80 organisations ont annoncé leur engagement en faveur de la Charte pour l’action climatique adoptée par l’Union Cycliste Internationale en septembre dernier. Ces organisations, qu’il s’agisse d’équipes professionnelles, de fédérations nationales ou d’organisateurs de courses (comme ASO, RCS Sport ou Flanders Classics, les sociétés en charge des courses majeures du calendrier), ont signé un texte en huit points, soit autant d’engagements en faveur d’une réduction de leur impact environnemental. Cette charte a été lancée par l’UCI afin de poursuivre ses objectifs en matière de durabilité et confirmer la responsabilité du monde cycliste de s’engager en faveur d’une action climatique globale, pour éviter un réchauffement de la planète trop important, qui pourrait détruire la biodiversité de notre planète.
« Si nous ne réduisons pas rapidement et significativement nos émissions, les coûts engendrés pour la société et le cyclisme augmenteront drastiquement. Le sixième rapport d’évaluation du GIEC est extrêmement clair : il est temps d’agir », confirme l’UCI dans sa charte, dans laquelle elle confirme son ambition de « réduire l’impact de notre sport sur l’environnement et (promouvoir) les avantages d’une utilisation accrue du vélo pour le développement durable ». « Par cette charte, nos organisations reconnaissent les étapes cruciales à franchir pour rendre possible la réduction rapide et significative des émissions de notre sport d’ici à 2030 », ajoute encore ce texte en introduction des huit engagements prévus.
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Quels sont les engagements proposés par la fédération internationale ? La mesure de son empreinte climatique, la promotion du vélo en tant que mode de déplacement, l’assurance que les effets du changement climatique sont pris en compte dans les plans futurs, la mise en place d’un système d’approvisionnement durable pour les événements et opérations, la réduction de la consommation d’énergie et l’approvisionnement par de l’électricité venue de sources 100% renouvelables, la réduction des déchets et l’accélération de la transition vers une économie circulaire, la priorité accordée aux transports à faible émission de carbone, et le respect de la nature et la sensibilisation des gens aux valeurs de la biodiversité, ses liens avec le sport et l’importance de sa conservation.
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L’UCI annonce qu’elle rendra compte des progrès réalisés par la fédération et ses signataires dès son prochain rapport annuel, en 2023 et qu’un état des lieux plus détaillé sera publié en 2024 après une analyse des rapports d’émissions. L’objectif est notamment de réduire radicalement les émissions du monde cycliste d’ici à 2030. Ce qui passera également par une large réforme du cyclisme professionnel.
Martin : « Mon mode de vie est plus polluant que celui d’un citoyen moyen »
Car le cyclisme professionnel reste un large émetteur de CO2 par ses compétitions aux quatre coins du monde, ses voyages en avion, en voiture ou en bus, ses caravanes qui peuvent dépasser les centaines de véhicules sur les plus grandes épreuves… Le cycliste français Guillaume Martin (Cofidis) le rappelle très bien dans une interview récente publiée sur le média Reporterre : « Mon mode de vie est plus polluant que celui d’un citoyen moyen. C’est évident. (…) C’est tout le paradoxe de ce sport qui se pratique avec un mode de déplacement doux. Oui, souvent le vélo finit dans l’avion. Et sur le temps d’une course cycliste, il y a certes 180 cyclistes, mais il y a autant, si ce n’est plus, de véhicules motorisés autour qui vont ouvrir la route — pour la caravane publicitaire — et les voitures des directeurs sportifs qui nous suivent ». Sans oublier les emballages plastiques, les bidons dans le même matériau, les vêtements cyclistes,… Mais Martin se veut optimiste : « J’ai le sentiment (…) que nous sommes déjà dans une phase où nous réduisons l’intensité des saisons, avec moins de courses et des objectifs mieux ciblés. Nous avons réalisé qu’on ne pouvait pas aller en permanence vers le toujours plus ».
Certaines équipes sont déjà sensibilisées à ces questions et annoncent des actions en coulisses, à l’image des équipes Quick Step ou Movistar, qui ont annoncé des plans pour compenser leurs émissions. Mais ce sont également les organisations et la fédération internationale qui doivent mettre le pied à l’étrier et montrer le chemin à suivre pour réduire drastiquement ces émissions. Le Tour de France peut se targuer de proposer des véhicules électriques pour sa direction de course, mais il serait temps de s’interroger sur l’impact de la caravane publicitaire et d’autres véhicules non-nécessaires à la survie d’une telle course. De même pour les transferts en avion : les organisateurs ont un rôle à jouer sur ce point. L’UCI devrait aussi veiller à mettre des règlements plus coercitifs pour éviter des déplacements trop lourds pour l’environnement, que ce soit pour le cyclisme sur route, sur piste, le VTT… Même si cela annonce par ailleurs des difficultés pour la fameuse internationalisation que la fédération veut mettre en place : comment promouvoir le cyclisme sous ses diverses formes, sur toute la planète, sans avoir une empreinte carbone trop importante ? Cela demande une gymnastique mentale qui sera intense au sein des instances dirigeantes.
Cela passera par de lourdes décisions et des déceptions, comme c’est le cas aujourd’hui dans le reste du monde. Mais le cyclisme se doit d’être un exemple et de montrer que son modèle peut également survivre à ces changements de paradigme. Car la nature, elle, ne patiente pas face aux atermoiements de certains… Le changement doit être rapide, au grand dam d’organisations qui souffrent déjà sur le plan économique et cherche à trouver de nouvelles sources de financements pour simplement assurer le déroulement de leur course. Ou d’équipes qui ont déjà du mal à boucler leur budget. Là est toute la difficulté de l’UCI. Il faudra bien plus qu’une charte, par exemple des mesures d’accompagnement, pour permettre à tous les échelons du cyclisme de survivre.