Le danger de mort ne devrait plus être un risque à vélo

Le décès de Tijl De Decker rappelle l’importance de la sécurité, tant dans les courses professionnelles que sur les infrastructures routières destinées à toutes et tous.
Remco Evenepoel Réaction 1re étape Tour d'Espagne Vuelta 2023 - Capture Eurosport
La réaction de Remco Evenepoel (Soudal Quick Step) après le contre-la-montre par équipes inaugural du Tour d’Espagne 2023 – Photo : capture Eurosport

Encore une victime. Encore un cycliste qui s’entraînait, vivait de sa passion, profitait de son métier. Jusqu’à ce fracas. Une voiture, sa tôle et ses vitres, face à un vélo d’à peine 8 kilos, un fin maillot, un casque léger, cela ne fait pas le poids. Tijl De Decker est décédé vendredi, deux jours après une collision avec un véhicule sur ses routes d’entraînement dans la région d’Anvers. Emmené à l’hôpital de Lier où il a été placé dans le coma après une opération d’urgence pour palier à ses premières graves blessures, il est malheureusement décédé des suites de ces lésions. Le cycliste belge de 22 ans, vainqueur de sa première course professionnelle en mars dernier sur le Tour de Taïwan avant de s’offrir Paris-Roubaix chez les espoirs en mai, devait démarrer son premier contrat professionnel en 2024. Il n’en aura finalement jamais l’occasion…

Ce décès rappelle la longue liste de celles et ceux qui ont perdu la vie sur leur deux-roues. Que ce soit à l’entraînement ou en course, à cause d’un tiers ou de problèmes de santé ignorés, en raison d’infrastructures défaillantes ou de problèmes d’organisation, le nombre de ces personnes disparues alors qu’iels roulaient à vélo est bien trop important. Un décès est un de trop, comme on dit en sécurité routière. La formule se veut encore plus flagrante quand on parle d’un sport professionnel, qui devrait permettre à celle ou celui qui a décidé d’en faire son job de le vivre en toute sécurité. Sans danger de mort.

C’est une marotte habituelle dans nos éditos précédents : l’Union Cycliste Professionnelle (UCI), les organisations de courses ou encore les syndicats de coureurs (CPA) sont souvent pointés du doigt comme les premiers acteurs qui doivent mener les mesures destinées à sécuriser le cyclisme professionnel. Car le spectacle ne doit pas entraîner l’insécurité. On l’a encore vu avec des exemples frappants durant ce dernier week-end. Sur le Tour d’Espagne, l’organisation a été tancée de tous les côtés suite aux averses qui se sont abattues sur la Catalogne. Le contre-la-montre par équipes, disputé en début de soirée, s’est transformé au fil des heures en spectacle en noir et blanc. Les orages ont laissé les cyclistes dans la pénombre, sur des routes urbaines glissantes à souhait, alors que les rouleurs devaient se relayer à près de 60 km/h à quelques centimètres l’un de l’autre. Le « zéro » affiché par Remco Evenepoel à l’arrivée de ce chrono inaugural en disait long sur le ressentiment du peloton. Celui-ci protestait à nouveau le lendemain, face aux images de routes inondées et aux descentes techniques attendues sur le circuit de Montjuic, final de la deuxième étape. Si certains, comme Jonas Vingegaard ou Evenepoel, ont plaidé pour une neutralisation complète de l’étape, l’organisation a décidé de proposer une prise des temps à 9 kilomètres de l’arrivée, avant le circuit final. Non sans de la confusion et des chutes en raison du stress inhérent à ce final tendu. Les favoris au classement général se sont finalement neutralisés d’eux-mêmes avant d’arriver dans le parc olympique barcelonais.

Autre exemple : le peloton s’est tout simplement arrêté à plus de 90 kilomètres de l’arrivée sur la cinquième et dernière étape du Renewi Tour, le Tour du Benelux, dans les côtes limbourgeoises. Le circuit final était jugé trop dangereux par les coureurs, déjà refroidis par des routes très étroites sur la première étape conclue au sprint. Pas question de réitérer l’exercice pour les candidats au général, qui ont finalement obtenu une neutralisation des temps avant la dernière côte du jour et sa descente jugée périlleuse. Dans le même temps, au Tour de Scandinavie féminin, une voiture de l’organisation devant les deux coureuses de tête, Elena Hartmann (Israel Premier Tech Roland) et Anya Louw (AG Insurance-Soudal Quick Step), ne prenait pas assez de champ dans un virage et contraignait les deux cyclistes à freiner pour éviter la collision. Le frein à disque a bloqué la roue arrière de Hartmann, qui a réalisé une cabriole impressionnante pour atterrir sur la hanche quand Louw était heureusement arrêtée par des coussins de sécurité contre un panneau de signalisation à l’extérieur de ce virage a priori anodin. Autant d’incidents qui rappellent que même les organisations professionnelles ne sont toujours pas au point pour éviter l’insécurité des cyclistes…

Cette sécurité ne doit toutefois pas se limiter aux courses, comme le rappelle malheureusement la disparition de Tijl De Decker. Les infrastructures cyclistes sont également nécessaires sur les voies publiques pour permettre de se déplacer à vélo en toute sécurité. Le risque zéro n’existe évidemment pas, mais minimiser ces risques est nécessaire alors qu’en Belgique, on dénombre encore plus de 100 décès d’utilisatrices et utilisateurs de cycles. En novembre 2022, le magazine Wilfried a notamment lancé le Plan Scieur, du nom de ce vainqueur wallon du Tour de France 1919 et ouvrier qui faisait tous les jours la navette entre Florennes et Châtelet à vélo. Ce manifeste, signé tant par des professionnels que par des passionnés (et que vous pouvez toujours soutenir en signant la pétition !), demande notamment « une révolution mentale » pour permettre de pratiquer le cyclisme sans mettre son intégrité physique en danger. Cela passe par des pistes cyclables sécurisées, des rues mieux adaptées à la mobilité douce, le respect de la distance de sécurité entre véhicules motorisés et les vélos, le respect des limitations de vitesse, des contrôles plus fréquents,… Car cela passe également par une politique favorable au vélo, une volonté claire des pouvoirs publics de mettre en avant ce mode de déplacement. Plus de cyclistes, cela représenterait également un vivier plus large de passionnés qui pourraient souhaiter faire de leur passion un métier à l’avenir.

Alors, il est l’heure d’avancer, toutes et tous, pour dénoncer toutes ces décisions qui font que le cyclisme est aujourd’hui un mode de déplacement et un sport dangereux. Et que les responsables politiques et de ce sport professionnel ont tout en leur pouvoir pour réduire ces dangers. Les cyclistes de la Vuelta ou du Renewi Tour ont déjà montré que ces dénonciations pouvaient faire bouger les choses, il est temps de les soutenir pour éviter de nouveaux drames à l’avenir.

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