Le 31 décembre 2028, il sera tout proche de son 35e anniversaire et à l’aube d’une potentielle douzième saison parmi le peloton professionnel… sur la route. Sur les cyclo-cross, il sera même au cœur de son quinzième hiver avec les élites. Mais sera-t-il encore prêt à enchaîner les compétitions à ce moment-là ? Il est évidemment impossible de prédire le futur, mais la signature annoncée lundi d’une prolongation de contrat de trois saisons au sein de son actuelle formation semble confirmer que l’avenir de Mathieu van der Poel est déjà prédéfini. Le multiple champion du monde (six fois en cyclo-cross, une fois sur route) a décidé de se lier jusqu’à fin 2028 avec Alpecin-Deceuninck, l’équipe WorldTour menée par les frères Christoph et Philip Roodhooft, les deux managers qui l’ont pris sous son aile dès ses premières années chez les juniors. Depuis ses débuts dans les labourés, le fils d’Adrie et petit-fils de Raymond Poulidor n’a jamais quitté cette structure, visiblement idéale pour sa croissance et son épanouissement.
Approche pluridisciplinaire
Les deux frangins de Morkhoven, désireux de mettre en place une structure ambitieuse dans les labourés autour de Niels Albert, avaient déjà en tête de former de futurs champions de cyclo-cross dès la création de leur groupe autour des sponsors BKCP ou Powerplus. Ils ne se doutaient certainement pas que l’un de ces jeunes talents allait se transformer en champion toutes catégories. Christoph et Philip Roodhooft connaissent bien Adrie van der Poel et ont donc profité de cette amitié pour attirer Mathieu van der Poel dans leur structure. Les managers de l’équipe ont ensuite réussi à trouver le bon équilibre pour la star néerlandaise, entre son hyperactivité, sa passion pour les diverses disciplines cyclistes, sa soif de victoires et son entourage. Peu de formations, dans les années 2010, proposaient la possibilité d’allier le cyclo-cross, la route et le VTT. Cette approche pluridisciplinaire est aujourd’hui plébiscitée par de nombreuses équipes, qui en ont compris l’intérêt marketing et sportif (INEOS Grenadiers, Movistar, EF Education-EasyPost…), mais les frères Roodhooft l’ont perfectionné pour offrir à leurs coureurs toute la liberté nécessaire à leur esprit de compétition.
La carrière de « VDP » n’a pas été jonchée que de succès et de courses maîtrisées. Il y eut ses problèmes de dos après sa chute sur le cross-country olympique de Tokyo, son abandon après des problèmes de voisinage aux championnats du monde sur route à Wollongong… Pourtant, Mathieu van der Poel a toujours su rebondir dans une équipe qui a pris soin de ne pas le désigner comme seul leader et pourvoyeur de victoires. Tim Merlier puis Jasper Philipsen sont également là pour éviter une pression supplémentaire au patron néerlandais. Kaden Groves et Axel Laurance sont également annoncés comme de potentiels à venir. Cet environnement paraît donc idéal pour celui qui a toujours pu tailler son agenda à sa guise, entre ses ambitions sur la route, dans les labourés ou les forêts.
« Assurer son bien-être mental »
« On voit souvent les meilleurs talents s’éteindre vers l’âge de 30 ans. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour éviter cela, car ce n’est pas dans son caractère de rouler dans l’anonymat. Soit il continue d’enchaîner les bons résultats, soit il ne le fait pas. (…) Nous devons aussi assurer son bien-être mental », a ainsi déclaré Christoph Roodhooft en septembre dernier au quotidien Het Nieuwsblad. Dans ce cadre, la prolongation de contrat de Van der Poel jusqu’à ses 34 ans, liée à la prolongation de son partenariat avec Canyon, annoncé comme cinq ans en tant que coureur et cinq ans en tant qu’ambassadeur, semble confirmer que le Néerlandais songe à cette fin de carrière qui s’approche. Comme déjà évoqué, il court déjà depuis plus de dix ans parmi les professionnels, l’idée d’une pause après une carrière aussi intense ne semble pas délirante. Enchaîner les saisons de cyclo-cross et sur route à un tel niveau (ajoutez deux Tours des Flandres, un Paris-Roubaix, un Milan-Sanremo, une étape du Tour de France et du Giro à son palmarès costaud), cela use, physiquement et mentalement. Il n’est donc pas interdit de penser qu’une retraite à 34 ans trotte dans un coin de sa tête.
D’ici là, Mathieu van der Poel a encore largement le temps d’étoffer son palmarès de quelques rêves évoqués : un titre olympique (sur route ou en VTT ?), un septième titre de champion du monde de cyclo-cross, Liège-Bastogne-Liège… Il lui reste désormais à gérer ces prochains mois avec minutie. Nul doute que son expérience glanée lui permettra de prolonger son état de forme au sommet du peloton. Cela s’est confirmé à Milan-Sanremo, dès son premier jour de course sur route cette saison. Le public, lui, doit en profiter, car un talent comme ça, il n’en sort pas tous les dix ans…