Le sommaire
Le moment-clé
Tout le monde l’attendait cette attaque. Et pourtant, elle a encore surpris. Par sa puissance, sa force. Le Slovène Tadej Pogacar avait prouvé sur le Tour des Flandres 2022 et encore sur l’E3 Saxo Classic, voici une semaine, que le Vieux Quaremont était la côte idéale pour lui permettre de dévoiler sa force sur une longue distance. Et cette année, il a remis le couvert. À deux reprises. D’abord à 55 kilomètres de l’arrivée, pour s’isoler une première fois, avant de voir le Français Christophe Laporte, le Belge Wout van Aert (Jumbo-Visma), le Néerlandais Mathieu Van der Poel (Alpecin-Deceuninck) et le Britannique Tom Pidcock (INEOS Grenadiers). Puis à 18 kilomètres de l’arrivée, dès les premiers pavés de cette côte mythique. Alors que Van der Poel peut compter sur son explosivité, Pogacar est pour sa part capable de tenir un effort un peu moins intense, mais beaucoup plus long. Et avec sa technique solide, le Slovène a mis le Néerlandais à l’amende en quelques mètres, avant de filer en solitaire vers l’arrivée. “C’était all-in”, comme il le raconte en interview après la course. Cette offensive n’était pourtant pas la première de la journée pour le Slovène, qui s’est dépensé sans compter sur les deux dernières ascensions du Vieux Quaremont, sur le Koppenberg, sur le Taaienberg puis en relayant Van der Poel sur son attaque du Kruisberg.
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Finalement, Pogacar a profité de ce dernier effort pour prendre une quinzaine de secondes d’avance. Suffisant pour gérer ensuite en un un contre un, avec le vent de face sur les huit derniers kilomètres jusqu’Audenarde. Même si le vainqueur l’avoue : il a failli craquer dans le Paterberg et sa pente à 20%. C’est d’ailleurs le seul endroit où Van der Poel a pu récupérer quelques secondes, avant de subir à nouveau la force de son rival slovène. Pogacar savait, lui, qu’il devait finir en solitaire pour éviter une nouvelle déroute comme l’an dernier. Mission réussie : “Pogi” a fait sauter ses adversaires un par un pour aller remporter son premier succès sur les Flandriennes. Et quel succès…
L’instant tactique
Nous sommes à 56 kilomètres de l’arrivée, le peloton arrive au deuxième passage du Vieux Quaremont. Après une bataille de placements avant d’aborder cette côte pavée étroite, les INEOS Grenadiers et les Groupama-FDJ semblent les mieux placés en tête de la meute. Puis, subitement, les UAE Team Emirates débordent sur la droite et lancent une accélération qui étirent le peloton sur ce chemin de campagne où le dépassement semble prohibé. Le Néerlandais Sjoerd Bax puis le Danois Mikkel Bjerg font un travail de sape dans les premières pentes du Vieux Quaremont avant que les pavés annoncent la première attaque déterminante de Tadej Pogacar.
Avant de se lancer, Pogacar jette un regard derrière lui. Il découvre alors que tous les grands favoris qui devaient suivre sa roue sont en fait au loin. Tom Pidcock est bien placé avec Magnus Sheffield pour assurer les intérêts des INEOS Grenadiers. Mais les Jumbo-Visma n’ont que Christophe Laporte dans les dix premières positions, alors que les Alpecin-Deceuninck sont encore moins nombreux. Mathieu Van der Poel et Wout van Aert sont roue dans roue, mais à plus de dix mètres de Pogacar au moment d’abord cette ascension décisive.
Et quand Pogacar lance son accélération, cela ne rate pas… Wout van Aert est seulement en neuvième position, et Mathieu Van der Poel est juste derrière. Le temps de réagir, “Pogi” a déjà pris quelques mètres qui se transforment en secondes. Et au sommet du Vieux Quaremont, le Slovène s’offre un avantage de quinze secondes, qu’il continuera à creuser dans le Paterberg suivant. Certes, Pogacar a ainsi fait un effort déjà conséquent, mais il avait ainsi pris un avantage psychologique sur des adversaires en délicatesse avec le positionnement, une donnée pourtant importante sur le Tour des Flandres.
La statistique
4, comme le nombre de monuments remportés par Tadej Pogacar à seulement 24 ans. Le Slovène s’offre même une troisième classique différente en seulement trois saisons. Déjà vainqueur de Liège-Bastogne-Liège (en 2021) et deux Tours de Lombardie (en 2021 et 2022), il ajoute le Tour des Flandres à son palmarès en prime. Par le passé, seul Eddy Merckx a fait mieux (ou presque) avant son 25e anniversaire. À l’époque, le Belge avait déjà remporté cinq monuments, mais seulement deux différents : trois Milan-Sanremo et deux Paris-Roubaix.
Tadej Pogacar est en outre le troisième vainqueur du Tour de France à remporter le Tour des Flandres, après… Eddy Merckx, encore, et le Français Louison Bobet. Enfin, Pogacar est le sixième coureur du XXIe siècle avec le plus grand nombre de monuments au palmarès, derrière Tom Boonen (7), Fabian Cancellara (7), Philippe Gilbert (5), Paolo Bettini (5) et à égalité avec Alejandro Valverde (4). Et dire qu’il n’a que 24 ans…
Les déclarations
Tadej Pogacar 🇸🇮 (UAE Team Emirates), vainqueur : “C’était incroyable. L’équipe a été incroyable. C’est un jour que je n’oublierai jamais. C’était une course très difficile dès le départ. Je savais qu’il fallait partir en solo sur le Vieux Quaremont, comme l’an dernier. J’ai tout donné. J’ai même failli craquer dans le Paterberg… Je savais que ça allait être difficile. Mais c’était la seule manière d’atteindre l’arrivée. Le Vieux Quaremont me convient parfaitement, en fait. On arrive vite sur les pavés, et avec cette vitesse, je peux mettre de la puissance jusqu’au sommet. C’est en ma faveur… Je peux prendre ma retraite aujourd’hui et être fier de ma carrière. (sourire) Je peux être super heureux de cette victoire. Milan-Sanremo est la classique la plus difficile à gagner. J’étais dans une des meilleures formes de ma carrière, cette année, et c’est très difficile à gagner. Mais je ne vais pas abandonner. Paris-Roubaix, je laisse encore ça en réserve. On verra… Je pense que je dois encore gagner quelques kilos et renforcer mes mains pour Paris-Roubaix“.
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Mathieu Van der Poel 🇳🇱 (Alpecin-Deceuninck), 2e à 0:16 du vainqueur : “Je me sentais très fort. Je pense que c’était même l’une de mes meilleures performances sur le Tour des Flandres. Mais aujourd’hui, Tadej (Pogacar) était à un tout autre niveau encore. Après le Paterberg, j’ai essayé de bien conserver mon rythme, j’avais encore un espoir de pouvoir refaire l’écart avec Pogacar. Mais il a réussi à bien garder cet écart, il mérite cette victoire aujourd’hui. (…) Au départ d’une course comme celle-ci, j’aime bien être à l’arrière, un peu relax. Je ne pensais pas qu’on allait avoir des cassures dans le peloton. Puis d’un coup, il y a eu un écart. Mais mon équipe a fait un super travail pour me permettre de revenir à quelques reprises aujourd’hui. Je suis fier de la manière dont j’ai roulé aujourd’hui. Je pense avoir quand même fait un bon coup dans le Kruisberg. Mais le problème aujourd’hui s’appelait Pogacar, qui était encore plus fort aujourd’hui. Mais j’ai une bonne relation avec lui. C’est phénoménal ce qu’il réussit à faire sur cette course. Je ne sais même pas s’il y a eu beaucoup de vainqueurs du Tour de France qui ont gagné sur le Ronde. Je savais déjà depuis l’an dernier et sur l’E3 qu’il est très fort. On l’a encore vu aujourd’hui.“
Mads Pedersen 🇩🇰 (Trek-Segafredo), 3e à 1:12 du vainqueur : “Je savais qu’il fallait que j’anticipe pour être en tête avant que les grands lancent leur attaque. J’ai bien réussi à faire cela, donc je suis heureux avec ce podium. Quand Pogacar m’a dépassé sur le Vieux Quaremont, je me suis juste dit : ‘Salut mon ami. On se voit plus tard’ (rires). Quand Mathieu (Van der Poel) m’a dépassé, je n’ai même pas essayé de le suivre. Je savais qu’il était plus rapide que moi et que si je tentais de le suivre, j’allais exploser et peut-être même être lâché du groupe de poursuite, derrière. Je connaissais mes limites. (…) Ce sera dur de gagner ce Tour des Flandres. J’espère que ce sera possible un jour. Mais maintenant, je profite déjà de mon podium. Je suis aussi concentré sur Paris-Roubaix qui arrive.“
Wout van Aert 🇧🇪 (Jumbo-Visma), 4e à 1:12 du vainqueur : “C’était un Ronde très chaotique, avec beaucoup de chutes. Et le final était très long et difficile. J’étais venu ici pour gagner, mais cela n’a pu être possible. La course s’était pourtant bien passée pour l’équipe. Nathan Van Hooydonck était dans un groupe dangereux et nous ne devions donc pas rouler, tant à l’avant qu’à l’arrière. Mais cela est rapidement devenu du homme contre homme, j’avais encore de l’espoir. Puis il est apparu que Pogacar et Van der Poel étaient plus fort. J’ai été surpris par l’explosivité de Van der Poel dans le Kruisberg. J’avais peut-être la tête trop tournée vers ce qui arrivait ensuite. Mais les jambes ont parlé. J’avais déjà perdu dans le Kruisberg. Si je ne savais pas suivre à cet endroit, je n’aurais pas pu suivre sur le Vieux Quaremont. J’ai encore essayé de ramener quelque chose. Mais je trouve cela dommage pour l’équipe que j’arrive juste hors du podium. Ils auraient au moins mérité cela.“
Stefan Küng 🇨🇭 (Groupama-FDJ), 6e à 1:12 du vainqueur : “J’ai essayé d’anticiper les mouvements. On était un bon groupe devant, mais on était à peu près tous du même niveau. C’était tellement difficile que personne ne pouvait produire un effort supplémentaire. (…) J’ai pu exécuter le plan et les gars ont réussi à bien me protéger jusqu’à ce que la course se lance. Je n’ai rien pu faire pour suivre Tadej Pogacar et Mathieu Van der Poel. Ils étaient un niveau au-dessus, et derrière, on était tous un peu cuits”.
Julian Alaphilippe 🇫🇷 (Soudal Quick Step), 51e à 8:03 du vainqueur : “Il y a eu beaucoup de chutes aujourd’hui. Je pense que l’équipe a fait une belle course, on ne pouvait pas faire grand-chose de plus. J’étais déçu de tomber, mais c’était dur à éviter. Je suis toujours convaincu que c’est une course que j’aime, que je rêve de gagner“.
Les déçus du jour
Le premier déçu du jour est logiquement Wout van Aert. L’équipe Jumbo-Visma a dominé l’ensemble des grandes classiques flandriennes de ce printemps, le groupe arrivait en confiance sur ce Ronde après les succès de Van Aert sur l’E3 et de Christophe Laporte sur Gand-Wevelgem et À Travers la Flandre. Mais au final, il y a cette frustrante quatrième place. Le Belge a aussi connu la guigne, avec ce genou écorché suite à la lourde chute massive à plus de 140 kilomètres de l’arrivée, mais il le confie lui-même, cela ne l’a pas gêné durant la suite de l’épreuve. Même s’il paraissait en pleine capacité de ses moyens sur le Taaienberg, il a finalement craqué sur le Kruisberg sur une attaque explosive dont Mathieu Van der Poel a le secret. Le constat est dur : il était simplement le moins fort des “3 fantastiques”, ce dimanche.
Chaos!! pic.twitter.com/AAhxbVMtNr
— Dieter Vanthourenhout (@vanthourenhout) April 2, 2023
Le Britannique Tom Pidcock semblait pour sa part sur une bonne voie. Bien placé dans le deuxième passage du Vieux Quaremont, il parvenait à suivre les efforts de Van Aert et Van der Poel dans leur poursuite de Pogacar. Mais dès le Koppenberg, le coureur anglais a dû baisser pavillon, trop juste. Il a longtemps fait équipe avec Christophe Laporte pour tenter de rentrer sur ces favoris. Avant de finalement subir la fin de course pour conclure dans un peloton à plus de huit minutes. Si peu de pronostiqueurs l’imaginaient aux avant-postes vu sa commotion cérébrale et son retour en compétition mercredi dernier, Pidcock a tout de même tenté sa chance. Mais cela n’a pas suffi sur plus de 270 bornes dans les monts flandriens.
Les plus déçus sont certainement les victimes de cette lourde chute provoquée par le Polonais Filip Maciejuk (Bahrain Victorious), à près de 140 kilomètres de l’arrivée. Alors qu’il tentait de remonter le peloton sur le côté droit de la route, sur un espace prévu pour le stationnement, il était surpris par la pelouse et une flaque d’eau qui le faisaient dévier de sa ligne pour finir… sur la route, devant le peloton fonçant à toute allure vers les premiers monts de la journée. Maciejuk a ainsi envoyé une cinquantaine de coureurs au tapis dont le Slovaque Peter Sagan (TotalÉnergies) ou le Belge Tim Wellens (UAE Team Emirates), envoyé à l’hôpital avec un soupçon de fracture de la clavicule. Le Polonais a été directement disqualifié et s’est excusé sur Instagram pour son geste : “Cela n’aurait pas dû arriver et c’était une grosse erreur de jugement de ma part. Je n’avais pas l’intention de causer cela. Tout ce que je peux faire maintenant est de m’excuser et apprendre de cette erreur pour le futur”.
Parmi les autres blessés, notons aussi les abandons de l’Érythréen Biniam Girmay (Intermarché-Circus-Wanty), désormais malchanceux après une autre chute sur Gand-Wevelgem, et du Slovène Matej Mohoric (Bahrain Victorious), qui a provoqué sa chute et celle de Girmay en touchant la roue arrière de son adversaire dans un moment tendu dans le peloton.
Le résumé en vidéo
Les résultats
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