Un parcours montagneux, quelques chances pour les rouleurs et les plus audacieux, et des candidats à la victoire qui ont déjà dû jeter l’éponge : les favoris de ce Tour de France s’annoncent bien plus nombreux qu’à l’accoutumée en raison des incertitudes qui pèsent sur nombre d’entre eux. L’annonce d’un spectacle explosif sur les routes françaises ? Attention aux surprises.
Geraint Thomas (G-B, Team INEOS)
Certes, les doutes étaient permis lorsque début juin, Chris Froome se fracturait le fémur et le coude sur la reconnaissance du contre-la-montre du Critérium du Dauphiné, entraînant son forfait pour le Tour de France et ces prochains mois. Le Team INEOS va-t-il se remettre de cet abandon contraint ? L’équipe ne manque pourtant pas d’atout en montagne, loin de là. Comme Geraint Thomas. Jusqu’à ce qu’il chute sur le Tour de Suisse, le laissant également sur le flanc pour quelques jours, à deux semaines du départ du Tour. Le Britannique affirme pourtant qu’il n’a pas subi de lourde blessure et a pu reprendre l’entraînement moins d’une semaine après sa chute. Suffisant pour être au meilleur de sa forme ? Durant cette saison, Thomas a connu des hauts et des bas, ne s’affirmant en tête du peloton qu’à l’occasion du Tour de Romandie, début mai. Thomas semblait alors suivre le bon rythme. Et depuis ? Le Gallois a manqué les étapes les plus musclées du Tour de Suisse et reste évasif sur sa condition depuis lors. Thomas est en tout cas habitué aux pics de forme et devrait donc être au rendez-vous. Mais sera-t-il au même niveau qui lui a permis de lancer quelques attaques cinglantes sur les hauts sommets français ? L’interrogation se pose là.
Egan Bernal (Col, Team INEOS)
Du côté du Team INEOS, Thomas ne sera pas le seul à prétendre à une bonne place au classement général sur ce Tour de France. Déjà en verve l’an dernier sur la Grande Boucle, à seulement 21 ans et avec une 15e place en prime, Egan Bernal a pris du galon en cette première partie de saison avec ses succès affirmés sur Paris-Nice et le Tour de Suisse. Le Colombien a confirmé son talent en haute montagne, et fait le boulot dans les contre-la-montre, tout ce que le Team INEOS demande. Du coup, au vu de ses performances récentes et de sa montée en puissance depuis deux ans, Bernal peut prétendre à une place de leader au sein de sa formation, même si le tenant du titre est également à ses côtés. On se retrouve finalement aux mêmes situations qu’en 2012 et en 2018 : un équipier de luxe annoncé qui risque d’être en meilleure position que son leader. La légère différence se situe dans l’expérience accumulée par l’ancien Team Sky : désormais, le groupe annonce qu’elle vient sur le Tour avec « deux leaders ». Donc, Bernal et Thomas. Afin d’éviter les velléités, autant considérer le Colombien comme un coureur capable d’aller piquer le maillot jaune au terme d’une longue journée en montagne. L’option est en tout cas bien réelle et vu l’équipe annoncée chez INEOS, ces journées montagneuses seront clairement longues pour leurs adversaires…
Nairo Quintana (Col, Movistar Team)
La saison dernière n’a pas été une grande réussite pour Quintana malgré des résultats encourageants en début de saison. L’été a eu raison de ses ambitions et le Colombien de 29 ans a rapidement envisagé une victoire d’étape sans plus penser au classement général vu ses premières étapes dans les cols manquées. Cette fois, Quintana revient avec une faim de maillot jaune, bien décidé à ne plus jouer sur les places d’honneur sur ce Tour qui semble lui échapper au fil des ans. Le coureur de la Movistar est annoncé comme le clair leader de l’équipe, et sera l’un des grimpeurs les plus attendus dans les Pyrénées et les Alpes, sur des pourcentages qu’il apprécie. Depuis le début de la saison, Quintana est resté légèrement en retrait : toujours parmi les favoris sans trop en faire, comme le confirment sa 2e place à Paris-Nice, sa 4e place au Tour de Catalogne ou encore sa récente 9e place au Critérium du Dauphiné. Ce résultat en juin doit-il annoncer un nouveau Tour difficile ? Quintana a en tout cas les moyens de frapper fort sur ce tracé qui fait place aux grimpeurs et puncheurs.
Adam Yates (G-B, Mitchelton-Scott)
Pour la première fois de leur carrière, les jumeaux Adam et Simon Yates se retrouveront sur le Tour de France. Les coureurs britanniques de 26 ans sont annoncés comme des favoris, mais c’est bien Adam Yates qui risque d’être mis en avant dans les cols, au vu de ses performances sur le Critérium du Dauphiné, légèrement éclipsées par son abandon surprise à 50 kilomètres de l’arrivée de la dernière étapes alors qu’il avait le maillot jaune de leader sur les épaules. Simon, vainqueur de la Vuelta l’an dernier, sort pour sa part du Giro particulièrement éreinté et se mettra surtout au service de son frère, comme Adam l’avait fait pour son jumeau lors du Tour d’Espagne 2018. Et au vu de l’équipe Mitchelton-Scott annoncée, le groupe australien peut clairement jouer le podium sur de telles routes. Il faudra toutefois qu’Adam Yates passe enfin un cap sur trois semaines pour croire au maillot jaune.
Jakob Fuglsang (Dan, Astana Pro Team)
Cette année sent la victoire à plein nez pour Jakob Fuglsang. Le coureur danois a réalisé un printemps exceptionnel, marqué d’un duel intense avec Julian Alaphilippe, et fait oublier son statut d’habitué des places d’honneur en remportant Liège-Bastogne-Liège, en avril, puis le Critérium du Dauphiné, trois semaines avant le départ du Tour. À 34 ans, Fuglsang semble au pic de sa carrière et peut profiter d’une équipe entièrement dédiée à sa cause pour rêver du paletot doré sur les routes françaises. Le Danois a ce sens de l’attaque qui peut lui permettre de surprendre les coureurs qui veulent cadenasser la course, et il a des qualités de descendeur qu’il peut dévoiler sur quelques étapes de montagne décisives. Fuglsang est donc attendu pour faire le spectacle avec ses équipiers Gorka Izagirre, Pello Bilbao ou Alexey Lutsenko.
Thibaut Pinot (Fra, Groupama-FDJ)
Le revoici sur le Tour. Après avoir tenté l’an dernier sa chance sur les routes du Giro avec un certain succès (3e avec une victoire d’étape puis 6e de la Vuelta), Thibaut Pinot relance son histoire avec ce Tour de France, qui lui a souvent semblé « trop ». La pression redescend quelque peu au fil des saisons, même si la presse française veut encore croire à une victoire d’un coureur de l’Hexagone dès cette année, vu les absences de Froome, Roglic et Dumoulin notamment. Mais Pinot ne se formalise plus de ces articles. Le leader de la Groupama-FDJ veut prendre du plaisir avant tout sur ces routes, et il ne manquera pas de ponctuer les cols de ses attaques bien senties. Vainqueur du Tour de l’Ain et 5e du Critérium du Dauphiné, Pinot a clairement ses chances d’accéder au podium voire mieux sur cette Grande Boucle vu le tracé proposé et les nombreuses possibilités accordées aux audacieux de récupérer des secondes de bonification par-ci par-là.
Romain Bardet (Fra, Ag2r-La Mondiale)
La France n’a pas qu’un seul espoir, elle en a deux. Avec Pinot, Romain Bardet pourra également faire parler la poudre dans les hauts pourcentages, avec une équipe parfaitement taillée pour ces efforts en montagne, malgré l’absence d’un Pierre Latour en plein doute depuis plusieurs mois. Le leader d’Ag2r-La Mondiale a surtout joué la carte de la discrétion et des stages durant ce printemps, espérant surtout monter en gamme d’ici juillet. Le coureur français de 28 ans n’a pas forcément rassuré sur le Dauphiné, restant en retrait comme Quintana, mais Bardet affirme bien être en condition pour viser le podium sur ce Tour de France. Il a en tout cas l’expérience pour accrocher un nouveau podium après sa 2e place en 2016 et sa 3e place en 2017.
Peter Sagan (Svq, Bora-Hansgrohe)
Pour la première fois depuis 2011, Peter Sagan arrivera sur les routes du Tour de France sans maillot distinctif sur les épaules. Pas de championnat de Slovaquie ni de championnat du monde au palmarès de ces dix derniers mois, le Slovaque arrivera donc comme nu dans le peloton de la Grande Boucle. Cela n’empêchera pas de Sagan de viser un septième maillot vert, qu’il peut clairement aller chercher au vu des étapes tracées durant ces trois prochaines semaines. Les étapes pour purs sprinters ne courent pas le calendrier, et Sagan s’est malgré tout rassuré sur le Tour de Suisse en cas d’arrivée massive : il a encore du punch et peut encore s’imposer dans un sprint. Ou du moins prendre les points nécessaires à la conquête de ce classement si particulier. Sagan reste le grand favori pour ce maillot vert même si Elia Viviani, Michael Matthews ou Caleb Ewan seront bien là pour tenter de le surprendre sur les étapes de plaine.
Julian Alaphilippe (Fra, Deceuninck-Quick Step)
Double vainqueur d’étape et maillot à pois du dernier Tour de France, Julian Alaphilippe a pris une nouvelle envergure ce printemps avec ses victoires sur le Strade Bianche, sur Milan-Sanremo et sur la Flèche Wallonne, enchaînant en prime avec une victoire d’étape sur le Critérium du Dauphiné en juin. Alaphilippe, à 27 ans, ne semble pas près de devenir un coureur spécialiste des Grands Tours. Son tempérament offensif et son explosivité peuvent surtout lui permettre d’agrémenter son palmarès d’étapes de prestige et de maillots distinctifs. Et les occasions seront nombreuses sur ce Tour de France, entre les Ardennes, les Vosges, le Massif central, les Pyrénées et les Alpes. Alaphilippe profitera d’un statut protégé chez Deceuninck-Quick Step et peut donc rêver d’un second maillot à pois, s’il poursuit ses attaques comme l’an dernier du moins. Il n’y a en tout cas aucune raison d’en douter.
Tiesj Benoot (Bel, Lotto-Soudal)
Pour la première fois depuis 25 ans, plus de 20 coureurs belges seront au départ de ce Tour de France, exceptionnel pour le plat pays vu le grand départ à Bruxelles. Le peloton belge ne peut toutefois raisonnablement pas rêver d’un nouveau maillot jaune à Paris, cinquante après la première victoire d’Eddy Merckx. Car peu de spécialistes de la montagne composent ce groupe. Greg Van Avermaet, Tim Wellens, Jasper Stuyven ou encore Yves Lampaert seront les coureurs attendus dans les étapes pour puncheurs. Mais pour le classement général, les espoirs principaux reposeront sur Tiesj Benoot, dont la récente 4e place sur le montagneux Tour de Suisse, peuvent permettre au leader de la Lotto-Soudal de viser un Top 10 sur ce Tour de France. Benoot n’a pas encore l’explosivité pour faire la différence dans les grands cols, mais il peut tenir la roue des candidats au maillot jaune. Il sera donc attendu dès les premières étapes de montagne, avec l’espoir d’une place d’honneur que la Belgique attend depuis Jurgen Van den Broeck au début de cette décennie.
Photos : ASO/Alex Broadway
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