Championnats du monde sur route 2022 à Wollongong : Remco Evenepoel met le monde à ses pieds

Parti en solo à 25 kilomètres de l’arrivée, Remco Evenepoel s’offre à 22 ans le titre mondial après Liège-Bastogne-Liège et la Vuelta.
Remco Evenepoel champion du monde sur route 2022 - Capture Eurosport
Le nouveau champion du monde sur route Remco Evenepoel – Photo : capture Eurosport

Existe-t-il encore un mot simple pour décrire la carrière de Remco Evenepoel et les exploits qu’il enchaîne à seulement 22 ans ? A-t-on encore suffisamment de termes en réserve pour commenter les victoires qu’il empile au fil des saisons ? Peut-on encore imaginer plus grande réalisation de la part d’un coureur qui privilégie la manière pour magnifier ses succès ? Gagner Liège-Bastogne-Liège en solitaire, d’une attaque en solitaire à près de trente kilomètres du but, représentait déjà le pinacle de sa carrière. Remporter le Tour d’Espagne après plus de deux semaines à la tête du classement général confirmait son statut unique, grâce à un premier succès belge sur une course de trois semaines attendu depuis 1978. Alors, poursuivre cette même saison avec un titre mondial sur la course en ligne, une semaine après une médaille de bronze sur le contre-la-montre, confinait au rêve. Cela tombe bien : Remco Evenepoel le façonne en réalité. Sous le soleil de Wollongong, le gamin de Schepdaal et l’équipe belge ont mené une course tactique parfaite pour glaner le plus beau maillot du peloton. Un exploit pourtant attendu, un résultat exceptionnel presque anodin dans le chef d’un coureur qui a érigé la victoire en habitude. À seulement 22 ans, il devient le premier coureur à s’offrir le titre de champion du monde en plus d’un monument et d’un Grand Tour, depuis un certain Bernard Hinault en 1980. Ce dernier avait alors 25 ans et déjà deux Tours de France, un Liège-Bastogne-Liège et un Tour de Lombardie dans la besace. C’est dire…

La course n’a évidemment pas été un long fleuve tranquille pour une sélection belge qui devait se rattraper après le fiasco de Louvain, l’an dernier. Cette fois, avec deux leaders clairement annoncés et visiblement plus unis qu’en 2021 – Wout van Aert et Remco Evenepoel pour les nommer -, l’objectif était d’être présent dans tous les coups et de ne pas prendre la course en mains avant les derniers tours de circuit dans le centre de Wollongong. Dès les offensives des Français Romain Bardet et Pavel Sivakov dans le Mont Keira, à plus de 220 (!) kilomètres de l’arrivée, Wout van Aert répondait présent en suivant le bon coup que Tadej Pogacar, Stefan Küng ou Bauke Mollema ne manquaient pas non plus. Ce premier coup de force ne menait toutefois pas à une course de mouvements aussi ahurissante que ce départ. Une échappée matinale parvenait à se constituer par la suite. Sans favori ou outsider, mais avec des solides coureurs de chaque grande nation, tels Sivakov, l’Australien Ben O’Connor, le Belge Pieter Serry ou l’Italien Samuele Battistella.

Bardet : « Marquer Remco le plus longtemps possible »

Une attaque du Français Quentin Pacher à quatre tours de la fin permettait à un nouveau groupe de s’isoler du peloton. Parmi les 25 coureurs, la Belgique plaçait Stan Dewulf, Quinten Hermans et… un certain Remco Evenepoel. Les Français suivaient avec Romain Bardet et Florian Sénéchal. Avec un seul objectif : garder le meilleur représentant belge dans ce groupe. « On était bien à quatre devant. J’ai essayé de marquer Remco le plus longtemps possible. J’ai réussi à le suivre trois, quatre fois, puis à un moment, il a réussi à prendre dix mètres et je n’ai pas su boucher », explique au micro d’Eurosport Romain Bardet, sans arme face au rouleur en noir-jaune-rouge. « Quand Remco Evenepoel est sorti avec le groupe Bardet-Pacher, on a peut-être manqué un peu de vigilance. C’était assez loin de l’arrivée, mais on aurait peut-être dû avoir Valentin (Madouas), Benoit (Cosnefroy) ou Julian (Alaphilippe) dans le groupe. Mais à ce moment-là, si on y va aussi, cela n’aurait pas roulé de la même manière, Van Aert aurait aussi tenté… », analyse pour sa part le sélectionneur français Thomas Voeckler sur Eurosport. Preuve de cette crainte française : Valentin Madouas a tenté de sortir au tour suivant, permettant au peloton de revenir à une minute du groupe Evenepoel. Mais à deux tours de l’arrivée, la messe était dite.

https://twitter.com/UCI_cycling/status/1573935272756068352

Comme l’a expliqué Bardet, une fois, deux fois, trois fois, Evenepoel a attaqué sans trouver l’ouverture. Puis au sommet de la dernière butte menant à la flamme rouge, le leader belge a développé ses jambes de contre-la-montre pour mettre dix mètres dans la vue de ce groupe de tête. Le Kazakh Alexey Lutsenko, très remuant, suivait, la mâchoire serrée, les jambes déjà toxinées. « Je voulais vraiment marquer le plus possible Evenepoel. Il m’a surpris sur le plat… Il était juste bien plus fort. L’objectif était surtout qu’il ne prenne pas trop de champ pour qu’on puisse rentrer derrière », ajoute Bardet. Mais la cohésion dans la poursuite restait aléatoire, les coups désespérés s’enchaînaient et pendant ce temps, le duo de tête creusait un écart qui passait rapidement la demi-minute à moins de 25 kilomètres de l’arrivée. Suffisant pour un rouleur de la trempe d’Evenepoel qui décidait dans l’avant-dernière ascension du Mont Pleasant de finir le travail seul, pendant que son équipier Hermans suivait les coups pour éviter tout retour. « J’ai rapidement senti que j’étais plus fort qu’Alexey (Lutsenko) et je me suis dit que c’était mieux pour moi de poursuivre en solitaire, car il n’y a pas de temps à perdre sur un tel circuit », sourit le Brabançon après l’arrivée. « J’ai essayé, mais j’avais déjà laissé beaucoup d’énergie pour aller dans les bonnes échappées. Même si j’ai accompagné Remco (Evenepoel), après six heures de course, mes jambes ont explosé. Je ne pouvais plus rien faire. Remco était juste le plus fort », réagit sur Eurosport Alexey Lutsenko, en panne dans les derniers kilomètres.

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Van Aert : « Evenepoel était le plus fort aujourd’hui »

La poursuite derrière le coureur belge était toujours anarchique, permettant au coureur de tête de prendre plus d’une minute d’avance sur ses poursuivants les plus dangereux à l’entame du dernier tour. Et près d’une minute et demie au sommet de la dernière grimpée du Mont Pleasant. « La dernière ascension était très difficile, j’ai senti mes jambes qui explosaient… », admet quand même Evenepoel, humain malgré tout. « Je savais au sommet que c’était quasiment terminé, il n’y avait plus qu’une longue descente et cinq kilomètres de plat jusqu’à l’arrivée. On est venu me dire à plusieurs reprises que mon avance était de plus en plus grande. C’est pour ça que j’ai continué à pousser : lors d’un championnat du monde, tu ne veux pas perdre la moindre seconde pour gagner ce maillot ». Le public devant la télévision a toutefois dû s’interroger sur la décision belge de faire attaquer Wout van Aert à deux tours de la fin, mais faute d’images plus importantes de la poursuite menée à l’arrière, il était difficile de savoir ce qu’il se passait dans la tête du deuxième leader belge. « Avant la course, on avait décidé que si Remco était dans un grand groupe, j’avais la liberté de courir derrière lui dans les deux derniers tours. Et même si je l’avais rejoint, nous aurions été dans une meilleure situation encore. Puis, on a su dans le dernier tour qu’il était seul devant. Et quand je vois comment Remco a réussi à finir le travail, cela confirme qu’il était le plus fort aujourd’hui », raconte van Aert au micro de Sporza, confirmant que l’absence d’informations claires sur le circuit a pu perturber les plans de chacun. Même Evenepoel a demandé à plusieurs reprises à la caméra qui le suivait quels étaient les écarts…

Cette image étonnante d’un Van Aert attaquant en tête des favoris pendant que son compatriote filait en solitaire vers son premier titre mondial chez les élites n’était finalement qu’une parenthèse dans une tactique collective belge parfaitement huilée. « La tactique était que Remco prenne une échappée plus tôt dans la course, avec Quinten (Hermans) pour l’accompagner. C’était donc une situation parfaite pour l’équipe et pour moi », confirme Van Aert. « Nous avons vraiment roulé comme une équipe aujourd’hui. Comme nous l’avons dit auparavant : quelle que soit la manière, on veut décrocher le titre en tant qu’équipe. Wout avait sa chance, moi aussi : mon opportunité était de partir de loin, celle de Wout était de suivre et d’attendre le sprint. Je pense que nous le méritons tout simplement », ajoute Evenepoel. « C’est facile à dire après coup, mais tout s’est passé comme nous l’avions prévu », relance le sélectionneur belge Sven Vanthourenhout à Sporza. « C’est le scénario que nous avions en tête avec Remco (Evenepoel). Je savais qu’il avait des super jambes, il l’avait montré lors du contre-la-montre et ces derniers jours, tout allait parfaitement. Dans l’équipe, tout le monde était prêt. Alors que les autres nations ont pris un risque en lui donnant autant de liberté », sourit-il.

Evenepoel : « J’ai gagné tout ce que je pouvais »

Une liberté dont il a largement profité comme sur ses précédents succès sur la Clasica San Sebastian, sur la Course des Raisins à Overijse, sur la Brussels Cycling Classic, sur la Coppa Bernocchi sur Liège-Bastogne-Liège… Tout le monde sait que Remco Evenepoel est un infatigable rouleur, qu’il ne faut pas lui laisser dix mètres, qu’il faut l’user sur des terrains moins à sa convenance comme des descentes ou des forts pourcentages. Et pourtant, le coureur de 22 ans apprend, s’adapte, et démontre des qualités de leader qui ne peuvent que lui apporter du succès quand la spirale est positive. Sur ce championnat du monde, il se permet d’engranger plus de deux minutes d’avance sur ses plus proches rivaux, un avantage qu’on n’avait plus enregistré sur une telle course depuis 1968. Sur le dernier tour, le Brabançon n’a cédé qu’une vingtaine de secondes au peloton, pourtant revenu comme une balle sur les premiers poursuivants dans les derniers kilomètres. « Un monument, un Grand Tour et un championnat du monde : je pense que j’ai gagné tout ce que je pouvais cette année. Je n’aurais jamais pu connaître une meilleure saison que celle-ci… », s’émerveille encore le nouveau champion du monde, seulement déçu par le fait qu’il devra déjà (potentiellement) rendre sa tunique arc-en-ciel en août, exceptionnellement en raison de la tenue de « super-Mondiaux » en Écosse.

https://twitter.com/UCI_cycling/status/1573927863102763009

La sélection belge aurait même pu réaliser un plus grand exploit encore avec Wout van Aert, finalement battu par Christophe Laporte et Michael Matthews dans le sprint du peloton, pour la deuxième place. Mais la motivation était différente selon les coureurs : « Sans oreillette, c’est difficile d’avoir toutes les informations rapidement. C’est déjà une course étrange vu qu’on roule par nations, alors sans oreillette, cela rend les choses encore plus compliquées. C’est pour ça que je ne savais pas qu’on sprintait pour une médaille… C’est un peu la déception du jour. Mais je ne vais pas me plaindre : on a gagné la course, je suis super heureux ! », réagit le maillot vert du dernier Tour de France sur Eurosport. « Je suis quand même très heureux, je pense qu’on peut être satisfait avec cette médaille d’argent. Si on nous avait dit ça à un tour de l’arrivée, je pense qu’on aurait signé des deux mains. C’était un final assez étrange… On est revenu assez vite sur le groupe de poursuite, et sur la ligne, je ne savais pas vraiment à quelle place j’étais. Quand on m’a dit que j’étais deuxième, tout le monde était très heureux », se satisfait Laporte. Une consolation au vu de la force du vainqueur du jour : « Les gars ont été admirables, ils y ont cru jusqu’au bout, là où moi-même, je pensais que c’était foutu et qu’on n’allait même pas ramener un Top 5. Ils ont eu un état d’esprit collectif qui permet d’aller chercher la deuxième place. C’était la meilleure place derrière l’intouchable Remco Evenepoel », salue ainsi le sélectionneur français Thomas Voeckler, pour la première fois vaincu sur un championnat du monde. Mais la deuxième position semblait en effet la seule acessible face à un tel numéro…

Les résultats de la course en ligne des élites messieurs des championnats du monde sur route 2022 à Wollongong :

Results powered by FirstCycling.com

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