Il n’y avait aucun doute, mercredi dernier, sur le tapis rouge de la Mediahuis : Remco Evenepoel était le nom tout indiqué au sommet du classement masculin du Vélo de Cristal, trophée remis par le quotidien flamand Het Laatste Nieuws pour le meilleur cycliste belge de la saison écoulée. Son titre mondial, sa victoire sur la Vuelta, son solo sur Liège-Bastogne-Liège : n’en jetez plus, la coupe est pleine. Comme en 2019, Evenepoel a triomphé face à Wout van Aert, dans un classement dessiné par d’anciens vainqueurs, des directeurs sportifs et des journalistes des quatre coins de la Belgique. Et chez les femmes, il n’y avait pas plus de contestation : Lotte Kopecky, multiple championne d’Europe et du monde sur piste, vice-championne du monde sur route et vainqueure du Strade Bianche et du Tour des Flandres, pouvait célébrer son troisième Vélo de Cristal consécutif.
Ce trophée est une tradition de la fin de saison. L’occasion pour Het Laatste Nieuws et la télévision privée VTM (dans le même groupe de presse) de réunir le gratin du cyclisme belge, de proposer petits fours et champagne aux champions et championnes de l’année, et de mettre en avant des interviews exclusives de celles et ceux qui font encore l’actualité. Et ce n’est évidement pas le seul média à proposer ce type de trophée. Het Nieuwsblad organise pour sa part le Flandrien, désignant tant les meilleurs cyclistes belges que les meilleurs internationaux de la dernière saison. En France, on attend avant chaque hiver le Vélo d’Or qui désigne le ou la meilleur.e cycliste de l’année sur le plan international. Des classements tracés principalement par des journalistes et qui fait, comme souvent dans ces cas, débat. Par la méthode de calcul des points, par les choix opérés par les uns et les autres, par la mise à égalité de multiples disciplines à la médiatisation aléatoire.
Un sacré mélange
Ces trophées ont en effet pour habitude de mélanger performances sur route, en cyclo-cross, sur piste ou en VTT. Ces multiples disciplines font évidemment la richesse du cyclisme, mais elles ne sont pas toutes jugées avec équivalence. Une Pauline Ferrand-Prévot a certainement des arguments à faire valoir avec son quadruple titre mondial empoché en deux mois sur VTT et en gravel. Mais face à Annemiek van Vleuten et son triplé sur les Grands Tours, ajouté à un titre mondial inattendu sur la route, qu’en sera-t-il vraiment dans la tête de journalistes principalement portés sur le cyclisme sur route ? Quid des performances d’un Tom Pidcock sur de multiples disciplines, pendant que Remco Evenepoel et Tadej Pogacar enchaînent les succès majeurs, bien plus médiatisés, sur le bitume ? C’est là la limite de ces trophées censés récompenser les meilleurs sportifs et meilleures sportives de l’année écoulée. Et je ne parle même pas du scandale du Vélo d’Or qui préfère mélanger les genres, avec en 2021 seule Annemiek van Vleuten nommée parmi tous les hommes (sur route évidemment).
Ces trophées sont avant tout là pour permettre aux médias qui couvrent habituellement le cyclisme sur route en long et en large tout au long de l’année de remplir leurs pages durant une période hivernale plus creuse, de créer l’événement et de publier ainsi interviews et reportages sur celles et ceux qui ont marqué la saison, de mettre en avant leur marque, de promouvoir leur légitimité médiatique. Mais sur le plan sportif, ces récompenses ne valent rien. Elles font du bien à l’égo et peuvent garnir une belle collection de trophées. Mais les succès glanés durant la saison, les victoires collectées en équipe et la place dans un classement UCI, lui-même contesté par son barème parfois surprenant, offrent bien plus de satisfactions professionnelles. Qu’importe le prestige de la publication qui accorde le privilège de la Une.