Parmi le peloton, il y a celles qui avaient coché le Tour de France de longue date dans leur calendrier. C’est le cas de l’Américaine Ruth Edwards (Human Powered Health), revenue à 31 ans dans le peloton professionnel après deux saisons de pause. « J’avais le Tour de France Femmes en tête quand je suis revenue dans le peloton », confirme-t-elle. « Le peloton est peut-être un peu plus rapide qu’en 2021, mais la course a toujours été difficile. J’ai l’impression que c’est toujours aussi compliqué aujourd’hui. Il y a toujours plus de femmes qui peuvent jouer la gagne », ajoute-t-elle à propos de la différence de niveau entre l’année de son départ et celle de son retour.
La Finlandaise Anniina Ahtosalo (Uno-X Mobility), maillot blanc de meilleure jeune sur les épaules depuis l’arrivée de la première étape, avait également la Grande Boucle en vue. « J’étais prévue sur le Tour dès le début de saison, du moins si je performais bien », indique la championne de Finlande. « J’ai constamment connu de bonnes performances au fil de la saison, cela confirme mon bon ressenti actuel ». Si elle a pu briller dès les premières étapes, la coureuse de 20 ans compte désormais épauler ses équipières pour une victoire. De même pour Ruth Edwards : « Notre objectif est avant tout collectif : gagner une étape », pointe la sociétaire de Human Powered Health.
“Je regardais à la télé”
Il y a aussi celles qui n’avaient pas imaginé découvrir le grand barnum du Tour dès cet été. « Je n’aurais pas pensé faire ça voici quelques années. Je regardais les filles du Tour de France à la télé, et maintenant je me retrouve à le faire », se réjouit la benjamine du peloton, la Française Elyne Roussel (St Michel-Mavic-Auber 93), à peine 18 ans. « Je n’avais pas forcément l’objectif d’être sur le Tour dès cette année, je ne ressentais donc pas de pression quant à une éventuelle participation. Les choses ont fait que durant la saison, j’ai commencé à plus penser au Tour. Aujourd’hui, je suis là. Je l’aborde sans pression, je suis là pour découvrir et prendre du plaisir ».
« Facebook m’a rappelé un souvenir d’il y a deux ans, un article dans lequel je disais justement que mon plus grand rêve était de disputer le Tour de France Femmes. J’y suis finalement, trois ans plus tard », sourit la Belge Audrey De Keersmaeker (Lotto-Dstny Ladies). La coureuse anversoise n’envisageait même pas une carrière professionnelle sur route en 2020 : elle s’était inscrite au programme « Koers zoekt vrouw » afin d’obtenir un contrat au sein de l’équipe de cyclo-cross Starcasino. Ses performances l’ont finalement mené à un contrat chez Lotto-Dstny Ladies, où elle a convaincu ses employeurs d’un ticket pour le Tour. Déjà échappée dès la deuxième étape, elle a obtenu le prix de la combativité, lui permettant de franchir un nouveau cap : un passage sur le podium de la course la plus médiatique du calendrier. « Mon grand objectif sur ce Tour de France était d’être dans une bonne échappée. Cela a finalement été une échappée… en solitaire. Cela compte malgré tout sur ce Tour de France », commente-t-elle.
“La différence avec le niveau .1 et .2 est immense”
Disputer le Tour représente un certain Graal, il demande toutefois un effort conséquent par rapport au reste du calendrier, surtout quand on vient d’une équipe continentale, comme St Michel-Mavic-Auber 93 ou Lotto-Dstny Ladies. « La différence entre les courses .1 et .2 et le WorldTour est immense », abonde Elyne Roussel. « On sent qu’on est sur une autre marche. J’arrivais à voir la tête du peloton dans les plus petites catégories. Ici, il faut s’accrocher. On a du mal à faire la course pour l’instant, mais c’est comme ça qu’on va progresser. » Alors, si une victoire ou un passage sur le podium sont clairement vus comme des bonus, l’objectif principal sur ce premier Tour reste simple : « Atteindre la ligne d’arrivée et prendre du plaisir tout au long de la semaine. Il reste encore de belles étapes. Quand le plaisir est là, le reste suit », explique Roussel. « J’essaierai certainement encore d’attaquer. C’est tout de même le Tour, cela donne envie », certifie De Keersmaeker.
Pieterse, l’exception de Liège
Il y a celles pour qui l’apprentissage se fait plus rapidement encore, à l’image de Puck Pieterse (Fenix-Deceuninck), vainqueure de la quatrième étape sur les routes de l’Amstel Gold Race et de Liège-Bastogne-Liège. À 22 ans, la Néerlandaise, adepte du VTT et du cyclo-cross, s’est offert sa première victoire professionnelle sur le Tour, rien que ça ! « Ces derniers jours, j’avais des super jambes. Aujourd’hui, je ne sentais rien, je volais », lâche-t-elle avant de grimper sur le podium pour profiter de ce premier sacre sur les routes mythiques de la Doyenne. « Gagner ici, dans un sprint face à Demi (Vollering), c’est un rêve qui devient réalité. (…) Je ne sais pas ce qui explique cette forme. J’ai tellement travaillé pour les JO. Si vous avez des bonnes jambes là, vous avez des bonnes jambes ici. »
Cela n’enlève pas la déception de Pieterse de ne rentrer de Paris sans médaille, la faute à une crevaison au plus mauvais moment lors de la course olympique de VTT cross-country, mais cela peut au moins l’atténuer quelque peu. « Cela reste décevant, mais je suis heureuse d’avoir utilisé cette bonne préparation pour gagner sur le Tour », admet celle qui jongle toujours entre trois disciplines (route, VTT, cyclo-cross). « Je n’ai pas l’impression de devoir faire un choix actuellement. Tout rentrait bien dans les blocs que j’avais prévu jusqu’aux Jeux et après. (…) Peut-être dans le futur, ce sera plus difficile. Mais ce succès confirme que quand vous êtes préparée et entraînée, vous pouvez gagner sur les deux terrains », ajoute-t-elle en conférence de presse.
La Néerlandaise sera désormais attendue au vu de sa prestation liégeoise. Elle ne veut toutefois pas engranger du stress à l’aube des prochaines étapes montagneuses du Tour. « Je suis curieuse pour les prochaines étapes, on verra ce que les prochains jours apportent. Il faudra voir ce que ma condition donne sur de longs efforts plutôt que sur des efforts de six à dix minutes », sur lesquels elle excelle grâce à son expérience du cyclo-cross et du VTT.
“Prenez du plaisir”
La championne de l’île Maurice Kim Le Court (AG Insurance-Soudal-Quick Step) sait pour sa part que la pression est plus importante sur sa personne, au vu de sa victoire sur la dernière étape sur le récent Tour d’Italie. Elle ne veut en tout cas rien manquer de cette épreuve dont elle estime bien la valeur. Fiévreuse mercredi matin à l’aube d’une quatrième étape qui semblait lui convenir à merveille, elle a finalement poussé jusqu’à une quatrième place inattendue à Liège : « J’ai terriblement envie de bien faire sur ce Tour de France. C’est ma dernière course de l’année et je ne veux pas laisser tomber l’équipe. J’ai juste poussé mon corps, en espérant que cela allait aller mieux au fil de la journée. J’ai décidé de tout donner aujourd’hui, et si demain, je ne me sens pas bien, tant pis. Sinon, je retenterai encore… » La Mauricienne reste optimiste quant à la suite de l’épreuve : « Je suis très enthousiaste et j’espère avoir encore de belles journées et de belles opportunités à l’avenir ».
L’avenir, ce sont ces jeunes cyclistes qui se lanceront ces prochaines semaines sur les routes, inspirées par les images de ces professionnelles à la conquête du maillot jaune. Audrey De Keersmaeker a un message pour ces filles qui rêvent d’un jour accrocher un dossard sur la plus grande course de la saison : « Prenez du plaisir, entraînez-vous mais continuez à conserver le plaisir, c’est très important. Profitez du vélo et ne vous mettez pas trop de pression. Si vous le voulez vraiment, cela viendra en son temps ».