Les sprints de Jasper Philipsen et Mark Cavendish, la maîtrise d’UAE Team Emirates et de son leader Tadej Pogacar, une semaine de publicités géantes… : voici ce qui a marqué cette dernière semaine aux Émirats Arabes Unis.
Jasper Philipsen ne perd pas de temps
Pour sa première course de la saison, le sprinter belge de 23 ans Jasper Philipsen (Alpecin-Fenix) n’a pas fait dans le détail. Entre les stages ensoleillés en Espagne et les entraînements sur les routes belges, le coureur de Mol sortait de cette dernière année avec un sentiment de frustration en raison de ses places d’honneur sur le Tour de France, mais évoquait dans le même temps sa motivation à l’idée d’améliorer ses qualités… dans tous les domaines, pour franchir un nouveau cap dès 2022. “Je dois devenir plus fort, ce qui englobe l’ensemble de mes caractéristiques. Être plus fort, plus puissant, mieux positionné, avec un peu plus de chance. Après, on verra…”, expliquait-il dans les colonnes de Sudinfo en début d’année. Cette puissance, ce meilleur positionnement, cette dose de chance : tout s’est parfaitement mis en place pour lui permettre de lever les bras dès sa première compétition de l’année.
Sur la première étape de l’UAE Tour, bien placé par Jonas Rickaert, Philipsen a développé une plus grande vélocité que ses adversaires dans les 200 derniers mètres pour triompher d’emblée face à des sprinters de renom tels que Sam Bennett (Bora-Hansgrohe), Elia Viviani (INEOS Grenadiers), déjà vainqueur d’étape sur le récent Tour de la Provence, Mark Cavendish (Quick Step-Alpha Vinyl), vainqueur sur le Tour d’Oman, ou encore Dylan Groenewegen (BikeExchange-Jayco). Et cela n’était pas seulement un coup de chance. Le lendemain, il devait s’incliner face à un Cavendish supersonique (lire plus bas) avant de signer un “contre-la-montre inattendu”, selon ses propres mots. Dixième de ce chrono de 9 kilomètres, le sprinter confirmera sa forme deux jours plus tard lors de la 5e étape remportée haut la main malgré le souci mécanique rencontré par son poisson-pilote Jonas Rickaert dans le dernier kilomètre : “Gagner n’est jamais ennuyeux. Je ne suis jamais confiant avant une course, je ne suis confiant que lorsque je franchis la ligne d’arrivée en vainqueur”, lâche-t-il après cette seconde victoire de la semaine.
S’il a dû se satisfaire d’une 6e place sur la dernière possibilité offerte aux sprinters sur la 6e étape en raison d’une échappée victorieuse, Philipsen se console avec la victoire finale au classement par points. Et une bonne dose de confiance en vue de la suite de la saison. Une saison qu’il souhaite ponctuer d’une participation et d’une victoire d’étape sur le Tour de France. Pour franchir un nouveau cap.
Tadej Pogacar a annihilé l’opposition
Les doutes étaient présents au départ de cet UAE Tour après l’annonce, une semaine plus tôt, que le Slovène Tadej Pogacar (UAE Team Emirates) avait été testé positif au Covid plus tôt dans la saison. Pas de symptôme heureusement : “Pogi” a rapidement pu retrouver l’entraînement. Il se présentait donc au départ de cet UAE Tour, sa première épreuve de l’année, avec la casquette d’ultra-favori, en plus de celle de tenant du titre. Et il n’a pas manqué de confirmer qu’il sera encore bien présent aux avant-postes sur toutes les courses auxquelles il prendra part en 2022.
Dès le contre-la-montre d’Ajman, Pogacar a montré en neuf kilomètres qu’il tenait le bon tempo. Quatrième derrière les purs spécialistes de la discipline, le Slovène a déjà donné une première baffe à ses rivaux. Avant que son équipe contrôle parfaitement les débats sur la longue montée de près de 21 kilomètres vers Jebel Jais. Sur cette première arrivée en altitude, malgré les nombreuses offensives, notamment de la part d’INEOS Grenadiers, les grimpeurs d’UAE Team Emirates sont bien restés en place. João Almeida et Rafal Majka ont bien protégé Pogacar dans les deux derniers kilomètres pour l’envoyer vers la victoire, en pur puncheur dans les 200 derniers mètres. Une victoire qui lui a permis d’endosser le maillot rouge de leader qu’il ne quittera plus jusqu’à l’arrivée de cet UAE Tour.
Sur la dernière arrivée au sommet, plus raide à Jebel Hafeet, les passages à 11% n’ont pas fait peur à Pogacar qui a parfaitement géré l’offensive d’Adam Yates (INEOS Grenadiers) à 3 kilomètres du but avant de le déborder à 500 mètres du but pour engranger une seconde victoire d’étape et la victoire finale au général. Comme l’an dernier. Cela annonce un nouveau feu d’artifices au Strade Bianche et à Tirreno-Adriatico, ses prochains rendez-vous.
Mark Cavendish n’a pas perdu son sprint
Certes, le Britannique Mark Cavendish (Quick Step-Alpha Vinyl) n’a remporté qu’une étape sur cet UAE Tour. Mais quelle victoire ! La manière dont il a mené ce sprint sur la deuxième étape de l’UAE Tour est impressionnante. Totalement invisible lors du premier sprint massif, la veille, le sprinter de l’île de Man a réalisé dès le lendemain une performance qu’il avait déjà développée sur le Tour d’Oman. Tout en discrétion, Cavendish est remonté dans le dernier kilomètre grâce à son coéquipier Michael Morkov avant de prendre le sillage des poissons-pilotes de ses adversaires. Puis à 250 mètres, il lance son sprint ravageur. Malgré les virages et le vent de face, il développe une puissance monstrueuse pour conserver la tête du peloton et ne plus jamais quitter cette position. Philipsen ne pouvait rien faire : Cavendish, 36 ans, s’offre ainsi une 158e victoire professionnelle, soit le même nombre qu’un certain André Greipel, aujourd’hui retraité.
“Je savais que j’étais capable d’aller encore chercher d’autres victoires et ce succès, ma première dans le WorldTour cette année, me donne beaucoup de confiance pour les prochaines courses”, se réjouit Cavendish. Le Britannique a cependant quelque peu déchanté après une chute impressionnante sur la 4e étape, le laissant sonné durant de longues minutes. Finalement reparti, le “Man-X Express” a conclu cet UAE Tour malgré tout.
Filippo Ganna n’est pas imbattable
Depuis le départ de cet UAE Tour, tous n’avaient qu’un nom en tête au moment d’évoquer l’unique contre-la-montre de 9 kilomètres, prévu dès le troisième jour de course : Filippo Ganna (INEOS Grenadiers). Le champion du monde de la discipline et champion olympique de poursuite devait démontrer sa puissance comme il l’avait déjà prouvé sur le chrono final de l’Étoile de Bessèges, deux semaines plus tôt. Mais sur le tracé totalement plat et venteux d’Ajman, l’Italien est tombé sur plus fort. Après avoir terminé en 2e place du chrono l’an dernier, le Suisse Stefan Bissegger (EF Education-EasyPost) a cette fois développé une plus grande puissance que Ganna sur les deux parties de ce contre-la-montre, que ce soit à l’aller ou au retour.
Ganna n’a été battu que de 7 secondes et devait se contenter de la deuxième place, devant le Néerlandais Tom Dumoulin (Jumbo-Visma), autre rouleur de retour à l’avant-plan. Mais Ganna a démontré dès le lendemain qu’il en avait encore sous la pédale. Malgré ses 82 kilos annoncés, l’Italien de 25 ans a failli tenir tête aux meilleurs grimpeurs sur la longue ascension de Jebel Jais. Certes, cette montée très roulante correspondait à ses qualités de coureur puissant. Mais porter sa carcasse sur un effort de plus de 45 minutes à 450 watts de moyenne, c’est un exploit ! Qui lui a permis de rester quasiment jusqu’au sommet avec Tadej Pogacar, Adam Yates, Aleksandr Vlasov, Romain Bardet… De quoi donner des idées au rouleur transalpin.
Une semaine de publicité
L’UAE Tour reste une affiche publicitaire géante pour les Émirats Arabes Unis. Le public l’a bien compris, les coureurs aussi. L’intérêt sportif est quelque peu relevé par des sprints alléchants, des longs cols qui aident à la préparation de la saison, mais ce stage géant dans le désert ne parvient pas encore à rassembler les foules. Encore moins sur place que devant l’écran de télévision.
Think that might be the first time I've seen a rider get off the bike, run and get back again without losing any time!#UAETour pic.twitter.com/1IaQz5CGJb
— Mathew Mitchell (@MatMitchell30) February 21, 2022
Les Émirats apportent un budget imposant pour assurer leur place dans le WorldTour et une couverture médiatique importante, mais l’épreuve a du mal à s’imposer comme un immanquable du calendrier. Surtout dans un agenda qui a bien gonflé au fil des années avec les épreuves françaises, espagnoles et portugaises qui ne proposent pas du luxe, certes, mais des parcours plus variés, des tracés plus comparables à ce que les pelotons vont enchaîner durant les semaines qui suivent. L’UAE Tour reste un rendez-vous de préparation, un moment sympathique pour les coureurs et les invités. Mais dans le programme chargé désormais en place en février, il n’apporte plus vraiment de singularité.