durant ces trois semaines de course, sur les 18 étapes en ligne prises en compte pour ce trophée particulier et purement subjectif ? Selon le public, qui a droit à une voix pour ce prix du Supercombatif depuis l’an dernier, le Belge Thomas De Gendt (Lotto-Soudal) était clairement le coureur plébiscité. Présent dans une échappée sur onze étapes (!), il a comptabilisé plus de 1.050 kilomètres de course en tête, non sans être passé tout près de la victoire. Le coureur gantois a souvent été offensif, a rarement manqué la bonne attaque, mais ce pur diesel a toujours manqué de jus dans la toute fin de course pour s’assurer le succès et enchaîner un deuxième Tour de France victorieux, un an après s’être imposé au sommet du Mont Ventoux.
Le classement des voix du public :
10.879 votes pour Thomas De Gendt (BEL, Lotto-Soudal)
1.884 votes pour Warren Barguil (Fra, Team Sunweb)
1.359 votes pour Alberto Contador (Esp, Trek-Segafredo)
1.304 votes pour Dan Martin (Irl, Quick Step Floors)
986 votes pour Serge Pauwels (BEL, Dimension Data)
803 votes pour Bauke Mollema (P-B, Trek-Segafredo)
461 votes pour Lilian Calmejane (Fra, Direct Énergie)
296 votes pour Tony Gallopin (Fra, Lotto-Soudal)
121 votes pour Michael Matthews (Aus, Team Sunweb)
Avec plus de 10.800 votes à son actif, contre 1.884 pour son plus proche rival, le Français Warren Barguil (Sunweb), bon nombre de supporters estimaient qu’avec cette voix, la victoire de Thomas De Gendt pour le prix du Supercombatif était quasiment assurée. Et pourtant, le vote du jury a tout changé. Quatre voix ont été apportées à Barguil, contre une seule de plus pour De Gendt, pointé à seulement deux voix. Le dernier vote allant à Michael Matthews (Sunweb), le maillot vert, pourtant dernier du vote du public. Bref, Warren Barguil, vainqueur de deux étapes et du classement du meilleur grimpeur, s’offre en prime le prix du Supercombatif du Tour de France. Et on ne peut lui enlever cet esprit offensif affiché depuis le Jura, passant à quelques centimètres du succès à Chambéry, avant de triompher à Foix puis au sommet de l’Izoard, avec en prime les points nécessaires pour s’attribuer le maillot à pois, trois mois seulement après une fracture du bassin qui a failli lui coûter sa participation à ce Tour de France.
Le règlement parle toutefois du coureur le plus généreux dans l’effort. Et en tenant compte des trois semaines de compétition à travers l’Hexagone, le cycliste le plus offensif fut bien Thomas De Gendt. « Bien sûr, Warren Barguil mérite aussi ce prix », confie le sociétaire de Lotto-Soudal. « Barguil a roulé comme un coureur offensif et je ne vais pas prétendre que j’étais le seul à le mériter. Mais cela aurait été très bien de le recevoir. J’étais plus souvent que lui à l’attaque. Je ne vois pas ce que je devais faire de plus pour obtenir ce prix. J’ai été 11 fois dans la bonne attaque sur 21 étapes: c’est énorme. » Il manquait certainement une victoire d’étape pour que les tentatives du Gantois soient prises plus au sérieux par un jury quasiment franco-français, qui a plutôt vu les exploits de Barguil comme une occasion de consacrer jusqu’au dernier prix le triomphe du Breton.
Reste donc à revoir la définition du prix de la combativité sur le Tour de France ? Serait-il temps de revenir à un classement plus objectif, régi par exemple par le nombre de kilomètres passé dans une échappée, comme cela se fait sur le Tour d’Italie ? En 1969, 1970 et 1974, Eddy Merckx a par exemple remporté le prix du Supercombatif du Tour, en plus de son maillot jaune, grâce à un classement par points, qui se basait sur le nombre de kilomètres passés en tête, avec un bonus en cas de victoire d’étape. Il serait peut-être temps d’envisager un tel classement, au lieu d’un jury subjectif, qui semble souvent aller à l’encontre de l’avis du public. En 2016, déjà, Jarlinson Pantano avait obtenu à l’époque le prix des spectateurs, avant d’être devancé suite au vote du jury par Peter Sagan, qui avait pourtant déjà le maillot vert. L’histoire se répète…
Grégory Ienco – Photos : ASO/Tour de France/Alex Broadway, Pauline Ballet et Bruno Bade