« Namur est un parcours mythique. Cela fait plusieurs années que je regarde ça à la télé et que je me dis : ‘put…, j’aimerais bien rouler sur ce circuit' » : ces mots de Léo Bisiaux résument bien l’état d’esprit des jeunes cyclistes qui arpentent les chemins de la Citadelle en ce week-end européen. Si les pros ont déjà l’habitude des rudes traces du sommet namurois, les juniors découvrent pour la plupart ce circuit qui enchaîne les difficultés, entre passages techniques, montées et descentes abruptes. Un circuit sur lequel la moindre erreur peut se payer cash, et où les possibilités de retrouver rapidement la tête sont aussi nombreuses, qu’on soit bon physiquement ou techniquement. Cela s’est confirmé sur cette course destinée aux juniors.
L’Italien Samuele Scappini a dominé le premier des cinq tours de cette course destinée aux moins de 19 ans avant de connaître un problème mécanique qui l’a repoussé à l’arrivée… en quarantième place. Pendant que le favori français Léo Bisiaux se tenait pour sa part éloigné des avant-postes avant une remontée impressionnante au deuxième tour. « Je n’ai pas pris un super départ, je me suis retrouvé en dixième position. Puis j’ai pu remonter vers la cinquième place avant de connaître un souci de dérailleur en revenant sur la route. Je ne me suis pas affolé, j’ai changé de vélo. Je suis revenu devant et j’ai durci la course sur les parties qui m’étaient favorables : la montée après le départ et la montée pavée. C’est là que je faisais la différence », confirme le sociétaire d’Ag2r Citroën U19.
Dans le même groupe de tête, le Namurois Antoine Jamin, local du jour, réalisait également une prestation de choix devant des supporters surchauffés : « J’ai vu que les jambes étaient bonnes après le départ, donc j’ai tenté de me maintenir dans les cinq premiers. Le plus dur, cela restait les côtes, mais il ne fallait pas trop donner au risque de surchauffer. Je croyais au podium, mais j’étais en même temps étonné », indique le vététiste de Walcourt, sociétaire de BH Wallonie. « J’ai même été en tête durant un moment, même si ça n’a pas duré longtemps. Je reste super étonné de ma prestation ».
Mais dans les deux derniers tours, Bisiaux décidait de faire la différence dans les côtes et prenait rapidement la poudre d’escampette face notamment à Jamin et son compatriote belge Wies Nuyens. Derrière, le Danois Daniel Nielsen réalisait un come-back fracassant, débordant les Belges pour se mettre dans la roue de Bisiaux. Mais le Français de 17 ans, n°1 au classement UCI des juniors, tenait bon : « Le Danois m’a fait peur jusqu’à l’arrivée. Je gagne finalement pour seulement six secondes. Il était très fort aujourd’hui. J’ai donné tout ce que j’avais… Je me suis dit que j’avais gagné après le dévers. Avec cinq, dix mètres d’avance, je savais que j’avais la victoire en poche », sourit Bisiaux. « Je suis plus à l’aise dans les parties physiques, donc Namur me correspondait bien avec ces parties montantes. Mon petit gabarit fait que j’étais avantagé. Mais il fallait bien gérer également dans les parties techniques ».
Déjà vainqueur puis deuxième des deux premières manches de la Coupe du monde, à Tabor et Maasmechelen, Bisiaux parfait ainsi son début de saison avec ce titre européen, premier objectif de son hiver dans les labourés. « L’objectif était ce championnat d’Europe : j’avais deux manches de Coupe du monde pour pouvoir prendre le rythme », explique-t-il posément. « Et aujourd’hui, c’était le point d’orgue de mon début de saison. Désormais, je vais prendre une petite pause pour recharger les batteries et être à nouveau d’attaque en janvier pour les trois manches de Coupe du monde et les championnats du monde. J’ai ce maillot étoilé, on verra pour la suite… » Surtout, le Français voulait absolument briller sur ce circuit namurois qu’il a tant regardé dans sa prime jeunesse : « J’ai reconnu ce parcours dès jeudi. Mais il a beaucoup évolué depuis lors. J’ai même changé de boyaux entretemps. Mais je connaissais tous les virages par cœur. Notre directeur technique m’a aussi donné beaucoup de conseils et sans lui ou le staff, je n’aurais pas pu gagner ».
Tant sur le parcours que devant le podium, les supporters français ont donné de la voix pour Léo Bisiaux, une atmosphère que le junior n’avait pas encore connue. « Les supporters m’ont poussé aujourd’hui », sourit-il dans son tricot étoilé. « Je n’ai jamais vu un cyclo-cross avec autant d’ambiance. Dans les virages, je me suis dit que je n’allais plus avoir de tympan à la fin de la course. C’était énorme, le monde qu’il y avait… Et énormément de supporters français. Tu as envie de tout donner pour eux. »
Autre coureur porté par la foule, Antoine Jamin s’est dépensé jusqu’au dernier mètre pour accrocher dans un âpre sprint une cinquième place finale. « Je me suis fait dépasser dans la descente précédant l’arrivée. Cela roulait fort, mais j’ai tenu les roues pour finalement lancer le sprint et espérer un bon résultat pour finir », explique le coureur de Walcourt. « Tous les cris et les soutiens m’ont donné encore plus d’énergie pour la course. C’est grâce à tous ces supporters que je suis arrivé à ce résultat ». À tel point que le cyclo-crossman wallon songe à d’autres rendez-vous : « Je pense avoir mérité ma place dans la sélection belge. Cela me donne envie de plus, j’espère encore réaliser un Top 5 dans une prochaine course. Maintenant, je vais voir ce que je vais faire par la suite. Peut-être les championnats du monde, mais après, ce sera fini car j’ai encore une saison de VTT à préparer derrière« .
Le sélectionneur fédéral Sven Vanthourenhout était en tout cas ravi de la prestation d’Antoine Jamin, meilleur Belge sur cette course pour les juniors : « Antoine a complètement répondu aux attentes qu’on avait placées en lui. Je pense aussi que c’est super pour la Wallonie d’avoir un tel représentant », explique l’ancien spécialiste des labourés. « Il était directement bien positionné dans le peloton de tête, il s’est longtemps battu pour une place sur le podium. C’est dommage qu’il ait finalement échoué si proche du podium, mais cela reste un très beau résultat ».
Sven Vanthourenhout envisage donc un bel avenir pour le Namurois, à condition de trouver un bon équilibre entre cyclo-cross et VTT : « Il est bon techniquement, il a les qualités physiques pour briller sur les deux. Sur le long terme, c’est donc une possibilité. (…) C’est possible qu’il soit sélectionné pour les championnats du monde de cyclo-cross, il a prouvé sa valeur sur cette course. Mais janvier est encore loin, avec beaucoup de courses entre les Coupes du monde, le championnat de Belgique… Je dirais donc qu’il y a encore beaucoup de coureurs concentrés sur ce mois-là, et qu’il y a beaucoup de candidats pour les Mondiaux », précise-t-il toutefois. « J’espère de tout cœur que ce résultat peut être un boost pour le cyclo-cross wallon. C’est aussi pour cette raison qu’il a été sélectionné pour ce championnat d’Europe. Nous espérons que des jeunes garçons et filles comme Antoine peuvent ainsi se lancer dans cette discipline avec de beaux résultats à la clé ».
Résultats de la course des juniors hommes des championnats d’Europe de cyclo-cross 2022 à Namur :