La chance sourit aux audacieux. Aussi et surtout aux plus puissants. L’Italien Filippo Baroncini l’a confirmé à l’occasion de son premier titre mondial obtenu chez les espoirs, deux semaines après sa deuxième place à l’Euro. Grâce à une course limpide et offensive des Italiens, il porte aujourd’hui le maillot arc-en-ciel pendant que les Belges pansent leurs plaies et leur déception, malgré la sixième place obtenue in extremis par le champion d’Europe Thibau Nys.
Les nombreux incidents qui ont émaillé le cortège menant au départ réel de cette course des espoirs donnaient le ton de cet après-midi dans le Brabant flamand : nerveux. « Je ne veux pas manquer de respect à ces coureurs mais certains n’ont pas l’habitude de rouler dans un peloton international, et certaines manœuvres font qu’on subit ces chutes. Rien que durant la neutralisation, on a eu trois ou quatre chutes », confirme le Belge Florian Vermeersch. Les rétrécissements et nombreux changements de directions n’aidaient pas à diminuer cette nervosité dans un peloton au sein duquel le nombre de favoris dépassait aisément la dizaine. Chaque nation veut se faire sa place, chaque leader joue des coudes et au fil des virages, les accidents s’accumulent. « C’était incroyablement nerveux. On peut s’y attendre sur un championnat du monde. Mais j’ai rarement connu une course avec autant de chutes. Tout le monde veut se porter à l’avant, certains coureurs ont moins d’expérience et cela mène à ce type de situations », ajoute Thibau Nys.
Mais au risque de contredire Florian Vermeersch et Thibau Nys, les maillots noir-jaune-rouge étaient plus souvent vus au sol que dans le peloton… Stan Van Tricht, Lennert Van Eetvelt et Arnaud De Lie abandonnaient rapidement leurs ambitions dans les 100 premiers kilomètres de course, après des chutes diverses. Le visage de De Lie, en pleurs, en disait long sur la déception du coureur wallon, toujours bien placé à la sortie de la Moskesstraat avant d’être accroché dans le premier peloton. Mondial terminé… Et avec autant de forfaits contraints, les coureurs belges avaient bien du mal à faire la course. Surtout dans un peloton aussi volubile. Et à la sortie du circuit « flandrien », après la deuxième montée du Smeysberg, ça ne manquait pas : aucun coureur belge ne s’accrochait au groupe de tête qui se composait de toutes les nations favorites. France, Italie, Pays-Bas, Allemagne, Etats-Unis, Suisse ou encore Australie avaient chacun au moins un coureur à l’avant pour éviter le travail de poursuite d’ici Louvain.
Trois coureurs perdus
« On a quand même perdu trois coureurs importants sur chute », rappelle Nys. « On a essayé de se débrouiller mais c’était difficile face à d’autres nations. On était juste trop peu pour contrôler les quelques kilomètres entre le circuit « flandrien » et le circuit de Louvain ». « J’étais fortement visé par tous les coureurs, et je n’ai pas réussi à prendre le bon coup. À chaque fois, il y avait quelqu’un sur moi dès que j’ai essayé de contrer. Et je ne pouvais pas sauter sur tout… », ajoute Florian Vermeersch, certainement l’un des plus costauds sur les difficultés du jour. Mais le coureur de Lotto-Soudal, parmi les favoris de ce Mondial, avait toujours un rival dans les pattes.
La sélection belge semblait alors toujours à contre-temps. Que ce soit lors de la tentative en solitaire du Suisse Mauro Schmid dans les vingt derniers kilomètres, ou après l’offensive surpuissante de l’Italien Filippo Baroncini sur les pentes les plus raides du Wijnpers, à six kilomètres du but. Une offensive aussi impressionnante que celle d’Hagenes, le matin même chez les juniors. Et comme pour le Norvégien, Baroncini, favori annoncé après sa deuxième place sur l’Euro, profitait de sa force et d’une mésentente parmi ses poursuivants pour conserver une avance suffisante à l’aube de l’ultime ligne droite.
« On avait décidé que si on arrivait en groupe, on tenterait de jouer la carte du sprint avec Arnaud (De Lie) ou Thibau (Nys). Mais avec les chutes d’Arnaud et de Lennert (Van Eetvelt) dans le final, il nous a manqué deux hommes pour essayer de contrôler la course », explique Florian Vermeersch. « Fabio (Van den Bossche) était encore présent sur le circuit de Louvain pour tirer mais malheureusement, ce n’était pas suffisant pour aller chercher Baroncini », dit le coureur de Lotto-Soudal, bloqué dans la dernière ascension du Sint-Antoniusberg, juste avant la flamme rouge, et contraint de laisser Nys se débrouiller seul dans le sprint final.
Baroncini : « Go, go, go »
Malgré le retour rapide du peloton dans le faux-plat montant menant à la ligne d’arrivée, Filippo Baroncini tenait la distance et célébrait son premier maillot arc-en-ciel avec les espoirs, quelques mois avant de rejoindre les rangs professionnels chez Trek-Segafredo. « C’est un rêve pour moi », confie l’Italien, très ému au moment d’entendre Fratelli d’Italia vrombir de la sono du podium. « Toute la journée a été stressante. Mais tout s’est parfaitement mis en place pour moi et mon équipe. Nous avons attaqué dans le final comme nous l’avions planifié. Tout s’est bien passé. Je me disais juste : go, go, go jusqu’à l’arrivée ». Et la victoire était dans la poche pour ce rouleur-puncheur qui a en prime célébré sa victoire avec ses équipiers Michele Gazzoli, Luca Colnaghi et Filippo Zana, respectivement classés 4e, 7e et 18ème. L’incroyable force de frappe d’une équipe italienne qui ne comptait pourtant sur aucun représentant du WorldTour.
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Un premier podium mondial pour l’Érythrée
Le podium de cette course espoirs endossait un côté historique avec le sprint ravageur de l’Érythréen Biniam Grmay pour obtenir la deuxième place, en tête du peloton, devant le Néerlandais Olav Kooij. « Je suis si heureux et fier », confirme le récent vainqueur de la Classic Grand Besançon Doubs, engagé l’été dernier chez Intermarché-Wanty-Gobert. « J’avais un peu peur des chutes sur ce circuit sinueux. Il y avait beaucoup de nervosité sur ce championnat. On n’a pas pu refaire l’écart avec Baroncini mais obtenir la deuxième place, c’est déjà top pour moi. Je rêve évidemment de devenir champion du monde. Et quand on commence à gagner, on se dit évidemment qu’on se rapproche de ce but ». Cette médaille est en tout cas une grande satisfaction pour l’Érythrée, nation cycliste qui multiplie les talents depuis une décennie, de Daniel Teklehaimanot à Merhawi Kudus en passant par Natnael Berhane.
Nys : « Heureux avec la 6e place »
La sélection belge se contente d’une sixième place pour Thibau Nys, à l’arraché dans ce final en pente. « Je pense que je peux être content de cette sixième place. Une place dans le Top 10 après ce que j’ai réalisé cette année, je pense que je peux être heureux. À la fin, c’était plus un effort comme je pouvais plus qu’un sprint », confirme le champion d’Europe, heureux de cette dernière prestation sur route avant de préparer son hiver de cyclo-cross. Avec l’espoir d’obtenir des résultats tout aussi probants et d’éviter les chutes avec le reste de la sélection belge.
Résultats de la course espoirs des championnats du monde de cyclisme sur route 2021 (Anvers > Louvain, 162.6 km) :
- Filippo Baroncini (Ita) en 3h37:36
- Biniam Grmay (Ery) à 0:02
- Olav Kooij (P-B)
- Michele Gazzoli (Ita)
- Lewis Askey (G-B)
- Thibau Nys (BEL)
- Luca Colnaghi (Ita)
- Paul Penhoët (Fra)
- Vinicius Rangel Costa (Bré)
- Luke Lamperti (USA)
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Photo : capture Eurosport
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