Les articles se sont multipliés à la fin de la période des classiques printanières concernant la domination des équipes Jumbo-Visma, UAE Team Emirates et INEOS Grenadiers en ce début de saison. Il pourrait en être de même à la fin de ce mois de mai, après la succession de victoires de l’équipe SD Worx dans le peloton féminin. Rien que sur le mois de mai, le collectif s’est imposé sur deux étapes du Tour d’Espagne féminin, sur les trois étapes et le général du Tour du Pays Basque, sur les quatre étapes et le général du Tour de Burgos, sur Veenendaal-Veenendaal et sur les six étapes et le général du Tour de Thüringe. Une série de succès ininterrompue depuis le 12 mai ! Depuis le début de la saison, l’équipe néerlandais a enchaîné 32 victoires, soit plus de trois fois plus que ses plus proches rivales, DSM et FDJ-Suez. Et ce, grâce à sept cyclistes différences, sans oublier une victoire collective lors d’un contre-la-montre par équipes. La série de victoires sur le WorldTour féminin a seulement été arrêtée par le fait que la SD Worx a préféré éviter la RideLondon Classique pour participer au Tour de Thüringe féminin, réputé plus vallonné. Avec six étapes au programme, l’équipe a réussi à s’imposer durant les six jours de course, chaque jour avec une coureuse différente. La force de frappe de la SD Worx semble donc inextinguible.
« Nous avions l’ambition de dominer l’épreuve, mais pas de l’écraser de la sorte », réagit le directeur sportif Lars Boom à DirectVélo à propos de la domination affichée sur le Tour de Thüringe. Même si « le niveau n’était pas le plus élevé », il confirme que cette série de victoires, notamment de coureuses habituées au travail d’équipières, « va décupler le moral de l’équipe en vue des prochaines échéances ». C’est cette qualité collective qui permet justement au groupe de se présenter sur quasiment chaque course avec plusieurs co-leaders. Demi Vollering et Lotte Kopecky, Lorena Wiebes et Marlen Reusser, Lonneke Uneken et Mischa Bredewold… Un mix d’expérience et de jeunesse qui fait mouche au fil des saisons, encore plus cette année.
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Cette domination dans les chiffres interroge : les courses féminines ont-elles encore un intérêt si la même équipe enchaîne ainsi les trophées ? Il est à noter que les diverses courses par étapes espagnoles ont offert un beau suspense lors des kilomètres précédents l’arrivée. Mais à la fin, les qualités de la SD Worx lui permettent d’avoir toujours une cycliste supplémentaire, ce qu’il faut pour user les autres formations. Une force collective qui peut s’expliquer par la présence de plusieurs coureuses parmi les meilleures du peloton. L’équipe néerlandaise profite de l’un des plus larges budgets du peloton féminin, ce qui lui permet d’attirer les meilleures spécialistes, principalement pour les sprints et classiques. Mais ce n’est pas tout : l’équipe existe depuis 2010 via la structure Dolmans Landscaping et a grandi, petit à petit, avec des collaborations avec les clubs néerlandais pour découvrir les futurs talents néerlandais au plus vite. Une structure que SD Worx aide depuis 2020 par un budget plus conséquent.
Alors, faudrait-il limiter ce budget pour éviter que cette domination se poursuive et permettre aux autres équipes de retrouver les avant-postes ? L’idée est toujours un serpent de mer dans le peloton. En théorie, l’idée a du sens et permettrait de rééquilibrer les forces vives. Une équipe au budget bridé devrait alors faire des choix et permettre à d’autres pros de retrouver une autre formation qui a encore un budget restant à dégager. Mais le cyclisme est un sport collectif grâce à des individualités. Et si vous laissez à SD Worx une équipe avec Wiebes et Kopecky par exemple, le groupe restera toujours parmi les plus forts. Et les choix tactiques pourraient très bien mettre à mal cette proposition de « salary cap ». D’ailleurs, cette domination actuelle de l’équipe n’est pas une réalité depuis longtemps : l’an dernier, les équipes Trek-Segafredo, DSM et Movistar dominaient la SD Worx au nombre de victoires. En 2021, la SD Worx était cette fois devant, alors qu’en 2020, la Boels-Dolmans n’affichait pas la même force de frappe. Bref, les saisons se suivent mais ne se ressemblent pas.
Le succès actuel de la SD Worx s’explique surtout par le fait que la SD Worx disposait déjà d’un collectif solide et d’une bonne structure autour des jeunes pour faire le grand saut, en 2021, vers le WorldTour féminin tel qu’on le connaît aujourd’hui, avec un calendrier bien plus fourni et des courses plus intenses. La formation néerlandaise a également décidé de mieux choisir son programme et d’éviter un total de jours de courses trop lourd. Dans cette phase de professionnalisation du cyclisme féminin, l’équipe SD Worx semblait la mieux armée et le confirme désormais. Cette domination s’arrêtera bien un jour, car les équipes Trek-Segafredo, DSM ou Movistar affichent clairement leurs ambitions pour la deuxième partie de saison, à l’image de Charlotte Kool (Team DSM) ou Chloe Dygert (Canyon//SRAM Racing) sur la RideLondon Classique. La domination est aujourd’hui dans le camp du groupe de Danny Stam. Mais cela peut rapidement changer…