Depuis quelques mois, une tendance me marque particulièrement : bon nombre de coureurs des années 1989 et 1990 prennent “déjà” leur retraite. Tom Dumoulin, Thibaut Pinot, Peter Sagan, Fabio Arù… : autant de coureurs de talent qui se sont révélés avant leurs 23 ans, qui ont enchaîné les résultats de prestige ainsi que les galères, qui ont décidé de ne pas prolonger outre mesure leur carrière déjà réussie sur la route. La vingtaine d’années dans le peloton professionnel, cela demande une sacrée motivation, une condition incroyable et une force mentale. Autant de conditions difficiles à réunir dans un sport aussi demandeur et dangereux que le cyclisme.
Dans le même temps, ces dernières saisons ont permis la révélation de nombreux jeunes talents, parfois à peine âgé de la vingtaine. Egan Bernal, Remco Evenepoel, Tadej Pogacar, Tom Pidcock… : les exemples ne manquent pas et semblent conforter le peloton dans une nouvelle norme. La jeunesse au pouvoir ? Plutôt l’avènement de talents précoces aux capacités naturelles impressionnantes. Certes, les équipes de développement et les scouts des formations WorldTour sont de plus en plus rapides pour repérer les juniors qui feront les podiums de demain. Mais certains ont des qualités intrinsèques qui les ont placés directement au sommet, à l’image d’un Pogacar déjà double vainqueur du Tour de France à 22 ans, un Evenepoel vainqueur de la Vuelta et champion du monde à 22 ans, un De Lie déjà leader de sa formation à 20 ans… Et les équipes WorldTour, dont le budget dépasse rapidement les 10 millions d’euros, ne comptent plus leur partie consacrée au développement pour repérer leur successeur.
De la concurrence aussi pour la formation
Cet enchaînement de stars précoces fait presque oublier que la préparation des jeunes coureurs est un processus qui peut prendre du temps. Bien entendu, les formations espèrent avant tout engager les meilleurs espoirs pour engranger des résultats très rapidement, particulièrement quand les classements par équipes prennent tellement d’importance pour accéder au WorldTour ou simplement y rester. Mais la formation reste le meilleur moyen d’assurer l’avenir de son groupe. C’est le choix notamment fait par Lotto-Dstny, qui a mis en place depuis cinq ans une politique destinée à mettre en avant les jeunes Belges vers le haut niveau. L’équipe Bingoal WB souhaite également mettre en place cette dynamique, même si, comme l’explique son manager Christophe Brandt, il devient de plus en plus difficile de conserver des juniors dans l’équipe, vu la concurrence des groupes du WorldTour qui ont désormais leur propre équipe de développement.
Et ces jeunes formés ont besoin d’un peu plus de temps pour engranger des points, voire des victoires. Ce qui fait parfois oublier leur âge et le fait que les cyclistes, en moyenne, atteignent leur pic de carrière après quatre à cinq saisons chez les professionnels, le plus souvent, vers 27-28 ans. Alors, pendant que Pogacar s’amuse sur la Clasica Jaén Interior, d’autres jeunes commencent à émerger, même s’ils ont dépassé l’âge des espoirs. Kobe Goossens (26 ans), Jenthe Biermans (27 ans – vidéo ci-dessus), Ben Turner (23 ans), Matteo Jorgenson (23 ans) ont tous remporté leur première victoire professionnelle cette saison et n’ont pas la précocité des jeunes cités précédemment. Et pourtant, ils continuent leur progression vers le plus haut niveau et confirment qu’il faut du temps pour grandir. Un temps qu’on ne laisse parfois plus à ces jeunes cyclistes dont la rentabilité est désormais additionnée dans les classements UCI. Laisser du temps, cela demande de la confiance et de la patience. Mais c’est un investissement et un risque à prendre pour assurer le futur de ce sport.