Si les sortants du Tour de France ont dominé la course olympique en ligne, la fraîcheur était nécessaire pour viser la médaille sur le contre-la-montre. Le Slovène Primoz Roglic a dominé de bout en bout l’épreuve individuelle, avec plus d’une minute d’avance sur Tom Dumoulin et Rohan Dennis. Trois histoires de retour à la lumière.
Intouchable Roglic
Leader dès le premier temps intermédiaire devant un impressionnant Tom Dumoulin, sur la côte la plus haute de ce circuit autour de Fuji, le Slovène Primoz Roglic n’a jamais perdu son rythme sur ces 44 kilomètres particulièrement ardus, avec plus de 800 mètres de dénivelé positif à avaler. Sur les ascensions, il faisait la différence par sa puissance sur le grand plateau, pendant qu’il récupérait dans les descentes vers le circuit automobile, afin de mettre encore un coup à ses adversaires sur les faux-plats montants menant vers la ligne d’arrivée. Cela s’est confirmé dans les temps intermédiaires. Comme l’a calculé notre confrère Yassine Ben Rajeb, Roglic a été le seul à réaliser deux tours de circuit sous les 28 minutes, ne perdant même que six secondes entre les deux tours. Intouchable donc.
La performance est d’autant plus exceptionnelle que l’état de forme du Slovène était en pointillés après sa lourde chute en début de Tour de France et son abandon en fin de première semaine. Sa prestation sur la course en ligne olympique ajoutait un peu plus de doute sur sa condition actuelle. Lâché dans le juge de paix qu’était le Mikuni Pass, le Slovène en a finalement gardé sous la cuisse pour dominer ce contre-la-montre avec plus d’une minute d’avance sur tous ses rivaux. «Je n’avais juste rien à perdre, je suis allé à fond du kilomètre zéro et me suis battu sur chaque kilomètre jusqu’à l’arrivée. C’était mon boulot, et je l’ai bien fait», se réjouit dans un calme olympien Roglic, qui s’est même permis de poursuivre une centaine de mètres après l’arrivée, concentré comme jamais sur son objectif.
«C’est super dur de garder la tête froide, surtout quand les choses ne vont pas dans le sens qu’on veut», clame encore le nouveau champion olympique du chrono à propos de son début d’été particulier. «À la fin, comme toujours, j’ai travaillé dur. J’ai essayé de continuer à y croire. Finalement, c’est moi, c’est Primoz. Tout est toujours possible. (…) Pour moi, c’est super bien après, disons toutes les choses difficiles qui se sont passés ces derniers temps pour moi. Cela a finalement payé, tous ces efforts réalisés de mon côté, du côté de ma famille, du côté de mes proches», salue encore le Slovène, désormais concentré sur le prochain Tour d’Espagne, sur lequel il peut clairement viser un troisième sacre consécutif au vu de son retour en force sur ces Jeux.
Dumoulin le battant
S’il est apparu quelque peu déçu au moment de l’officialisation des résultats de ce contre-la-montre pour spécialistes, le Néerlandais Tom Dumoulin a rapidement séché ses larmes pour afficher un large sourire sur le podium, au côté de son équipier durant l’année, Primoz Roglic. Avec plus d’une minute de retard sur le Slovène, il ne pouvait y avoir de regret dans le chef du Néerlandais, à peine revenu en compétition en juin dernier après une pause de six mois suite à des questions internes quant à son statut et sa carrière. Avec seulement 11 jours de course dans les jambes, le champion des Pays-Bas du contre-la-montre a retrouvé son meilleur niveau et l’a montré sur ce circuit nippon.
«J’ai décidé de revenir, spécialement pour cette journée», sourit Tom Dumoulin au micro de la télévision néerlandaise NOS. Et avec quel résultat : une médaille d’argent, comme à Rio en 2016 ! « La route a été difficile pour en arriver là. Je m’étais surentraîné durant l’hiver et j’en avais fini le cyclisme. Puis j’ai décidé de revenir. J’avais un objectif et je suis fier [de l’avoir atteint] », ajoute-t-il, avant de confirmer que Roglic «venait d’une autre planète» sur la course du jour.
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Tom Dumoulin rassure également : il ne va pas quitter le peloton sur cette deuxième médaille olympique. «J’ai décidé ces dernières semaines que j’aimais comment cela se passe actuellement. J’ai discuté de mon propre programme avec l’équipe. Comment allons-nous le façonner en vue de Tokyo et de l’avenir ? J’aime vraiment cette façon de faire. (…) Nous allons à nouveau nous réunir pour discuter de tout ça et des courses que je souhaite disputer. Ce n’est pas encore tout à fait au point mais je trouve que le cyclisme reste un sport méga cool et je veux encore m’y fixer des objectifs élevés», rapporte le Néerlandais, qui ne participera pas à la Vuelta mais compte prendre part aux championnats du monde de cyclisme sur route, en Flandre, fin septembre. Où il sera certainement nommé parmi les favoris pour le contre-la-montre individuel.
Dennis le revenant
L’Australien Rohan Dennis avait annoncé sa décision d’éviter en dernière minute la course olympique en ligne, afin de se concentrer sur le contre-la-montre. Et cela a partiellement réussi à l’ancien champion du monde de la spécialité, finalement troisième de cette épreuve olympique, pour seulement 4 dixièmes de seconde sur le champion de Suisse et d’Europe Stefan Küng. «C’est le sport mais ça fait toujours mal», confie le coureur helvète, toujours proche d’un grand résultat cette saison, mais à chaque fois privé du bonheur suprême.
Dennis, pour sa part, a dû se démener sur ce tracé pour rouleurs-grimpeurs face à Küng qui a mieux terminé le deuxième tour du circuit local. Il s’offre finalement une première médaille olympique après une cinquième place déjà difficile à obtenir sur le tracé tout aussi vallonné de Rio de Janeiro. Ses qualités ont cette fois parlé face aux purs rouleurs comme Küng et le champion du monde en titre Filippo Ganna, qui ont pioché dans la côte du Mont Fuji et ses passages à 7% au sommet.
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Annoncé en délicatesse avec le staff de l’équipe INEOS Grenadiers, Rohan Dennis a connu un Tour de Suisse difficile et ne semblait donc pas dans les meilleures conditions pour ces Jeux. Mais comme à l’aube de son titre mondial en 2019, c’est quand il est isolé et en difficulté que l’Australien réagit le mieux. Cela a encore payé sur ces Jeux. Avant un prochain transfert annoncé chez Jumbo-Visma ? La rumeur se fait en tout cas persistante. Ce nouveau départ pourrait en tout cas permettre à cet électron libre de se refaire la cerise sur les contre-la-montre et courses par étapes, comme à ses débuts chez INEOS.
Van Aert et Evenepoel ne pouvaient mieux
Dans le clan belge, difficile de parler de lourdes déceptions sur ce contre-la-montre olympique de haut vol. Tous les meilleurs rouleurs étaient présents, et il fallait sortir de solides performances pour croire en une médaille. Wout van Aert, dans la course pour le podium lors du premier tour du circuit de Fuji, a ensuite perdu ses illusions au deuxième passage sur la plus longue côte de la journée, terminant finalement sixième à 1:41 de Roglic. «J’ai connu des crampes dans cette montée. Là, j’ai peut-être perdu plus d’une minute sur le leader. Dans la dernière descente, j’ai pu me reprendre, mais ce n’était pas suffisant», confie le coureur de Jumbo-Visma au micro de la VRT. «Au niveau des chiffres, j’ai bien vu que je ne parvenais pas à atteindre le niveau que je peux atteindre. C’était peut-être la course en trop», ajoute-t-il, conscient toutefois d’avoir réussi ces Jeux avec une médaille d’argent sur la course en ligne.
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Parti dans le deuxième des trois groupes au départ, Remco Evenepoel a su se remobiliser après une course en ligne en dedans pour conquérir une neuvième place. « C’est difficile de dire que mon rythme était mauvais, parce que je savais que je ne devais pas aller trop vite, on peut facilement exploser sur ce parcours. Comme beaucoup l’ont fait« , confirme le jeune coureur belge, qui est resté constant avant de finir en boulet de canon. «J’ai fait tout ce qui avait été convenu au préalable. (…) Une place dans le Top 10 aux Jeux Olympiques est toujours agréable, surtout face à cette liste de partants. (…) Je pense que Wout et moi pouvons être fiers de ce Top 10. Nous avons donné le maximum sur un parcours vraiment difficile», dit Remco Evenepoel.
Mais le coureur de Deceuninck-Quick Step n’estime pas que cette prestation lui permet de songer à une place pour les championnats du monde. «Aujourd’hui, je choisirais Yves Lampaert et Wout van Aert pour le chrono. Je me battrai pour ma place mais Wout et Yves la méritent pour le moment», estime Evenepoel, qui se concentrera d’abord sur les championnats d’Europe dans le Trentin, où le chrono s’annonce encore une fois vallonné et idéal pour ses qualités.
Résultats du contre-la-montre masculin des Jeux Olympiques de Tokyo :
Photo : capture Eurosport
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