Milan-Sanremo : Alaphilippe, le leader providentiel de Deceuninck-Quick Step, a réalisé la course parfaite

Bien lancé par une équipe entièrement dévouée à son succès, le Français Julian Alaphilippe a réalisé la course parfaite sur ce Milan-Sanremo, du Poggio jusqu’à la Via Roma.
Julian Alaphilippe - Vainqueur Milan-Sanremo 2019 - RCS Sport La Presse D'Alberto-Ferrari
Julian Alaphilippe – Vainqueur Milan-Sanremo 2019 – RCS Sport La Presse D’Alberto-Ferrari

Premier monument de l’année et déjà, le “Wolfpack” de Deceuninck-Quick Step a frappé fort pour confirmer sa mainmise sur les classiques. Bien lancé par une équipe entièrement dévouée à son succès, le Français Julian Alaphilippe a réalisé la course parfaite, de son attaque sur le Poggio, à sa gestion des derniers kilomètres vers la Via Roma, jusqu’à son sprint final, suffisant dans les 200 derniers mètres pour s’offrir Milan-Sanremo, sa première classique historique, deux ans après sa deuxième place derrière Michal Kwiatkowski (Sky) qu’il est cette fois parvenu à devancer.

Cette 110e édition de Milan-Sanremo devait être une nouvelle ode aux puncheurs, tant la liste des partants regorgeait de coureurs capables de faire souffrir les sprinters et de lancer une offensive tardive en vue de la cité des fleurs. Et pourtant, dans les premières heures de course de cette classique atypique par sa longueur (plus de 290 kilomètres), le scénario classique se déroulait sous les yeux de téléspectateurs qui avaient certainement préféré une sieste pour se conserver en vue de la dernière heure de suspense. Une échappée de dix coureurs (au sein de laquelle on retrouvait quatre représentants du Team Novo Nordisk, victimes du diabète de type 1, une belle performance pour la formation continentale professionnelle), un peloton qui se positionne dans les Capi et une course qui s’emballe au bout de six heures sur la selle sur la Cipressa, la plus “difficile” des ascensions de la Classicissima. Rien de bien compliqué par rapport aux autres classiques du calendrier, mais elle peut décider du sort des sprinters les moins en verve, à moins de 30 kilomètres de l’arrivée. C’est ainsi sur cette Cipressa que Nacer Bouhanni (Cofidis) et Dylan Groenewegen (Jumbo-Visma) ont montré leurs limites et confirmé qu’ils ne pourraient pas tenter de s’inviter dans un éventuel sprint final. Niccolo Bonifazio (Direct Énergie), sprinter annoncé, tentait lui de surprendre tout le peloton en réalisant une descente folle vers la côte ligure, mais sa tentative en solitaire était rapidement mise sous silence par un peloton regroupé en une centaine de coureurs à l’approche de Poggio di Sanremo, l’ascension finale tant attendue de Milan-Sanremo. Comme l’an dernier finalement : la Cipressa n’a connu aucune attaque, permettant aux puncheurs d’augmenter d’intensité dans le final.

Deceuninck-Quick Step avait bien choisi son leader

C’est sur cette côte comparée à un long faux-plat montant vers les hauteurs de Sanremo, que l’équipe Deceuninck-Quick Step confirmait ce qui se profilait depuis les Capi. Le leader de la formation belge était bien Julian Alaphilippe. Si Patrick Lefevere annonçait dans les médias que sa formation pouvait compter six vainqueurs potentiels sur les sept coureurs engagés, le Français de 26 ans était finalement bien dans les bonnes roues lorsque Zdenek Stybar et Philippe Gilbert se relayaient pour hausser le rythme. Alors que le sprinter-maison Elia Viviani craquait pour sa part dans le Poggio face à cette accélération vive. “Mes coéquipiers m’ont protégé toute la journée et on a contrôlé le final en durcissant la course. On n’a fait aucune erreur”, affirme Alaphilippe, qui sortait de la roue de Gilbert à moins d’un kilomètre du sommet pour rattraper Simon Clarke (EF Education First) puis creuser un mince écart sur Peter Sagan (Bora-Hansgrohe) et Michal Kwiatkowski (Sky). “L’équipe avait entièrement confiance en moi. Je voulais bien faire pour eux. (…) J’avais dit au briefing que je voulais être dans le Top 5 au pied du Poggio. Et quand j’ai entendu qu’Elia (Viviani) était distancé dans le Poggio, j’ai demandé à Philippe (Gilbert) et Zdenek (Stybar) de durcir le plus possible. J’ai fait un effort très violent pour faire la sélection“, confie-t-il encore à L’Équipe.

Alaphilippe faisait ainsi la sélection et permettait à Sagan, Kwiatkowski mais aussi Oliver Naesen (Ag2r-La Mondiale), Alejandro Valverde (Movistar), Matteo Trentin (Mitchelton-Scott) et Wout Van Aert (Jumbo-Visma) de prendre les devants avant la bascule devant la cabine téléphonique de Poggio. Et pendant que ce beau monde se regardait en chiens de faïence, sans vouloir prendre ses responsabilités, Tom Dumoulin (Sunweb) puis Matej Mohoric, Vincenzo Nibali (Bahrain-Merida), et Simon Clarke revenaient dans ce groupe qui allait donc se jouer la victoire à onze. Alors que Trentin puis Van Aert tentaient encore de sortir dans les deux derniers kilomètres, c’est Alaphilippe qui allait chercher les attaquants. De même quand Mohoric tentait le coup du kilomètre. “Quand je l’ai vu sortir, je me suis dit que c’était maintenant ou jamais. Le fait d’être confiant comme ça, d’être aussi fort dans la tête, cela m’a aidé”, explique encore le Français à L’Équipe.

Septième victoire de la saison

Le sprint était alors en préparation, pendant que Peter Sagan se plaçait en tête, Alaphilippe attendait patiemment puis lançait son sprint au moment où Mohoric remontait à l’avant. Le Français tenait bon dans les 200 derniers mètres et devançait ainsi Oliver Naesen et Michal Kwiatkowski, en se payant même le luxe de se relever pour célébrer son succès à quelques mètres de la ligne. “J’ai encore du mal à réaliser ce que j’ai fait, et ce que mon équipe a réalisé”, confie le leader de Deceuninck-Quick Step, vainqueur de sa septième course de la saison et de sa quatrième en deux semaines après le Strade Bianche et deux étapes de Tirreno-Adriatico. “À 200 mètres, je me suis dit qu’il était hors de question de terminer deuxième encore une fois (NDLR : comme en 2017)”. Alaphilippe décroche ainsi son premier monument, après ses succès sur la Flèche Wallonne et le Strade Bianche, et peut désormais voir les classiques ardennaises avec envie. Le Français s’offre d’ailleurs une pause jusqu’au Tour du Pays Basque, dans deux semaines, sur lequel il préparera ces épreuves qui l’ont consacré parmi les grands classicmen contemporains.

Sagan surpris comme les autres leaders

Tous les adversaires de Julian Alaphilippe n’avaient aucun mal à confirmer la supériorité du vainqueur du jour, au vu de sa prestation tant sur le Poggio que sur la Via Roma. Mais certains peuvent avoir des regrets. Comme Michal Kwiatkowski, troisième, après un sprint de justesse derrière le Français. “C’est un bon résultat mais quand vous êtes si proche de la victoire, vous vous me demandez ce que vous pouviez faire de mieux que le vainqueur”, explique le champion de Pologne. “Mais Julian était le plus fort aujourd’hui, vous avez vu ce qu’il a fait dans le Poggio et dans le sprint”.

Le champion de Slovaquie Peter Sagan peut également se dire qu’il a manqué, une nouvelle fois, la victoire de très près sur Milan-Sanremo. Pour sa neuvième participation à la classique italienne, il a terminé quatrième, alors qu’il était clairement le plus rapide. Mais le leader de Bora-Hansgrohe a lancé son sprint en retard : en tête du groupe, Sagan s’est retrouvé esseulé et surveillait Valverde à sa droite alors que c’est bien Alaphilippe qui partait vers la victoire à sa gauche. “La finale de ce Milan-Sanremo s’est jouée comme je m’y attendais. Un grand groupe est arrivé au pied du Poggio et ensuite, un gros rythme a été imposé en tête, avec plusieurs attaques. Je savais que je devais être là, donc j’ai contré les attaques comme je pouvais. (…) Je dirais que le sprint final était étrange et très lent. J’ai été bloqué et quand j’ai trouvé l’espace pour sprinter, ce n’était pas suffisant”, confie Sagan.

Les Belges ont assuré leur rang

Du côté des représentants belges, l’optimisme était de mise. Alors que Gilbert s’est mis à plat ventre dans le Poggio pour Alaphilippe et que Greg Van Avermaet (CCC) s’est retrouvé en très mauvaise position dans le Poggio pour espérer suivre les attaques finales, c’est finalement Oliver Naesen qui a réalisé la meilleure opération en terminant deuxième de Milan-Sanremo, soit son premier podium sur un monument. “J’étais au top de ma confiance avant cette course. Je m’attendais à un Top 10, j’espérais et je rêvais un peu d’être sur le podium, donc c’est un super résultat pour moi”, avoue l’ancien champion de Belgique. “Julian Alaphilippe était de toute manière le plus fort sur le Poggio et le plus rapide dans le sprint, qui était en plus avec le vent de face. Personnellement, cela a encore augmenté ma confiance de battre Sagan et Kwiatkowski dans ce sprint”, explique le leader d’Ag2r-La Mondiale, qui peut encore réaliser de grandes choses sur les classiques flandriennes, dès la semaine prochaine, s’il parvient à tenir cette condition exceptionnelle.

En l’absence de Groenewegen, le leader de Jumbo-Visma devenait belge et se nommait Wout van Aert. L’ancien champion du monde de cyclo-cross apparaissait encore en grande forme, après sa troisième place sur le Strade Bianche. Après avoir suivi les grands favoris, le coureur belge de 24 ans tentait de sortir à 1500 mètres du but avant de terminer sixième du sprint final. “J’ai couru une belle course, mais je suis un peu déçu quand même”, explique-t-il au micro de la VRT. “Je comprends désormais bien à quel point cette course peut être frustrant. Je me sentais vraiment bien et j’étais avec les meilleurs sur le Poggio. Cela m’a donné des crampes, mais j’étais là avec les tout meilleurs. (…) Normalement, j’ai un meilleur sprint que cela. Je ne sais pas si je dois être déçu car j’ai tenté ma chance et cela n’a pas marché ou parce que je n’avais pas assez confiance dans mon sprint. Peut-être que j’aurais dû attaquer. J’avais une chance ici. (…) Mais je sais désormais que je peux et revenir ici. Je suis en tout cas prêt pour les classiques flandriennes”, confirme Van Aert, en ordre de marche avec trois Top 15 en trois jours de course. Costaud !

Résultats de la 110e édition de Milan-Sanremo (Milan > Sanremo, 290 km) :

Photos : RCS Sport/La Presse/D’Alberto-Ferrari et Bora-Hansgrohe/Bettiniphoto

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