Le souffle d’Éole se fait toujours brutal sur Gand-Wevelgem. Lâcher quelques places à l’approche d’une ligne droite exposée au vent peut se révéler rapidement fatal. Un éventail se crée, un·e adversaire en quête d’un nouveau souffle s’écarte, et voilà qu’un groupe s’échappe sans autre possibilité de rentrer, si ce n’est l’espoir d’une réorganisation dès que la direction du vent ou de la route change. Comme souvent sur les routes de Flandre occidentale, ce scénario s’est répété, ajoutant de la tactique au physique. Il n’est pas simplement question de conserver les meilleurs jambes jusqu’à Wevelgem, il faut également parvenir dans les premières positions, une garantie qui n’est pas accordée aux plus costauds. Cela s’est confirmé lors de deux scenarii bien différents sur la course masculine puis féminine.
Courir de manière agressive
Sur la première épreuve, la décision semblait faite à la sortie des Moëres, cette fameuse ligne droite venteuse à souhait, qui disloquait le peloton en divers groupes. Une trentaine d’hommes parvenaient ainsi à se dégager parmi lesquels quatre représentants de Lidl-Trek, le champion du monde Mathieu van der Poel (Alpecin-Deceuninck), les sprinters Jasper Philipsen (Alpecin-Deceuninck), Tim Merlier (Soudal-Quick Step) ou Jordi Meeus (Bora-Hansgrohe),… Avant même l’arrivée dans la région du Heuvelland, où les monts se font plus nombreux, avant même les chemins empierrés de Ploegsteert, les principaux leaders au front prenaient une minute sur un peloton en difficulté. Il n’était toutefois pas question, pour les Lidl-Trek, de laisser la course se décanter sur ces passages attendus. « Nous voulions courir de manière agressive », a confirmé le directeur sportif Gregory Rast au micro de Wielerflits. Cela s’est confirmé à la sortie du premier passage sur le Mont Kemmel. Si Mathieu van der Poel faisait la meilleure impression physique, la prestation collective des Arlequins du peloton était à souligner avec trois hommes dans un groupe de six en tête.
Pousser Van der Poel au travail
L’équipe Lidl-Trek profitait de cette supériorité numérique pour user le moteur du champion du monde… même si cela n’était pas prévu, a encore admis Rast. Jonathan Milan, le sprinter attitré du groupe, partait en solitaire, permettant à Mads Pedersen et Jasper Stuyven de rester dans les roues de Van der Poel, Laurence Pithie (Groupama-FDJ) et Rasmus Tiller (Uno-X). « L’attaque de Jonathan Milan était la première stratégie pour mettre la pression sur les autres membres de l’échappée », a pour sa part expliqué au micro de la RTBF Pedersen, conscient que cette offensive pouvait jouer un rôle pour la suite.
Dans les Plugstreets, Van der Poel décidait en effet d’appuyer sur le champignon pour rentrer le plus rapidement possible sur Milan, à plus de 60 kilomètres de l’arrivée. L’effort semblait toutefois peser sur le Néerlandais, dont le visage grimaçait bien plus lors du second passage sur le Mont Kemmel. Lidl-Trek perdait alors son avantage numérique, après une crevaison de Stuyven et la fatigue accumulée par Milan dans son effort en solitaire d’une quinzaine de kilomètres. Pedersen restait toutefois en bonne place avec Van der Poel et Pithie, pendant que le reste de l’équipe bloquait la poursuite dans le peloton, toujours en retard. « C’était notre stratégie, de laisser Mathieu faire la plus grande partie du boulot », ajoutait le Danois à l’arrivée.
Pedersen fait impression
Pedersen montrait sur la dernière ascension du Mont Kemmel, la plus raide, qu’il était le plus fort du jour. « J’ai juste essayé de garder sa roue », a admis en conférence de presse Mathieu van der Poel, conscient qu’il allait devoir faire face à un sacré morceau d’ici Wevelgem. Le Néerlandais aurait pu prendre la décision d’éviter la collaboration avec son rival danois, préférant jouer la carte de Jasper Philipsen, toujours bien dans le peloton en poursuite. « Je devais prendre rapidement une décision », a-t-il confié à l’arrivée. Ce sera donc un duel entre les deux plus costauds du jour. Le peloton ne revenait qu’en toute fin de course sur un duo parfaitement en ligne.
Encore fallait-il désigner un vainqueur dans ce duo. « Je savais que Mathieu ne prendrait plus de relais dans le dernier kilomètre. De mon côté, je devais croire en mes qualités dans le sprint long pour ne pas me faire surprendre par un démarrage explosif de Van der Poel », a décortiqué Pedersen. Le Danois profitait de sa résistance pour lancer aux 250 mètres et empêcher son adversaire de le déborder. Pedersen place ainsi une nouvelle carte de visite en vue du Tour des Flandres et parfait la journée des Lidl-Trek, dans tous les bons coups pour épuiser le grand favori du jour et éviter un sprint massif. « Je n’avais probablement pas les jambes de vendredi, mais il y avait simplement quelqu’un de plus fort aujourd’hui », admettait simplement Van der Poel à la sortie du podium. La seule ombre du tableau pour les hommes de Luca Guercilena reste la perte d’Alex Kirsch, victime d’un impressionnant soleil dans la descente du Mont Kemmel.
Les résultats de la 86e édition masculine de Gand-Wevelgem (Ypres > Wevelgem, 253.1 km) :
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Wiebes protégée par Kopecky
Sur l’épreuve féminine, le vent a également étiré le peloton jusqu’à le briser en quelques groupes distincts. Les SD Worx-ProTime jouaient leur part dans cet émiettage, décidant de mener une course intense pour favoriser le sort de leur sprinteuse Lorena Wiebes, souvent placée, jamais vainqueure à Wevelgem. Les Lidl-Trek empruntaient pour leur part la tactique du groupe masculin, enchaînant les offensives pour bousculer l’équipe n°1 du peloton féminin. Cela ne suffisait toutefois pas à mettre en difficulté Wiebes et sa protectrice en chef, la championne du monde Lotte Kopecky (SD Worx-ProTime). Cette dernière faisait le tempo sur les deux montées du Mont Kemmel pour distancer les rivales trop justes dans les forts pourcentages. Mais le peloton revenait à chaque reprise. Moins nombreux, certes, mais avec les principales sprinteuses attendues sur le papier.
Prendre le relais ou attendre ?
Les SD Worx-ProTime prenaient la décision dans les 30 derniers kilomètres de laisser revenir ce peloton avec plus d’adversaires potentielles à devancer sur la ligne d’arrivée. Il fallait faire un choix osé, il a finalement été payant. « Marlen (Reusser) menait le rythme en tête, mais le peloton se rapprochait trop vite. Si je devais rouler avec elle pour garder la distance, je sacrifiais alors mon sprint. De plus, la route était encore longue jusqu’à l’arrivée », a expliqué Lorena Wiebes en conférence de presse, ajoutant que la décision est venue de la direction sportive de l’équipe. L’équipe sur laquelle tous les regards étaient posés s’est alors montrée plus discrète, ne laissant la seule Christine Majerus en tête dans le final ainsi que les autres équipes faire le sale boulot jusqu’aux derniers kilomètres.
Wiebes a ensuite suivi la bonne roue de Lotte Kopecky pour les 500 derniers mètres, et produit son effort aux 200 mètres pour devancer d’un boyau l’Italienne Elisa Balsamo (Lidl-Trek), également en verve après son succès sur la Classic Bruges-La Panne. « J’avais 100% confiance en Lotte. On continue à faire de belles choses ensemble », a confié la Néerlandaise, heureuse d’enfin décrocher la victoire sur Gand-Wevelgem, la première grande classique flandrienne à sa portée.
Là encore, la confiance de toute une équipe pour sa leader a permis à celle-ci de s’imposer sur une course pourtant indécise jusqu’au dernier jet de vélo sur la ligne. La force physique ne suffit pas pour s’imposer à Wevelgem, encore faut-il prendre les bonnes décisions. Pedersen et Wiebes ne peuvent qu’approuver.
Les résultats de la 13e édition féminine de Gand-Wevelgem (Ypres > Wevelgem, 171.2 km) :
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