Le premier duel de la saison (sur route) entre Wout van Aert et Mathieu van der Poel, cela vous pose une affiche. L’organisation de l’E3 Saxo Classic pouvait se réjouir de ce choix deux grandes stars des Flandriennes d’ajouter une nouvelle fois la répétition officieuse du Tour des Flandres à leur agenda. Il restait encore à confirmer la condition des deux hommes sur ces « bergs » pour que le spectacle soit total. Au grand dam des Matej Mohoric, Julian Alaphilippe, Arnaud De Lie, Mads Pedersen et autre Biniam Girmay, relégués au statut d’outsider et de surprise s’il parvienne en tête devant le Forestierstadion.
Les premiers coups de Mathieu van der Poel sur le Taaienberg, sur le Boigneberg, sur les chemins de campagne d’Audenarde puis sur le Stationsberg montraient que le champion du monde était bien prêt pour ce rendez-vous flandrien. Pas question de patienter dans les roues de ses équipiers, le Néerlandais choisissait la solution offensive. Même s’il se retrouvait dès lors isolé à plusieurs reprises, malgré la course intéressante de Søren Krahg Andersen, MVDP lançait déjà un message clair à tous ses rivaux.
Dans le même temps, Wout van Aert réagissait toujours avec un temps de retard. Sur le Taaienberg, il paraissait même incapable de répliquer à l’explosivité du champion du monde, contraint de rester dans la roue de Mads Pedersen (Lidl-Trek). Il rassurait plus sur les offensives suivantes de Van der Poel, même en s’arrachant sur sa machine sur les pavés du Stationsberg, dont la légère pente permet aux deux habitués des cyclo-cross de faire parler leur puissance.
Une chute « stupide »
Et puis, patatras. À l’approche du Paterberg, Mathieu van der Poel se plaçait en tête du groupe des favoris pendant que Wout van Aert tentait tant bien que mal de remonter. Comme depuis le début de la classique, le coureur d’Herentals était trop loin pour réagir à temps. Là encore, il devait jouer de ses talents d’équilibriste pour revenir dans la roue de Stefan Küng (Groupama-FDJ), lui-même dans celle de Van der Poel. Dans la rigole, il tentait de déborder le coureur suisse en passant par les pavés. Mais sur un chemin légèrement humide, Van Aert bloquait sa roue et chutait sur le flanc droit, laissant tout le loisir au champion du monde de s’isoler en tête.
« C’était une chute stupide qui a évidemment changé la suite de la journée », a avoué le leader de Visma-Lease a Bike au micro de la VRT, après la course. « J’ai mal à la hanche et au coude sur le flanc droit. On va vérifier tout cela après le podium », a-t-il admis, confirmant des douleurs qui se sont réveillées au bout de l’effort. Wout van Aert a pourtant donné l’impression de se remettre rapidement sur les rails en attaquant dès le Vieux Quaremont suivant, pour un mano a mano avec Mathieu van der Poel, déjà trente secondes devant. L’effort semblait rude, vu le vent de face annoncé pour le retour sur Harelbeke. L’écart GPS diminuait pourtant au fil des coups de pédale : vingt, quinze, dix secondes même !
« J’ai mis beaucoup d’énergie pour cette poursuite. J’ai vraiment pensé que je pouvais boucher le trou », a avoué Van Aert à l’arrivée. « Mais j’avais du mal à maintenir le rythme sur la Karnemelbeekstraat (NDLR : la côte suivant le Vieux Quaremont). J’ai aussi manqué de force par la suite ».
« Moi aussi, j’ai pensé qu’il allait revenir »
« Moi aussi, j’ai pensé qu’il allait revenir », a également admis Mathieu van der Poel au micro de la VRT. « J’ai continué à rouler sur les mêmes puissances et c’est ainsi que j’ai pris le dessus, heureusement », a-t-il confié. Cela s’est donc joué à la pédale, sans plus, selon le champion du monde, qui n’a jamais semblé plier dans le long bout de plat vers Harelbeke, malgré une pluie de plus en plus intense.
Wout van Aert subissait pour sa part ces intempéries ainsi que les efforts consenties dans sa poursuite en solitaire. Il voyait ainsi ses plus proches poursuivants revenir au fil des kilomètres. Même si l’effort en solo semblait risqué, surtout avec Matteo Jorgenson (Visma-Lease a Bike) en support, les écarts à l’arrivée confirmaient que même une collaboration entre les meilleurs poursuivants ne pouvait contrer un tel Mathieu van der Poel, au-dessus du lot de bout en bout.
Le champion du monde avait le temps de savourer devant la caméra puis sur la ligne d’arrivée, saluant le public d’un geste de soldat. « C’est juste un emoji que j’envoie souvent à mes amis », rigolait-il à l’interview post-course. Jasper Stuyven (Lidl-Trek), d’une ultime bravoure dans les dix derniers kilomètres, franchissait la ligne une minute et demie plus tard, devant un Van Aert lessivé. « J’avais vraiment froid dans le final. J’étais quand même content que Stuyven m’ait rejoint pour terminer la course », a confié le coureur belge. « Je suis content de cette troisième place car c’est le mieux que je pouvais atteindre aujourd’hui. J’avais tout de même le sentiment que j’étais fort. Mais Mathieu était encore plus fort ».
Les signaux au vert pour MVDP
Il reste évidemment neuf jours en vue du Tour des Flandres, et il faudra encore bon nombre de données avant de désigner la hiérarchie sur papier : l’état de santé de Wout van Aert après sa chute sur le Paterberg, les efforts consentis par Van der Poel sur Gand-Wevelgem dimanche, ceux réalisés par son rival belge sur À Travers la Flandre mercredi, le retour de certains équipiers d’un côté comme de l’autre…
Le champion du monde a pourtant bien installé une pancarte d’ultra-favori sur son dos. Cette pression, il la connaît évidemment, il reste désormais à confirmer. Sur le plan physique, son ascension en deux courses à peine, confortée par un assist exceptionnel sur Milan-Sanremo et une victoire en solo sur l’E3, confirme qu’il n’a plus grand-chose à aller chercher avant le Ronde. Il ne lui manque quasiment qu’une équipe légèrement plus solide, au cas où il se fait surprendre en retrait. Mais même seul, il parvient à se dépatouiller… Quasiment tous les signaux sont donc au vert en vue du Ronde.
Du côté de Wout van Aert, par contre, il est difficile d’envisager du positif sur toute la ligne. Sans Christophe Laporte malade et Dylan van Baarle, éliminé sur casse mécanique, le Belge a dû se débrouiller avec Tiesj Benoot, encore une fois limite, et Matteo Jorgenson, qui confirme sa bonne forme de Paris-Nice et sa position de meilleur équipier sur ses Flandriennes. Trop souvent à l’arrière des groupes, il devra vite corriger cette erreur tactique car physiquement, il semblait proche de suivre Van der Poel. Mais pas encore pour le déborder. Avec une seule course au programme pour récupérer ces derniers pourcents nécessaires en vue du Ronde, Van Aert devra se sublimer dimanche en huit pour rêver d’une première victoire à Audenarde.
Surtout que d’autres formations seront bien là pour perturber les plans tactiques, à l’image des Lidl-Trek (en force avec Stuyven, Pedersen, Toms Skujins et Alex Kirsch), des Bahrain Victorious (avec Matej Mohoric et Fred Wright) et d’autres individualités tels Jhonatan Narvaez, Biniam Girmay ou Julian Alaphilippe.
Les résultats de la 66e édition de l’E3 Saxo Classic (Harelbeke > Harelbeke, 207.6 km) :
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