La Belgique est une terre de cyclisme. Que ce soit dans son utilisation récréative ou sa passion sportive. Quand un championnat du monde de cyclisme sur route s’annonce en Belgique, cette passion semble décuplée, et comme à la veille d’une Coupe du monde de football, les amateurs et amatrices de la Petite reine se transforment en sélectionneur d’un jour.
Qui devrait prendre la place de leader de l’équipe belge ? Quels équipiers devraient obtenir une place ? Comment construire un groupe homogène avec des coureurs d’habitude rivaux tout au long de l’année ? Avant ces Mondiaux organisés en Flandre, ces questions ont longtemps animé les discussions cyclistes, dans les médias et parmi les supporters. Et la course masculine disputée dimanche dernier n’a pas aidé à taire ces conversations…
Car la sélection belge masculine est rentrée de Louvain sans médaille, avec une quatrième place de Jasper Stuyven et une onzième place de Wout van Aert, bien loin des espoirs affichés sur un tel parcours pour puncheurs de ce calibre. À chaud, les coureurs ne pouvaient que confirmer leur déception à chaud, sans remettre la faute sur l’un ou l’autre. Stuyven, Van Aert ou Remco Evenepoel ont reconnu la domination de Julian Alaphilippe et confirmé qu’ils avaient suivi les consignes collectives. Mais là encore, ces réactions tout à fait cordiales n’ont pas eu raison des débats à rallonge dans les colonnes de la presse belge. Les débats ont pris une autre tournure suite aux déclarations de Remco Evenepoel dans l’émission « Extra Time Koers» sur la VRT. Trois jours après le Mondial, le coureur brabançon a changé de ton par rapport à dimanche dernier, évoquant les coulisses de cette course.
« Ce n’était pas clair »
« J’ai demandé au staff si je pouvais recevoir une chance, on m’a répondu ‘non’. Je savais alors ce que je devais faire, je devais sauter sur tout », explique-t-il. À la question de savoir s’il aurait pu devenir lui-même champion du monde dimanche dernier, il répond « oui » en précisant qu’il était difficile de savoir s’il était plus fort que Julian Alaphilippe sur cette course. Il a également remis en cause la communication au sein de l’équipe, affirmant que « ce que l’on attendait de moi n’était pas clair ». Avant de confirmer qu’il a « tout fait pour l’équipe », comme il l’avait confirmé après la course.
« Un peu facile de changer de discours »
Le lendemain, après une reconnaissance des pavés de Paris-Roubaix, Wout van Aert, leader de cette équipe belge, a déploré les propos de Remco Evenepoel. « La tactique était selon moi claire, Remco était en phase, il était d’accord avec la sélection et avec la stratégie. C’est un peu facile de changer de discours, à 180 degrés, et de formuler des critiques quelques jours après la course. J’en ai plus entendu de sa part sur le plateau télé que lors de la réunion d’équipe avant le championnat… « , a-t-il lâché dans les quotidiens de Sudpresse. « Je n’ai pas été au rendez-vous dimanche passé, je m’attendais à des critiques diverses dès le moment où la Belgique n’a pas conquis le maillot arc-en-ciel. Mais je suis surpris que celles-ci viennent de l’intérieur de l’équipe. Honnêtement, je ne trouve pas très intelligent de la part de Remco de mettre ainsi de l’huile sur le feu… « , ajoute-t-il.
« Ne laissez pas les choses refroidir »
Alors que les deux hommes ont engagé un calendrier différent à la sortie de ces championnats du monde (Wout van Aert s’est concentré sur Paris-Roubaix alors que Remco Evenepoel s’est envolé pour l’Italie en vue du Tour de Lombardie), il s’annonce difficile de réunir les deux compatriotes d’ici quelque temps. Mais cette discussion à cœur ouvert doit avoir lieu pour crever l’abcès entre deux sportifs qui risquent de s’aligner ces dix prochaines années dans la même sélection belge. « Parlez-en, à cœur ouvert, sans s’acharner les uns sur les autres. Mettez tout sur la table et parlez de vos frustrations et vos espoirs déchus. Ne laissez pas les choses refroidir, et surtout ne les laissez pas se transformer en problèmes pour l’avenir. Car il y a encore beaucoup de Mondiaux à venir, vous savez », résume Tom Boonen dans Het Laatste Nieuws, lui qui a dû gérer un partage de leadership sur les Mondiaux avec Philippe Gilbert par le passé.
Sven Vanthourenhout, sélectionneur fédéral, connaît désormais la difficulté de gérer un groupe hétérogène, qui peut connaître des ambitions similaires. L’organisation de ces Mondiaux en Belgique a ajouté une touche de drame à ce fiasco belge, mais le coach va devoir prendre ses responsabilités pour mettre à table Van Aert et Evenepoel, et revenir sur l’ensemble des décisions et les choix du staff belge qui ont mené à ce Mondial. Au risque que le conflit dégénère, surtout dans des médias belges qui risquent de poursuivre cette polémique jusqu’au prochain Mondial…
Photo : Grégory Ienco
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