Une semaine de course intense, sept vainqueurs différents sur neuf étapes, une bagarre pour le classement général bousculée à chaque passage en montagne… Les amateurs du Tour de France en ont pour leur argent. Depuis Bilbao, départ de cette Grande Boucle qui anime toutes les conversations cyclistes durant le mois de juillet, l’intensité n’a finalement pu retomber qu’à l’occasion de trois étapes pour sprinters qui ont permis de calmer les esprits (jusqu’aux derniers kilomètres évidemment). Car dès que la pente se veut raide, les candidats au maillot jaune sont à l’affût. Pas question de laisser filer la moindre chance d’engranger les secondes ou de mettre des toxines dans les jambes de l’adversaire.
Le duel entre Jonas Vingegaard (Jumbo-Visma) et Tadej Pogacar (UAE Team Emirates) était attendu de longue date. Depuis le début de la saison, les observateurs font le décompte, rappelant les succès des uns et des autres, le nombre de jours de compétition dans les guiboles, les équipiers prêts ou non, la préparation différenciée des deux leaders… Les interrogations fusaient sur la capacité de Pogacar à retrouver sa meilleure condition après une fracture dans le poignet et deux mois sans course. Il a répondu dès le Pays Basque : pas question de laisser le moindre répit à son adversaire danois, pas plus que la Jumbo-Visma n’est prête à accepter une éventuelle domination du rival slovaque. L’équipe UAE Team Emirates a mis une claque à « Pogi » ? Voici que la Jumbo-Visma et Vingegaard répliquent dans les Pyrénées. Avant que le Slovaque se rappelle au bon souvenir de ses meilleurs Tours avec deux attaques tranchantes sur les deux premières arrivées au sommet de cette épreuve déjà légendaire.
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Ce mano-à-mano permanent, conclu par un duel épique dans les 1 500 derniers mètres du Puy de Dôme, se confirme dans les chiffres. Jonas Vingegaard a conservé son maillot jaune au sommet du volcan endormi qui n’avait plus été escaladé depuis 1989. Mais il ne compte plus que 17 secondes d’avance sur Tadej Pogacar. Soit l’écart le plus serré entre deux candidats au général après les neuf premières étapes depuis le Tour 2016. Au sommet d’Arcalis, 16 secondes seulement séparaient Chris Froome (Team Sky, à l’époque) et Adam Yates (Orica-BikeExchange, à l’époque). La suite a été à la faveur de Froome, bien plus fringuant dans les Alpes. L’écart à l’époque, n’avait pu être créé à la faveur d’étapes aussi rudes que cette saison.
Tout pour la troisième place
Ceux qui ne voulaient pas se contenter d’un duel se désoleront évidemment de voir l’Australien Jai Hindley (Bora-Hansgrohe) perdre à petit feu l’avantage qu’il avait récolté sur la première étape pyrénéenne. Son rôle de troisième homme se résume désormais à une bataille pour le podium avec les frères Adam (UAE Team Emirates) et Simon Yates (Team Jayco-AlUla), Carlos Rodriguez et Tom Pidcock (INEOS Grenadiers), ces deux derniers confirmant la force collective d’une formation britannique toujours aux avant-postes dès que la montagne s’élève. Les Français David Gaudu (Groupama-FDJ) et Romain Bardet (Team dsm-firmenich) perdent des plumes au fil des cols. Alors, devant, il n’en reste que pour « Pogi » et « Vinge ». Cela n’entache en rien le spectacle : le volatile danois et l’explosif slovaque ont promis un duel, ils le livreront jusqu’à Paris. On en vient même à remercier ASO de ne proposer qu’un seul contre-la-montre et d’avoir mis l’accent, durant cette édition, sur la moyenne et la haute montagne. Car ce sont bien ces reliefs qui permettent aujourd’hui cette course de mouvements, à tous les échelons.
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Ce 110e Tour a encore un sacré programme à proposer durant les deux dernières semaines. Avec notamment le raide et mythique Grand Colombier, un enchaînement de monstres en Savoie, des descentes sinueuses, la chaleur qui fait son office, le grand final dans les Vosges… Même sans tous les candidats au général à leur meilleur niveau, la course au maillot jaune tient toutes ses promesses. Et ce n’est pas le seul classement à suivre. Pour le maillot à pois, l’Américain Neilson Powless (EF Education-EasyPost) enchaîne les échappées pour glaner des points importants depuis le Pays basque. Mais il ne pourra pas tenir ce rythme durant trois semaines, en témoigne sa sixième place au bout de l’effort sur le Puy de Dôme.
Le maillot vert s’annonce par contre bien pour Jasper Philipsen (Alpecin-Deceuninck) après ses trois succès qui confirment sa position de meilleur sprinter du monde à l’heure actuelle. Le jeune coureur de Mol arrive en pleine maturité et ne devrait pas manquer ce classement par points s’il continue à bien gravir la montagne comme actuellement. Mais les sprints restent disputés, comme l’a montré Mads Pedersen (Lidl-Trek) à Limoges. Philipsen n’est pas intouchable, surtout si l’on déstabilise son train qui a trop souvent joué des coudes pour se frayer un chemin. Les commissaires n’ont toutefois jamais eu à redire, faute de chute. Attention au prochain changement de ligne sans prévenir…
Le Giro féminin en pâtit
Ce Tour truste logiquement, vu le spectacle proposé, les gros titres. Pourtant, pendant cette première semaine de course, de nombreuses cyclistes parmi le gratin mondial se disputaient le maillot rose lors du Tour d’Italie féminin, le Giro Donne. Qui n’a pu assurer sa place… que quelques jours avant son départ en raison de problèmes de trésorerie. Finalement, la course a pu se dérouler, et malgré l’absence de cols à plus de 1 500 mètres d’altitude, la championne du monde Annemiek van Vleuten (Movistar) a profité, comme Pogacar et Vingegaard, de la moindre difficulté pour attaquer et accentuer son avantage en tête du général. Elle repart de Sardaigne avec trois victoires d’étape et le maillot rose (sans oublier le classement par points et de la montagne. Elle s’offre ainsi un quatrième Giro Donne, et surtout son cinquième Grand Tour consécutif ! Avec près de quatre minutes d’avance sur ses plus proches rivales, la Française Juliette Labous (Team dsm-firmenich) et l’Italienne Gaia Realini (Lidl-Trek).
Dans deux semaines, le Tour de France Femmes s’annonce, avec Van Vleuten mais aussi Demi Vollering (SD Worx), Marta Cavalli (FDJ-Suez), Ashleigh Moolman-Pasio (AG Insurance-Soudal Quick Step), Kasia Niewiadoma (Canyon//SRAM Racing)… Plus de concurrence, donc, et un parcours plus complet également. Si le Giro Donne n’a donc pas obtenu l’attention qu’elle méritait, le Tour de France Femmes devrait également tenir toutes ses promesses, comme son pendant masculin.