Cette sixième étape, première arrivée en altitude de ce Tour de France, annonçait du spectacle au vu de la pente finale à 20% sur la Planche des Belles Filles. Et dans les Vosges, ce sont bien les attaquants qui ont fait le show, avec une victoire d’étape pour le spécialiste des murs, Dylan Teuns (Bahrain-Merida), et le maillot jaune pour le récent meilleur grimpeur du Tour d’Italie, Giulio Ciccone (Trek-Segafredo), qui s’offre cette tunique pour son premier Tour grâce aux bonifications empochées tout au long de la journée.
Ciccone et Teuns, duel dans le mur
Cela faisait trois ans qu’un Belge n’avait plus trouvé le chemin de la victoire sur le Tour de France. Il n’était dès lors pas étonnant de voir un large contingent noir-jaune-rouge s’essayer à l’offensive dès les premiers kilomètres de cette étape de montagne dans les Vosges, entre le Grand Ballon et la Planche des Belles Filles. Cinq hommes venus du plat pays voulaient ainsi jouer les éclaireurs avec des objectifs différents. Alors qu’il avait annoncé un repos bienvenu, Tim Wellens (Lotto-Soudal) est reparti dans une échappée (sa troisième en quatre jours) pour aller prendre les points du classement de la montagne et conforter ainsi son maillot à pois.
Serge Pauwels (CCC) espérait refaire le même coup que sur le Mont Ventoux, avec Thomas De Gendt en 2016, mais a rapidement été lâché dans le col des Chevrères, avant-dernière ascension du jour. Alors que Xandro Meurisse (Wanty-Gobert) a pour sa part confirmé ses prétentions en moyenne montagne, tenant la bonne roue jusqu’à 3500 mètres du but. Un test réussi pour son premier Tour. Et enfin, il y avait Dylan Teuns (Bahrain-Merida), qui découvre également le Tour, avec toutefois un sacré bagage. Vainqueur du Tour de Wallonie, du Tour de Pologne et de l’Arctic Race of Norway notamment, le puncheur belge est surtout connu pour ses envolées lorsque la pente grimpe à deux chiffres. Alors, la Planche des Belles Filles semblait parfaite pour ses caractéristiques. “Je sentais que j’avais une chance aujourd’hui. Et quand la chance passe de se retrouver dans une échappée, il faut la saisir”, confie le Limbourgeois de 27 ans, en confiance après sa victoire d’étape sur le Critérium du Dauphiné, un mois plus tôt.
Encore fallait-il se défaire de l’Italien Giulio Ciccone (Trek-Segafredo), également débutant sur le Tour. Récent meilleur grimpeur du Tour d’Italie, où il a remporté une victoire d’étape, le cycliste de 24 ans, originaire des Abruzzes, a bien essayé de décrocher Teuns et semblait clairement le plus costaud dans la montée finale. Mais sur les pentes non-asphaltées à plus de 20%, Ciccone a craqué face aux assauts de Teuns. Le Belge n’a même pas eu le temps de célébrer sa victoire, vu la difficulté… “Déjà gagner cette semaine, c’est incroyable”, lâche-t-il. “Je savais que Ciccone était le plus dangereux. Et dans la Vuelta (l’an dernier), j’ai souvent manqué mon finish car j’étais trop impatient et je m’emballais. Maintenant, je savais que je ne devais pas laisser cela arriver. J’avais toujours Ciccone à l’oeil et je devais le mettre à plat dans le dernier virage. Je l’ai vu craquer, et je savais alors que je ne devais plus me rasseoir sur la selle. Et puis j’ai vu ma copine et mes parents à l’arrivée, c’était beaucoup d’émotions”. Teuns brille ainsi au plus haut niveau et se permet même de se replacer à la troisième place du général, derrière… le nouveau maillot jaune, Giulio Ciccone, qui profite des 8 secondes de bonifications sur le col des Chevrères et des 6 autres obtenues à l’arrivée.
Wellens a fait le boulot
Tim Wellens a donc réussi à garder ce maillot à pois qu’il n’attendait pas. Il a bien choisi les sprints à réaliser au sommet des difficultés rapportant le plus de points, et laissé son équipier Thomas De Gendt prendre la tête sur les sommets les moins importants. Wellens passe ainsi à 43 points et peut se reposer ce vendredi avec son tricot à pois rouges sur les épaules. Le Limbourgeois a même tenté de tenir le rythme des meilleurs jusqu’au dernier col de la journée, mais ses efforts et les pentes raides de cette 6e étape ont eu raison de ses ambitions dans les quatre derniers kilomètres. Il peut tout de même être satisfait de sa journée, la troisième passée en tête en seulement quatre jours. “J’y allais pour les pois mais aussi pour la victoire d’étape. Mais c’était compliqué dans la dernière difficulté, j’étais déjà content d’être avec les plus forts. Je suis un peu triste que Thomas (De Gendt) n’ait pas réussi à prendre l’avantage, et qu’il n’ait pas eu le prix de la combativité car il l’aurait mérité”, a encore expliqué Wellens au micro de la VRT, avant de passer deux fois sur le podium : pour le classement de la montagne et le prix de la combativité qu’il a lui-même remporté.
Alaphilippe était si proche
Les favoris ont donc laissé filer cette échappée, malgré le réveil des Movistar à près de 60 kilomètres de l’arrivée afin de reprendre un peu de temps sur les hommes de tête. Cela n’était pas suffisant et en prime, Mikel Landa et Nairo Quintana se sont retrouvés à se regarder à quatre kilomètres du sommet de la Planche des Belles Filles, lorsque Alejandro Valverde a dû s’écarter, faute de jus. Le Team INEOS a alors mis en route, sans toutefois afficher une domination aussi claire que par le passé : seuls Michal Kwiatkowski, Geraint Thomas et Egan Bernal étaient encore présents dans ce final. Puis la Groupama-FDJ a tenté de faire le forcing dans les dernières pentes pour Thibaut Pinot, salué par la foule, son nom inscrit tous les deux mètres dans les derniers kilomètres.
Mais le plus impressionnant restait la prestation du maillot jaune Julian Alaphilippe (Deceuninck-Quick Step). Le coureur français tenait la roue des favoris, même sur les pentes les plus abruptes, et se permettait en prime d’attaquer à 400 mètres de l’arrivée, sur le chemin en gravillons. À la pédale, le Français s’arrachait jusqu’au sommet, débordé par Thomas et Pinot, et semblait avoir conservé sa tunique dorée. Mais les bonifications engrangées par Ciccone ont eu raison de son rêve. Dur retour à la réalité pour le N.1 mondial qui semblait avoir fait le plus dur… Derrière, certains favoris comptent déjà les secondes : Adam Yates (Mitchelton-Scott), Michael Woods (EF Education First), Steven Kruijswijk (Jumbo-Visma) et surtout Romain Bardet (Ag2r-La Mondiale), pointé à plus d’une minute, ont déjà payé cher cette ascension.
Thomas surprend Bernal
L’autre enseignement parmi les favoris, c’est la hiérarchie au sein du Team INEOS. Geraint Thomas et Egan Bernal étaient annoncés comme leaders égaux mais sur la Planche des Belles Filles, les deux hommes n’ont pas terminé dans le même temps. On pensait le Colombien plus à l’aise sur ce type d’ascension mais Thomas a été le premier à revenir sur Alaphilippe, alors que Bernal souffrait avec les autres favoris à l’arrière. Le coureur britannique a donc bien l’avantage et s’est permis de reprendre quatre secondes à son équipier. Cela ne bouleverse pas encore le classement général mais les prochaines étapes de montagne risquent d’être encore plus animées. Surtout si le Team INEOS affiche la même fébrilité en montagne, avec les retraits de Wout Poels, Dylan van Baarle et Jonathan Castroviejo avant même l’avant-dernière ascension de la journée.
Résultats de la 6e étape du 106e Tour de France (Mulhouse > La Planche des Belles Filles, 160.5 km) :
Photo : ASO/Alex Broadway
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